TRIBUNAUX
COUR D’ASSISES DU PAS-DE-CALAIS
Présidence
de M. Bottin.
VOL DANS UNE
ÉGLISE.
Trois
accusés : Pierre Hénaux, vingt-sept ans ; Henri Rolland, dix-huit
ans ; Philogène Honoré, dix-sept ans, tous trois sans profession,
demeurant à Ferques. Dans la nuit du 1er au 2 janvier dernier, un
vol fut commis à l’église d’Elinghem, commune de Ferques. On
avait pénétré dans cette église en brisant les vitraux d’une
fenêtre, deux troncs avaient été fracturés, on avait emporté ce
qu’ils contenaient. On remarquait aussi des traces d’effraction
sur la porte de l’édifice ; les malfaiteurs s’étaient d’abord
attaqués à cette porte, mais sans succès.
Les soupçons
ne tardèrent pas à se fixer sur trois individus mal famés du
hameau d’Elighem, Hénaux, Rolland et Honoré.
Journal
officiel de la Commune de Paris du 20 mars au 24 mai 1871. (1871) 665
Interrogé
par le maire de Ferques, Hénaux prétendit que le vol avait été
commis par Rolland, et qu’il s’était borné à l’accompagner.
Devant le juge de paix de Marquises, il convint qu’il faisait le
guet pendant que Rolland et Honoré étaient entrés dans l’église.
Enfin, devant le juge d’instruction, il avoua qu’il avait eu le
premier l’idée du vol, qu’il avait pénétré seul dans
l’église, enlevé l’argent que renfermaient les troncs, pendant
que ses coaccusés faisaient le guet dans le cimetière, et
qu’ensuite tous trois s’étaient rendus chez Rolland pour opérer
le partage.
Ces aveux
furent confirmés par Honoré, dont les déclarations devant le juge
de paix et le juge d’instruction s’accordèrent avec celles de
Hénaux, sauf en ce point que d’après Honoré, Hénaux et Rolland
auraient tous deux pénétré dans l’église, pendant que lui seul
faisait le guet.
Malgré ces
déclarations réitérées, Rolland repoussait toute participation au
vol ; il reconnaissait toutefois, que dans la nuit du 1er au 2
janvier, Hénaux, qui devait partir pour la garde nationale
mobilisée, était venu lui faire ses adieux vers une heure du matin,
puis qu’il était revenu vers cinq heures avec une bourse
renfermant environ 19 fr. en monnaie de billon et une pièce d’argent
de 1 fr. Rolland aurait accepté cette pièce. A cela se seraient
bornés ses agissements personnels.
Cependant
l’information suivait son cours et les trois accusés pouvaient
librement communiquer entre eux à la maison d’arrêt. Rolland et
Honoré profitèrent de ces relations avec leur coaccusé Hénaux
pour décider celui-ci à prendre toute l’affaire à sa charge. En
effet dans un nouvel interrogatoire subi le 10 février, relativement
à un autre vol, Hénaux revint tout à coup sur ses déclarations
antérieures et prétendit que lui seul avait accompli les
soustractions dans l’église d’Elinghem, sans le concours
d’aucune autre personne.
Honoré, de
son côté, rétracta également ses précédents aveux.
On ne
discutera pas ici la valeur de ces rétractations, dont la portée
est facile à juger et le mobile trop apparent pour qu’il soit
utile d’insister.
Hénaux et
Honoré ont aussi à répondre d’un autre vol, à l’existence
duquel Honoré a fait spontanément allusion dans un de ses
interrogatoires. Le 1er janvier au soir, la demoiselle Bonningue, qui
dirige une ferme à Locquighem, commune du Réty, s’aperçut qu’on
avait soustrait dans une écurie une couverture piquée et deux draps
de lit en toile.
Journal
officiel de la Commune de Paris du 20 mars au 24 mai 1871. (1871) 666
Lors de
l’enquête faite à l’occasion du vol exposé ci-dessus, le
gardechampêtre de Ferques eut la pensée d’interroger Honoré sur
cette autre soustraction. Honoré avoua qu’il y avait pris part et
ajouta que, pendant qu’il faisait le guet à la porte de la ferme,
Hénaux était entré dans la cour et dans l’écurie où il avait
pris la couverture et les draps ; il aurait donné l’un de ces
draps à porter à Honoré, mais celui-ci ne l’aurait pas gardé et
l’aurait laissé bientôt entre les mains de Hénaux.
Honoré a
rétracté encore ses aveux en ce qui concerne ce second vol, qui est
aussi dénié par eux.
Les
antécédents des trois accusés sont mauvais. Hénaux a déjà subi
trois condamnations : la première pour vol, en 1863, à quatre mois
d’emprisonnement ; la seconde en 1865, pour coups de blessures, à
huit jours de prison ; la troisième en 1868, pour mendicité, à six
mois.
Rolland n’a
pas encore été condamné, mais les renseignements recueillis le
signalent comme ivrogne et paresseux ; son père s’étant remarié,
il a quitté ce dernier pour vivre en concubinage avec sa belle-mère.
Enfin, Honoré a été en 1863, à la suite d’un vol par lui
commis, envoyé dans une maison de correction jusqu’à l’âge de
seize ans.
Tels sont
les faits reprochés aux trois accusés.
Devant la
cour, et malgré les vives interpellations de M. le président,
Hénaux persiste à déclarer qu’il est le seul coupable, que lui
seul a escaladé et fracturé les vitraux de l’église, ce qui est
matériellement impossible, dit un témoin.
Déclaré
coupable par le jury, qui a admis des circonstances atténuantes en
faveur de l’accusé Rolland, la cour condamne Hénaux à six ans de
travaux forcés, Honoré à cinq ans de la même peine, et Rolland à
cinq ans de réclusion.
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