Ce
mot désigne simplement ce qui a rapport à soi. L’égoïsme
procède de l’instinct de conservation, ce n’est pas plus un vice
qu’une vertu ; c’est un fait. Comme la pesanteur ! L’égoïsme
est nécessaire au fonctionnement harmonieux de l’individu autant
que ses organes physiques. Le sens exclusivement péjoratif que l’on
prête à ce mot suffirait à donner la mesure de l’hypocrisie
sociale. Les conventions reposent sur de tels mensonges que ce
sentiment naturel est hypocritement répudié comme un vice. Et
pourtant, l’égoïsme, en soi, n’est ni bon ni mauvais. Il est.
Simplement. Selon l’atavisme, le tempérament, l’ambiance et
l’éducation des individus, l’égoïsme se qualifie. Il produit
chez celui-ci de la violence, chez celui-là de l’avarice et chez
cet autre de l’amour. Prenons un exemple : Sous les yeux de Jean,
de Pierre et de Jacques, Paul est enlevé par une vague ! Aussitôt,
Jean fuit ce lieu dangereux et va se mettre à l’abri ; Pierre, au
vêtement de qui Paul avait tenté de se retenir, l’a violemment
repoussé dans l’abîme pour n’y être pas entraîné avec lui.
Dans le même temps, Jacques, sans se soucier de son propre danger,
s’est jeté dans les flots, il a lutté contre leur violence et
ramené Paul à la vie. Tous trois ont commis un acte égoïste. Ces
actes sont différents parce que chaque individu avait une
sensibilité différente. La sensibilité de Jacques a rendu son
égoïsme salutaire à Paul, c’est incontestable ; mais tout comme
Jean et Pierre, il fuyait une souffrance, sa propre souffrance, faite
par réflexe, des souffrances de Paul ! Cultivons donc notre
sensibilité et éduquons-la pour que notre égoïsme soit plus
agréable et bienfaisant à autrui, nous multiplierons ainsi
mutuellement la somme de nos jouissances. Mais ayons la cynique
honnêteté de nous reconnaître égoïstes. L’antonyme d’égoïsme
est altruisme et ce mot ne désigne rien qui soit.
Raoul
ODIN
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