UN COUP
D’ÉTAT À MARSEILLE
Un de nos
amis politiques dont il est inutile de dire le nom, arrivé hier au
soir de Marseille, nous apporte des renseignements tout particuliers
sur les déplorables événements dont cette ville vient d’être le
théâtre.
Nous croyons
devoir publier ces renseignements de documents d’histoire
contemporaine.
On sait que,
grâce à l’énergie et à l’intelligence de quelques bons
citoyens, la Commune avait été proclamée à Marseille. Ses membres
s’étaient installés à la préfecture, et avaient en même temps
envoyé deux délégués à Paris pour conférer avec le Comité
central. Cinq cents volontaires garibaldiens prêtaient leurs
concours armé à la Révolution phocéenne, qui, d’ailleurs,
s’étaient manifestée pacifiquement, sans effusion de sang.
Mais le
triumgueusat Thiers-Favre-Picard, qui n’aime guère les
révolutions, pacifiques ou violentes, décida qu’il fallait
réduire par la force des chassepots « cette basse démagogie
marseillaise » qui prétendait s’insurger contre le gouvernement
rural, central et légal par excellence.
Lors, pour
l’exécution de ces projets liberticides, un corps d’armée de 30
000 hommes, placés sous les ordres du général Espivent, fut
bientôt dirigé sur Aubagne, petite localité située dans les
environs de Marseille. De là, le général envoya prendre possession
des hauteurs de Notre-Dame de la Garde ; où il fit établir des
batteries d’artillerie, protégées par les chasseurs de Vincennes.
Journal
officiel de la Commune de Paris du 20 mars au 24 mai 1871. (1871) 649
Ensuite, le
corps d’armée s’avança sur la ville, fusil au poing, baïonnette
au canon. Les pantalons garance de Versailles trouvèrent un appui
dans le 3e bataillon de la garde nationale, le bataillon des amis de
l’ordre et des muscadins « à paole d’honneu panassée », qui
n’attendent qu’un nouveau Thermidor pour étaler leur férocité
idiote en plein soleil.
La fusillade
commença. La préfecture fut littéralement bombardée durant sept
heures consécutives.
Le nombre
des victimes est encore inconnu. Bien des passants inoffensifs, des
badauds ont payé de leur vie une badauderie inopportune.
Néanmoins,
les membres de la Commune, voulant éviter à tout pris la
continuation d’une guerre civile aussi barbare et aussi terrible,
envoyèrent à la fin un parlementaire auprès du général Espivent,
qui imposa pour bases de la capitulation la reddition immédiate de
la préfecture et la mise en état d’arrestation des « émeutiers
».
A cette
heure, l’ordre règne à Varsovie…
Des mandats
d’amener ont été lancés contre les membres de la Commune, qui,
heureusement, ont réussi à échapper à toutes poursuites.
Trois cents
citoyens, pris parmi les hommes les plus influents du parti
républicain, sont maintenant dans les cachots du fort du
Château-d’If, — où fut enfermé l’illustre Mirabeau.
Les feuilles
soupçonnées de communalisme ont été menacées de suppression.
Bref, tout
est pour le mieux dans la meilleure des réactions possibles.
POLIO.
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