samedi 19 janvier 2019

Journal de la Commune


UN COUP D’ÉTAT À MARSEILLE

Un de nos amis politiques dont il est inutile de dire le nom, arrivé hier au soir de Marseille, nous apporte des renseignements tout particuliers sur les déplorables événements dont cette ville vient d’être le théâtre.
Nous croyons devoir publier ces renseignements de documents d’histoire contemporaine.
On sait que, grâce à l’énergie et à l’intelligence de quelques bons citoyens, la Commune avait été proclamée à Marseille. Ses membres s’étaient installés à la préfecture, et avaient en même temps envoyé deux délégués à Paris pour conférer avec le Comité central. Cinq cents volontaires garibaldiens prêtaient leurs concours armé à la Révolution phocéenne, qui, d’ailleurs, s’étaient manifestée pacifiquement, sans effusion de sang.
Mais le triumgueusat Thiers-Favre-Picard, qui n’aime guère les révolutions, pacifiques ou violentes, décida qu’il fallait réduire par la force des chassepots « cette basse démagogie marseillaise » qui prétendait s’insurger contre le gouvernement rural, central et légal par excellence.
Lors, pour l’exécution de ces projets liberticides, un corps d’armée de 30 000 hommes, placés sous les ordres du général Espivent, fut bientôt dirigé sur Aubagne, petite localité située dans les environs de Marseille. De là, le général envoya prendre possession des hauteurs de Notre-Dame de la Garde ; où il fit établir des batteries d’artillerie, protégées par les chasseurs de Vincennes.
Journal officiel de la Commune de Paris du 20 mars au 24 mai 1871. (1871) 649
Ensuite, le corps d’armée s’avança sur la ville, fusil au poing, baïonnette au canon. Les pantalons garance de Versailles trouvèrent un appui dans le 3e bataillon de la garde nationale, le bataillon des amis de l’ordre et des muscadins « à paole d’honneu panassée », qui n’attendent qu’un nouveau Thermidor pour étaler leur férocité idiote en plein soleil.
La fusillade commença. La préfecture fut littéralement bombardée durant sept heures consécutives.
Le nombre des victimes est encore inconnu. Bien des passants inoffensifs, des badauds ont payé de leur vie une badauderie inopportune.
Néanmoins, les membres de la Commune, voulant éviter à tout pris la continuation d’une guerre civile aussi barbare et aussi terrible, envoyèrent à la fin un parlementaire auprès du général Espivent, qui imposa pour bases de la capitulation la reddition immédiate de la préfecture et la mise en état d’arrestation des « émeutiers ».
A cette heure, l’ordre règne à Varsovie…
Des mandats d’amener ont été lancés contre les membres de la Commune, qui, heureusement, ont réussi à échapper à toutes poursuites.
Trois cents citoyens, pris parmi les hommes les plus influents du parti républicain, sont maintenant dans les cachots du fort du Château-d’If, — où fut enfermé l’illustre Mirabeau.
Les feuilles soupçonnées de communalisme ont été menacées de suppression.
Bref, tout est pour le mieux dans la meilleure des réactions possibles.
POLIO.

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