dimanche 27 janvier 2019

LA TROISIEME ENFANCE (de 7 à 12 ans) Encyclopedie Anarchiste de Sébastien Faure




Pendant la première et la seconde enfance l'enfant a vécu d'ordinaire dans le milieu familial ; lors de la troisième enfance le milieu scolaire jouera un grand rôle dans son développement. Mais, qu'il s'agisse du milieu scolaire ou du milieu familial, des éducateurs, parents et maîtres doivent avant tout se préoccuper d'obtenir l'attachement de l'enfant. Nulle action éducative n'est possible si l'enfant n'aime pas les éducateurs.
Pendant la première et la seconde enfance, mais surtout pendant la première, il s'agit surtout de donner à l'enfant de bonnes habitudes et de veiller à son développement sentimental et moral.
L'attachement est nécessaire à la culture de la soumission et un bon développement sentimental et moral permet un bon usage de l'intelligence. Il convient de préciser ce que nous entendons par la soumission. Telle que nous la concevons, elle n'est pas la servitude. Se soumettre c'est prendre conscience d'une supériorité, ce n'est que vers sept ans que les enfants prennent une telle conscience ; tout petits, ils ne se rendent pas compte qu'ils sont moins forts, moins instruits, moins capables de se diriger que les adultes. Ainsi, la soumission que nous désirons obtenir de l'enfant peut se traduire par un refus d'obéissance de celui-ci en présence d'adultes qui se montrent inférieurs à lui intellectuellement et moralement. Ce que nous voulons obtenir, c'est la soumission volontaire. Nous voulons que l'enfant, ayant pris conscience des imperfections de son développement et de son savoir, recherche dans son entourage les personnes qui pourront l'aider de leurs lumières lorsqu'il n'aura pu découvrir par lui-même la bonne manière d'agir et nous voulons aussi qu'il obéisse aux adultes. Point n'est besoin d'ajouter qu'en revanche ces derniers doivent user de leur autorité d'une façon mesurée ainsi que nous l'avons indiqué au début de cette étude. Depuis sa naissance jusqu'au milieu de la troisième enfance l'enfant est surtout un petit égoïste. L'égoïsme, ou plutôt l'égocentrisme de l'enfant, n'est pas un défaut car il donne de la force à la personnalité naissante. Vers huit ou neuf ans l'enfant commence à s'intéresser vraiment aux jeux collectifs et les adultes doivent favoriser de tels jeux qui non seulement le préparent à la vie sociale mais encore développent son individualité. Si, dans la société actuelle, l'individu est trop souvent opprimé, il n'en faut pas conclure à la nécessité d'un individualisme antisocial. La volonté humaine est un produit de la vie sociale ou plus exactement de la réaction de l'individu contre le milieu. Suivant ses tendances personnelles et celles de ses parents, l'enfant unique vivant dans le seul milieu familial devient sans peine un esclave ou un tyran. Au contraire, l'enfant parmi des enfants, à peu près du même âge et de même force, se sent moins faible, il ne s'habitue pas à une dépendance amollissante et comme ses petits camarades en font tout autant, comme il sent que des volontés, pas trop fortes, se heurtent à la sienne, sa propre volonté et son individualité se développent. La troisième enfance marque aussi l'apparition des intérêts abstraits et le développement de la pensée logique. Ce n'est que vers 11 à 12 ans que l'enfant devient capable de véritables raisonnements logiques et l'école ne tient pas suffisamment compte de cet éveil tardif. Certes, bien plus tôt, les enfants font des problèmes avec « raisonnement » complexe mais en réalité leur « raisonnement » n'est la plupart du temps qu'un acte de mémoire et la répétition de formules apprises. Si on les interroge, ils répondent plutôt : « il faut faire une addition, une soustraction... » que par un raisonnement véritable. On use trop tôt, à l'école, d'idées abstraites et générales que les enfants emmagasinent dans leur mémoire mais ne comprennent pas. Ceci n'est pas seulement inutile par suite du manque de compréhension, mais c'est encore dangereux parce que les idées dont la formule a été confiée à la mémoire sont considérées comme toujours vraies par l'enfant qui ne se donne plus la peine, plus tard, de s’efforcer de les comprendre. Les prêtres de toutes les religions le savent si bien qu'ils s'efforcent d'enseigner leurs dogmes dès le plus jeune âge. Pendant la dernière période de l'enfance, l'enfant est facilement suggestible, a une imagination vive et manque d'esprit critique. Il s'ensuit que les enfants de cet âge altèrent souvent la vérité sans le vouloir. Il faut évidemment que les adultes évitent de laisser passer de telles déformations involontaires de la vérité ; mais il importe aussi qu'ils les distinguent des mensonges vrais. Ce serait cultiver le mensonge que de punir des erreurs involontaires. Dans l'éducation de l'enfant, la punition doit être considérée comme un pis-aller et les éducateurs doivent s'efforcer d'en éviter l'emploi comme aussi, d'ailleurs, celui des récompenses. Pour corriger ces « mensonges » involontaires, il faut s'attaquer à leurs causes en apprenant à l'enfant à bien observer, à formuler sa pensée avec précision, à régler son imagination, à faire usage de l'esprit critique. A la fin de la troisième enfance, l'enfant devient un idéaliste, il s'intéresse aux grandes oeuvres, aux nobles actions, à la vie des grands hommes. De cet intérêt enfantin il est évident que l'éducation doit tirer parti, soit en racontant de belles vies de travailleurs, de bienfaiteurs de l'humanité, de martyrs de la liberté et en particulier de la liberté de pensée ; soit en montrant les grandes oeuvres réalisées par l'entraide ; soit aussi en montrant les méfaits des grands conquérants, des tyrans, etc... qu'on fait encore trop souvent admirer dans les écoles d'aujourd'hui. Rappelons, pour finir, la nécessité des loisirs et celle des travaux libres, individuels ou collectifs dons nous avons parlé plus longuement au mot « Ecole ».

Aucun commentaire: