Emanciper
quelqu'un, c'est lui enlever le joug qui l'asservissait, le rendre
libre, dégagé de toute servitude. S'émanciper, c'est se libérer,
se dégager par ses propres efforts. Le mot émancipation signifie le
passage de l'état d'asservissement à celui de liberté, l'acte de
libération d'un individu, d'une nation, d'une classe.
EMANCIPATION
DES MINEURS.
Les
enfants des deux sexes sont, par la morale courante, et encore plus
par le Code, sous la dépendance étroite et l'autorité absolue des
parents et surtout du père. Combien de fois les parents s'imaginent
que la tutelle naturelle qu'ils doivent remplir vis-à-vis de leur
progéniture leur donne des droits absolus non seulement sur le
présent, mais sur l'avenir de celle-ci? S'il est normal que l'enfant
ait besoin d'être instruit, conduit, guidé, autant qu'aimé et
choyé, c'est outrepasser les conditions naturelles de relations
entre parents et enfants que de transformer la tutelle en domination,
de déterminer, par exemple, quels seront les goûts futurs, la
profession, et même les idées des petits. Sous le nom de traditions
familiales, les préjugés les plus conservateurs et réactionnaires
sont imposés à l'intelligence enfantine. A peine sont-ils arrivés
dans l'existence qu'cm les enferme dans une caste, qu'on les voue à
certaines croyances, qu'on leur fixe d'avance leur vie future. Seule,
une minorité, une élite, saura réagir par la suite. Les partis de
conservation et de réaction comptent sur cela, et savent que, tenant
l'enfance enfermée à travers la famille dans leurs préjugés, ils
lient ainsi par avance la grande majorité des cerveaux humains. Il y
a là évidemment un abus du droit des parents qu'on ne condamnera
jamais trop. L'éducation et l'enseignement futurs s'occuperont
davantage de donner aux petits l'instruction et le goût de
l'initiative destinés à en faire des hommes de progrès, des
individus libres, et non plus des prisonniers à vie des conceptions
paternelles ou maternelles. D'ailleurs, on peut noter avec
satisfaction que, dans la pratique de la vie familiale, la rigueur de
l'autorité paternelle tend continuellement à s'adoucir, à se
restreindre. Là comme ailleurs, la loi écrite, le Code, suit de
très loin l'évolution de la morale humaine. En effet, nous en
sommes encore à la vieille conception du droit romain. L'enfant
mineur est, légalement, sous la dépendance absolue des parents. Il
n'est émancipé que par la majorité (21 ans) ou par le mariage. Le
Code prévoit bien qu'il suffit d'une déclaration du père et de la
mère devant un juge de paix, pour émanciper un enfant à partir de
15 ans, ou s'il est orphelin, d'un conseil de famille présidé par
un juge de paix pour l'émanciper à 18 ans. Dans la réalité, on ne
se sert plus guère de ce formalisme juridique, et bien des jeunes
gens s'émancipent de par leur volonté ou avec le consentement
tacite des parents. L'idée qu'un enfant est appelé à vivre son
existence comme il l'entend gagne du terrain chaque jour en dépit
des juges et législateurs et de leurs lois.
Cette
évolution dans la morale se complètera par l'institution d'oeuvres
sociales au profit de l'enfant, quand la société humaine prendra
toutes dispositions pour élever, instruire, les générations à
venir, chose qui n'est nullement contradictoire avec l'amour paternel
et maternel, tout au contraire, les parents pouvant s'associer pour
organiser et contrôler les oeuvres enfantines. Jadis, l'enfant
naissait esclave de ses parents qui avaient sur lui un droit de vie
et de mort, et disposaient à l'avance de sa vie. Demain, l'enfant
sera destiné à être un homme libre et élevé avec la
préoccupation constante de sa liberté.
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