dimanche 20 janvier 2019

EMANCIPATION n. f. (D'origine latine, de emancipatio, provenant du radical mancipium, esclave) Encyclopedie Anarchiste de Sébastien Faure




Emanciper quelqu'un, c'est lui enlever le joug qui l'asservissait, le rendre libre, dégagé de toute servitude. S'émanciper, c'est se libérer, se dégager par ses propres efforts. Le mot émancipation signifie le passage de l'état d'asservissement à celui de liberté, l'acte de libération d'un individu, d'une nation, d'une classe.

EMANCIPATION DES MINEURS.

Les enfants des deux sexes sont, par la morale courante, et encore plus par le Code, sous la dépendance étroite et l'autorité absolue des parents et surtout du père. Combien de fois les parents s'imaginent que la tutelle naturelle qu'ils doivent remplir vis-à-vis de leur progéniture leur donne des droits absolus non seulement sur le présent, mais sur l'avenir de celle-ci? S'il est normal que l'enfant ait besoin d'être instruit, conduit, guidé, autant qu'aimé et choyé, c'est outrepasser les conditions naturelles de relations entre parents et enfants que de transformer la tutelle en domination, de déterminer, par exemple, quels seront les goûts futurs, la profession, et même les idées des petits. Sous le nom de traditions familiales, les préjugés les plus conservateurs et réactionnaires sont imposés à l'intelligence enfantine. A peine sont-ils arrivés dans l'existence qu'cm les enferme dans une caste, qu'on les voue à certaines croyances, qu'on leur fixe d'avance leur vie future. Seule, une minorité, une élite, saura réagir par la suite. Les partis de conservation et de réaction comptent sur cela, et savent que, tenant l'enfance enfermée à travers la famille dans leurs préjugés, ils lient ainsi par avance la grande majorité des cerveaux humains. Il y a là évidemment un abus du droit des parents qu'on ne condamnera jamais trop. L'éducation et l'enseignement futurs s'occuperont davantage de donner aux petits l'instruction et le goût de l'initiative destinés à en faire des hommes de progrès, des individus libres, et non plus des prisonniers à vie des conceptions paternelles ou maternelles. D'ailleurs, on peut noter avec satisfaction que, dans la pratique de la vie familiale, la rigueur de l'autorité paternelle tend continuellement à s'adoucir, à se restreindre. Là comme ailleurs, la loi écrite, le Code, suit de très loin l'évolution de la morale humaine. En effet, nous en sommes encore à la vieille conception du droit romain. L'enfant mineur est, légalement, sous la dépendance absolue des parents. Il n'est émancipé que par la majorité (21 ans) ou par le mariage. Le Code prévoit bien qu'il suffit d'une déclaration du père et de la mère devant un juge de paix, pour émanciper un enfant à partir de 15 ans, ou s'il est orphelin, d'un conseil de famille présidé par un juge de paix pour l'émanciper à 18 ans. Dans la réalité, on ne se sert plus guère de ce formalisme juridique, et bien des jeunes gens s'émancipent de par leur volonté ou avec le consentement tacite des parents. L'idée qu'un enfant est appelé à vivre son existence comme il l'entend gagne du terrain chaque jour en dépit des juges et législateurs et de leurs lois.
Cette évolution dans la morale se complètera par l'institution d'oeuvres sociales au profit de l'enfant, quand la société humaine prendra toutes dispositions pour élever, instruire, les générations à venir, chose qui n'est nullement contradictoire avec l'amour paternel et maternel, tout au contraire, les parents pouvant s'associer pour organiser et contrôler les oeuvres enfantines. Jadis, l'enfant naissait esclave de ses parents qui avaient sur lui un droit de vie et de mort, et disposaient à l'avance de sa vie. Demain, l'enfant sera destiné à être un homme libre et élevé avec la préoccupation constante de sa liberté.

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