Dès
les premiers jours de son existence l'enfant exprime quelques
émotions : plaisir, déplaisir, désir, crainte.
La
peur se manifeste très tôt et accompagne les impressions nouvelles
brusques et intenses qu'il importe d'éviter à l'enfant : bruits
violents, secousses brusques. Plus tard la peur est provoquée par
des impressions visuelles : visages ou êtres inconnus. Tout d'abord
les peurs de l’enfant ne sont pas motivées, l'enfant ne connaît
pas le danger. Ensuite ses craintes deviennent plus motivées,
l'imagination y joue un grand rôle.
L'éducateur
doit s'efforcer de corriger les enfants de ce sentiment. D'abord ils
ne le provoqueront pas eux-mêmes, donc pas de menaces, pas de
violences, pas de railleries, pas de contes fantastiques ou
d'histoires dramatiques. Ensuite par leur exemple, leur appel à la
confiance, une action lente, méthodique, progressive pour les
habituer à l'obscurité, aux bruits, par la suggestion, ils
s'efforcent de guérir l'enfant et de le persuader qu'il n'est pas
peureux.
II
en est de la peur comme de la colère, elle dépend en une certaine
mesure des conditions physiques et il convient de s'attaquer à
toutes ses causes ; il faut donc, lorsque besoin est, rendre l'enfant
plus fort, mieux portant, plus souple soit par l'alimentation, soit
par des exercices de gymnastique et des jeux de plus en plus
violents, soit au besoin grâce à des médicaments fortifiants et
toniques du système nerveux.
Certains
enfants sont tout à la fois timides et peureux ; mais la vraie
timidité est distincte de la peur et s'observe beaucoup plus chez
les adolescents que chez les enfants. Dans la plupart des cas elle
est le fruit d'une éducation trop sévère qui n'a pas permis le
développement normal de la personnalité enfantine. La colère ne se
manifeste d'ordinaire que vers deux ou trois mois, elle est
généralement brève et intense ; l'enfant trépigne, crie, frappe
du pied, se roule par terre, veut donner des coups, etc... La colère
dépend de la nervosité, de l'état atmosphérique, elle est souvent
provoquée par les gronderies, les emportements des éducateurs
(parents et maîtres) ou leurs faiblesses... La guérison de la
colère s'obtient en s'attaquant aux causes de la colère qui
proviennent de l'enfant lui-même ou de l'extérieur. En ce qui
concerne l'enfant lui-même, il convient de distinguer les enfants
neurasthéniques, de santé délicate aisément irritables, des
enfants vigoureux, hypersthéniques. Les premiers ont avant tout
besoin d'un régime fortifiant qui les guérisse de leur débilité,
il leur faut des aliments riches en principes nutritifs mais non
excitants, au besoin un peu d'huile de foie de morue l'hiver et des
préparations phosphatées l'été ; il convient aussi de les
habituer à mener une vie bien régulière : coucher et lever aux
mêmes heures, etc... Les seconds ont besoin d'une alimentation moins
tonique, plus végétarienne, d'une vie active au grand air ; des
bains et l'emploi de certains médicaments (bromure de potassium,
etc... ) peut être utile. Beaucoup d'enfants-colères de cette
dernière catégorie doivent leur tempérament à l'alcoolisme des
parents. En ce qui concerne l'influence du milieu, il est évident
qu'il importe d'abord d'éviter les motifs de crise, de faire preuve
d'un grand calme. Non seulement l'adulte ne doit pas donner l'exemple
de la colère, mais il doit conserver son calme lors de la colère
enfantine, en évitant tout ce qui pourrait entretenir la crise :
ironie, punition (dans la mesure du possible et en tous cas jamais
excessive mais toujours appliquée), coups, etc... L'esprit de
révolte qui est une des formes de la colère ne se manifeste
d'ordinaire qu'après la première enfance ; il survient presque
toujours chez l'enfant lorsque celui-ci constate qu'il va être, ou
vient d'être, injustement puni. La bouderie est plus fréquente chez
les jeunes, elle résulte des premières manifestations du sentiment
de la personnalité en conflit avec la volonté d'un adulte. Il
importe donc que les adultes évitent de tels conflits lorsqu'ils le
peuvent et que, dans les cas où ils se produisent, ils fassent
preuve de douceur, de patience et de fermeté. Ce n'est que vers un
mois et demi que l'enfant est capable de pleurer et ses premières
larmes ne sont qu'un simple reflexe déterminé par l'irritation du
nez ou des yeux. Vers quatre ou six mois seulement les larmes de
l'enfant peuvent provenir de la douleur morale. Le sourire qui
apparaît à la fin du premier mois est tout d'abord un reflexe ; la
joie ne se manifeste pas avant le troisième mois ; enfin ce n'est
qu'au bout de quatre ou cinq mois que l'enfant éprouve de la
sympathie ou de l'antipathie.
Au
moment de sa naissance l'enfant ne s'intéresse qu'à ses besoins
organiques (besoin d'air, d'aliments, de chaleur, de repos, etc... )
mais bien vite il éprouve le besoin de regarder, d'écouter, de
tâter et jusqu'à six mois ce seront les intérêts perceptifs qui
prédomineront. Ces intérêts continueront de se développer plus
tard mais d'autres intérêts deviendront prépondérants à leur
tour. Ce seront en premier lieu l'intérêt pour les mouvements que
les petits associeront à leurs perceptions. L'enfant de six mois à
deux ans s'intéresse surtout aux mouvements : il s'exerce à
prendre, à commander à ses muscles, il apprend à marcher, etc...
De deux à trois ans l'intérêt prédominant de l'enfant va au
langage et le langage comprend aussi une acquisition motrice et le
langage du jeune enfant est dans les débuts un mouvement d'un genre
particulier, ce n'est qu'au bout d'un certain temps que l'enfant
songe à l'utiliser comme moyen de communication de la pensée. « La
première période de la vie de l'enfant, s'étendant jusqu'à trois
ans, est en somme occupée par l'acquisition des mouvements
nécessaires à la mise en train des activités élémentaires de
l'individu : préhension, marche, langage. L'enfant s'y intéresse
presque exclusivement. L'acquisition des moyens d'action est le but
final de ses mises en oeuvre sensuelles, intellectuelles et
affectives et on peut parler d'une période motrice vers l'âge de
trois ans. C'est que le mouvement a une importance primordiale dans
le développement de la vie psychique et qu'il constitue la base et
le substratum de toutes les acquisitions ultérieures. Non seulement
il peut seul assurer les réactions adéquates de l'individu, mais il
pénètre toute notre vie représentative et affective, et même
notre vie inconsciente ... » (Dr Vermeylen.) Rappelons une fois de
plus que, par suite des grandes diversités individuelles, l'âge de
trois ans n'est qu'approximatif.
Ajoutons
que l'intérêt de l'enfant pour le mouvement se prolonge pendant
toute l'enfance. D'abord l'enfant agit pour agir ; jusque vers cinq
ans, nous le verrons ainsi traîner une brouette à cause du bruit
qu'elle fait et de l'occasion de marcher ou de courir qu'elle lui
procure. La satisfaction motrice passe avant tout : il coupe pour
couper, frappe pour frapper, crie pour le plaisir de crier, etc... Il
faut bien se garder de croire que tout cela est inutile, plus il
agira, soit qu'il marche, coure, crie, frappe, coupe, déchire,
etc... et plus il accumulera d'expériences personnelles. A force de
voir certains actes provoquer certains effets, il utilisera ces actes
dans le but d'obtenir les effets ou résultats correspondants ; il
criera pour faire accourir sa mère, il traînera sa brouette pour
porter plus commodément quelque chose, etc...
Après
avoir agi instinctivement pour dépenser toute l'énergie qui est en
lui, l'enfant agira avec réflexion en vue d'atteindre un but qui
donne satisfaction à ses intérêts.
Conséquences
pédagogiques.
La
colère, la peur et tous les autres sentiments enfantins étant pour
une large part le résultat d'une mauvaise santé physique, les
parents doivent d'abord se soucier de leur rôle de procréateurs.
Les enfants de parents malades, alcooliques, etc... sont les victimes
de leurs parents. Après la naissance, les parents doivent continuer
de s'efforcer d'assurer à leurs enfants une bonne santé physique.
Beaucoup ne savent pas donner à leurs enfants l'alimentation
convenable et les soins d'hygiène les plus nécessaires. Cependant
les livres de puériculture ne manquent pas et les parents ont le
devoir d'étudier de tels ouvrages.
La
santé physique n'est pas seulement nécessaire à la santé morale ;
elle est encore indispensable au bon développement intellectuel. La
pensée naît de l'action. Pour qu'un enfant devienne intelligent, il
est nécessaire que, dans son jeune âge, il multiplie les mouvements
qui lui permettront d'acquérir un riche trésor de perception et
d'expériences.
Plus
l'enfant fera d'efforts pour marcher, parler, tâter, frapper, etc.,
et plus cette application soutenue le préparera à réaliser
certains buts. La première éducation de la volonté consiste à
permettre et à favoriser cette activité enfantine qui ne résulte
pas encore de la volonté, mais qui éveillera la volonté tout comme
les premières paroles prononcées sans but de communiquer la pensée
éveillent l'idée du langage volontaire.
Ainsi
donc le premier souci des éducateurs doit aller à la santé
physique de l'enfant nécessaire à son développement moral et
intellectuel. Leur second souci devant être de permettre et de
stimuler l'activité enfantine. Il est bon que les tout petits
enfants soient remuants, bruyants, bavards.
Ceci
ne suffit pas pour assurer à l'enfant un développement convenable.
Comme nous l'avons vu, les parents devront agir par leur exemple, ils
devront éviter un excès de faiblesse qui permettrait à certains
enfants de devenir de petits tyrans, Il ne faut pas toujours prendre
un enfant qui crie, car alors bien souvent l'enfant crie et pleure
parce qu'il a constaté que ses cris le font enlever de son berceau ;
d'autre part, il faut éviter un excès de sévérité ; il faut par
exemple s'efforcer de reconnaître les cris qui proviennent de
quelque souffrance. Pour la santé physique et morale, il est
nécessaire aussi d'assurer au petit enfant une vie aussi régulière
que possible aussi bien en ce qui concerne les repos que pour les
repas.
Enfin
il faut au tout petit des règles simples et sans exception. Combien
de parents, par exemple, qui, après avoir donné à leur enfant un
vieux catalogue qu'ils l'ont vu déchirer en souriant, se fâchent et
même donnent une fessée au bébé lorsque celui-ci agit de même
façon avec un livre ou une brochure laissés à sa portée. Il faut
que les parents apprennent à se placer au point de vue des petits.
Pour bien des mamans, avoir des ciseaux et découper dans un vieux
torchon c'est bien, découper de même dans un mouchoir c'est mal,
mais en faire autant dans la robe de la grande soeur c'est si mal que
ça mérite une correction. De même jeter du sable sur le plancher
non balayé ne tire pas à conséquence ; mais le faire cinq minutes
plus tard provoque des cris sinon des coups. Ainsi, dans tous les cas
où l'action d'un enfant nous parait mauvaise, il est légitime que
nous songions à éviter le retour d'actions semblables mais nous
devons nous efforcer d'y parvenir à l'aide d'une meilleure
compréhension de l'enfant souvent moins coupable que nous.
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