samedi 19 janvier 2019

Journal de la Commune


Voici un de ces beaux traits qu’on aime à livrer à la publicité :
Depuis le commencement de la guerre, une jeune mère de famille de vingtquatre ans, madame Marie Richard, cantinière au 3e bataillon du 24e de marche de la Haute-Garonne, a donné les preuves du plus grand courage et du plus entier dévouement. Elle a consacré tous ses soins à nos blessés et sauvé la vie à plusieurs d’entre eux.
A Baume-la-Rolande, elle traversa à plusieurs reprises un espace de 500 mètres labouré par les projectiles prussiens, emportant à chaque voyage un blessé, depuis le bord du bois où ils gelaient jusqu’à la maison qui devait servir d’ambulance. Pendant la campagne de l’Est, elle exposa plusieurs fois sa vie notamment à Champey-Héricourt.
Plus de soixante soldats nous ont déclaré lui devoir la vie. Elle a employé tous ses linges au soulagement des mobiles qui avaient les pieds gelés.
Son mari est engagé volontaire.
Mardi dernier, le sieur Autier, âgé de 40 ans, employé des contributions indirectes dans le département de l’Aisne, arrivait à Nevers par le chemin de fer avec sa femme et ses deux enfants, âgés, l’un de trois ans et demi, l’autre de treize mois. Il venait de Clairvaux (Jura), où il s’était retiré chez son père, propriétaire aisé, au moment de l’invasion de Braisbe, où il avait sa résidence. Il retournait à son poste et était descendu à l’hôtel Lavy, près de la gare, pour y passer la nuit et reprendre le matin le chemin de fer.
L’hôtel Lavy n’est fermé qu’à une heure avancée de la nuit et s’ouvre tard dans la matinée. Autier voulant sortir le matin, s’était fait monter une bouteille de vin. Vers six heures, le matin, il but un verre et alla se promener. A son retour, il trouva la porte fermée et, ayant attendu quelque temps pour se faire ouvrir, il entra dans une violente colère.
Que se passa-t-il entre sa femme et lui ? On ne sait pas. Mais on entendit bientôt plusieurs détonations d’une arme à feu. Quand on pénétra dans la chambre, un spectacle affreux frappa les regards.
Journal officiel de la Commune de Paris du 20 mars au 24 mai 1871. (1871) 659
Autier avait tiré deux coups de revolver sur sa femme, qui respirait encore ; il avait tué de cinq coups de la même arme ses deux enfants, et enfin il s’était brûlé la cervelle en s’appliquant son armes sur l’oreille droite.
On assure que les blessures de madame Autier ne sont pas mortelles ; mais quelle horrible douleur pour la malheureuse épouse, pour la pauvre mère !
On dit qu’Autier était d’un caractère violent. Dans le wagon, il aurait eu de fréquentes altercations avec sa femme. Des voyageurs qui se trouvaient dans le même compartiment supposaient qu’il répugnait à Autier de retourner à son poste, tandis que sa femme s’efforçait de l’encourager à se remettre au travail.
P.-S. – Nous recevons de nouveaux détails sur cet horrible assassinat.
Autier avait bu beaucoup hier soir. Après dîner, il était sorti, et, en rentrant à l’hôtel, il s’était assis dans l’une des salles et n’avait pas tardé à s’assoupir sur sa chaise. En remontant dans sa chambre, il avait emporté une bouteille de vin.
Pendant la nuit, à de fréquentes reprises, on l’aurait entendu se disputer avec sa femme.
C’est sur elle qu’il a tout d’abord tiré un coup de pistolet, puis un autre coup d’un second pistolet. Malgré ses graves blessures, elle a pu s’échapper de la chambre pendant que, tirant de sa poche un revolver à douze coups, il tuait d’abord son enfant de treize mois, puis déchargeait cinq coups de son arme sur son petit garçon de trois ans et demi, qui, à la première décharge, avait fait un soubresaut qui l’avait précipité au pied du lit.
Mme Autier a été transportée à l’hospice.

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