dimanche 20 janvier 2019

EMANCIPATION DE LA FEMME Encyclopedie Anarchiste de Sébastien Faure




Nous retrouvons ici le même problème que pour l'enfant. Dans la morale commune, et encore plus dans le Code, la femme est considérée comme un enfant mineur, en puissance d'autorité maritale, celle-ci remplaçant l'autorité paternelle. Elle est élevée avec ce souci d'en faire une épouse soumise, ne dispose, d'après le Code civil, que de droits très restreints.
Tout un mouvement, dit féministe, s'est créé en vue de l'émancipation de la femme. Malheureusement, c'est surtout un mouvement politicien, cherchant à faire accroire aux femmes qu'avec le droit de vote et le droit d'éligibilité, elles seraient les égales des hommes. Comme si l'expérience du vote masculin n'était pas concluante? Est-ce que le suffrage universel a fait les ouvriers égaux de leurs patrons, les locataires du propriétaire, etc., etc.? Là comme partout, la politique tente de faire dévier le véritable mouvement d'émancipation, en cherchant à l'embourber dans les marécages parlementaires, tombeaux des plus généreuses idées. Le fait d'obtenir des droits civiques ou légaux ne changera rien à l'état d'asservissement réel et économique de la femme. L'histoire des sociétés nous apprend que la sujétion de la femme à l'homme, au point de vue social, est contemporain à l'origine de la propriété individuelle, laquelle eut comme conséquence la formation de la famille étroite et restreinte qui est encore la règle aujourd'hui. L'infériorité juridique et politique de la femme tient donc au régime économique lui-même, à la propriété personnelle qui, pour se maintenir et se perpétuer par l'héritage, a besoin d'un état familial groupé autour d'une tête, le chef de famille, l'homme, le père, maître de toutes les personnes et de tous, les biens familiaux. En accaparant terres et richesses, en constituant un patrimoine personnel, s'il voulait éviter la dispersion de ce patrimoine, l'homme devait imposer un statut à la mère de ses enfants, statut de surveillance, de contrôle, d'autorité, d'asservissement, qui devint plus tard le statut légal de la famille, d'après la loi établie par la coalition des propriétaires, nobles seigneurs autrefois, bourgeois aujourd'hui.
L'émancipation réelle et complète de la femme ne pourra donc se faire qu'avec la disparition du régime de la propriété individuelle et du régime familial, sa conséquence directe. Seul, un contrat social nouveau, mettant les biens en commun, supprimant, par conséquent, tout héritage, assurant, d'autre part, l'existence des enfants avec ou sans le concours des parents, pourra émanciper la femme en en faisant l'égale, économiquement parlant, de l'homme. Esclave de la propriété individuelle, transmise par la famille, esclave des travaux du foyer que nécessite une mauvaise organisation sociale, la femme s'émancipera avec la disparition de ces deux principales causes de son asservissement. D'ailleurs, là encore, l'évolution humaine va plus vite que celle des lois et des codes. Un peu partout, la femme cherche à gagner sa vie par elle-même, à se libérer de la sujétion du foyer. De plus en plus des professions indépendantes sont envahies par les femmes. Travaillant, elles prennent l'habitude sous la puissance de la nécessité, de discuter de leurs intérêts. Après s'être séparées de l'homme, lui avoir fait concurrence sur le marché du travail, elles le rejoignent peu à peu pour unir leurs efforts aux siens dans le but de faire aboutir certaines revendications. L'avenir, l'émancipation de la femme est là. Etre libre, être l'égale de l'homme dans les relations économiques. La société, considérant les soins et l'instruction première donnés aux enfants comme un travail social et utile, devrait considérer la mère comme une ouvrière, fabriquant l'avenir, créant et élevant la génération future.

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