Il
est d'usage de diviser la vie humaine en trois périodes : 1° la
jeunesse qui comprend l'enfance et l'adolescence ; 2° l'âge mûr ou
âge adulte ; 3° la vieillesse.
Autrefois
l'enfant était considéré comme un adulte en réduction, un «
homonculus », ses tendances particulières, ses manières propres de
sentir, d'agir, de penser paraissaient être autant de défauts ou
d'erreurs dont il fallait s'empresser de le corriger pour l'amener au
plus tôt au degré d'adulte.
Aujourd'hui,
seuls des parents plus aimants que clairvoyants, continuent d'admirer
les enfants qui singent les grandes personnes et ont, en apparence,
des raisonnements d'adultes. Physiologistes et psychologues savent
bien que l'enfant n'est pas tout à fait une réduction d'homme bien
qu'il ne soit pas absolument différent de ce qu'il sera plus tard,
ils le considèrent comme un être qui évolue. Le développement
physique de l'enfant n'est pas uniforme, tantôt la croissance est
ralentie ou arrêtée, tantôt elle est accélérée. Les
accélérations rapides, crises de croissance, varient avec le sexe,
la race, l'état de santé et les conditions sociales. Les enfants
des familles pauvres ont un développement physique entravé par des
conditions alimentaires et hygiéniques défectueuses. Les crises de
croissance en poids ne correspondent pas aux crises de croissance en
taille : l'enfant grandit plus qu'il ne grossit tandis que
l'adolescent grossit plus qu'il ne grandit.
La
grandeur relative de la tête par rapport à l'ensemble du corps
varie d'une façon importante ; proportionnellement le nouveau-né a
la tête sept fois plus grosse que l'adulte. La rapidité de la
respiration varie également dans de fortes proportions : le
nouveau-né respire environ trois fois plus vite que l'adulte ;
l'enfant de six ans environ deux fois plus vite.
Le
nouveau-né est un être à actions réflexes, ces activités peuvent
s'exercer sans l'aide du cerveau imparfaitement développé (voir :
cerveau, p. 314, 2ème col.).
Au
point de vue psychologique l'enfant ne diffère pas moins de l'adulte
: « l'enfant vit dans le présent ; l'adolescent découvre l'avenir
; l'adulte vit dans l'avenir ; le vieillard vit dans le passé » F.
Challaye. L'enfant est, a-t-on dit, un être sensori-moteur. Les
sensations et les mouvements occupent en effet une large place dans
la conscience de l'enfant, Les tendances enfantines, dont la
satisfaction produit l'intérêt, naissent les unes après les autres
en un ordre constant, elles n'apparaissent ni ne disparaissent
subitement mais elles atteignent toujours un point culminant ; c'est
ainsi que l'intérêt glossique (au langage) atteint un tel point
entre deux et trois ans. De cette prédominance des tendances on a
parfois retiré une classification de l'enfance en stades : du
suceur, du regardeur, de l'attrapeur, du trotteur, du parlotteur,
etc... En résumé les enfants ne sont pas entièrement différents
des adultes mais ne sont pas non plus des réductions d'adultes. Ce
sont des êtres qui évoluent suivant une certaine périodicité qui
varie sous l'influence de multiples facteurs : les sexes, les
individus, etc... Les classifications des âges de l'homme, des
stades de l'enfance, de l'évolution des intérêts enfantins
s'appliquent à des individus moyens qui n'existent pas en réalité
; elles nous renseignent sur l'évolution de l'espèce mais non sur
l'évolution individuelle. Tous les individus normaux d'un même âge
ont des caractères communs : à un âge donné les enfants sont tous
aux mêmes stades de leur développement, physique, affectif et
mental et les lois de ce développement sont valables pour eux. Mais
tous ces individus ont en propre des hérédités congénitales et
ont été modifiés par des éducations différentes selon les
sujets.
Il
en résulte que chaque enfant présente une double évolution,
spécifique et individuelle qui fait qu'il ressemble à tout autre
enfant et en diffère.
Conséquences
pédagogiques.
On
sait bien que le développement physique de l'enfant exige qu'il ne
soit pas traité comme un petit homme, que par exemple son
alimentation doit différer de celle de l'adulte non seulement en
quantité mais encore en qualité. Tout n'est certes pas parfait dans
le mode d'alimentation et dans l'hygiène des enfants mais cependant
on s'en préoccupe et l'on s'empresse de faire venir le médecin si
la santé et le développement physique d'un enfant laissent à
désirer.
Quelle
différence en ce qui concerne le développement intellectuel et
moral! Les mêmes parents qui s'efforçaient de tenir compte du
développement physique et de la santé du corps ne s'inquiètent
point de ce qui a trait au bon développement intellectuel et
affectif. Pour faire de l'enfant un homme on ne sait qu'ordonner et
réprimer. Parents et maîtres sont généralement des despotes et
l'enfant doit obéir sans discussion. La grande affaire n'est pas de
savoir ce qui lui plait, de connaître ses désirs et ses intérêts,
mais de l'obliger à agir selon le bon plaisir des adultes.
Les
anarchistes, vraiment conscients, qui ont souffert de l'autorité
agissent parfois d'une façon tout à fait opposée à celle de ces
parents tyranniques. Certains pensent que pour faire de leurs enfants
des individualités libres il convient de les laisser grandir dans la
liberté la plus absolue. Admis d'un côté des éducateurs qui
veulent faire des hommes en traitant les enfants comme des esclaves,
qui veulent que chaque enfant réalise un idéal qu'ils se sont créé
sans souci des intérêts et des possibilités de l'enfant lui-même
; de l'autre, des éducateurs ennemis de toute contrainte et qui
laissent l'enfant agir selon son caprice.
Ces
éducateurs ont besoin de la leçon du jardinier.
Lorsque
cet artisan veut amener un arbre à fruit, il s'informe de son
espèce, il étudie son mode de végétation, car il sait que les
poiriers ne se traitent pas comme les pêchers, que parmi les
poiriers certaines variétés exigent une taille ou plus courte ou
plus longue et qu'enfin deux arbres d'une même variété présentent
toujours des différences dont ils doivent tenir compte.
Or
le jardinier ayant étudié chacun de ces arbres ne les laisse pas à
l'abandon, il courbe, pince, taille, mais n'allez pas croire qu'il
taille tout ce qui n'est pas bourgeon à fruit, il sait que chaque
bourgeon à fruit ne devient pas tel du jour au lendemain et que tel
bourgeon pourra devenir bourgeon à fruit ou bourgeon à bois selon
la taille qu'il appliquera au rameau tout entier.
Ainsi
font les bons éducateurs qui considèrent les enfants en leur
devenir, en leurs possibilités. Pas plus que le jardinier ne se
disait : ce bourgeon n'a pas de fruit, il faut le couper, ils ne se
disent : cette tendance, cet intérêt ne sont pas utiles à l'homme,
il faut les supprimer ; mais quels rôles peuvent-ils jouer dans
l'évolution de l'enfant, de cet enfant?
Pour
faire vraiment des hommes libres aux individualités fortes il faut
d'abord se rendre compte de ce qui caractérise vraiment la liberté
et la volonté et il faut ensuite savoir ce que peut chaque enfant,
quels germes sont en lui qu'il faut soigneusement cultiver,
développer pour le rendre capable d'être libre et lui apprendre à
vouloir.
Etre
libre, ce n'est pas faire tout ce qu'on veut mais vouloir tout ce
qu'on fait et la liberté de chacun est limitée par la liberté des
autres. Ceux qui ont une forte individualité ne sont pas ceux qui
font tout ce qui leur passe par la tête, mais ceux qui sont capables
de faire un choix raisonné parmi un certain nombre d'actions
possibles et de se conformer à ce choix. Vouloir n'est pas seulement
agir, c'est d'abord juger, déterminer l'action à faire en tenant
compte des possibilités, des probabilités, des nécessités, etc.,
et c'est ensuite juger et déterminer encore à propos des moyens
d'action à employer.
Par
suite laisser à l'enfant - qui n'a pas encore acquis le
développement intellectuel nécessaire - la liberté de faire tout
ce qu'il lui plaît, rien que ce qui lui plaît et quand cela lui
plaît, ce n'est pas lui donner la possibilité de vouloir et c'est
sûrement lui faire acquérir l'habitude d'agir selon ses impulsions,
le rendre esclave de ses tendances bonnes ou mauvaises.
L'homme
esclave des mauvais penchants que lui ont légués l'hérédité et
le milieu n'est pas plus notre idéal que l'homme esclave de la
Société. Il est un juste milieu entre la contrainte extérieure,
l’abus de l'autorité et l’entière liberté qui apparaît
clairement lorsqu'on considère l'enfant comme un être qui évolue.
Pour préparer des hommes libres, des individualités fortes il faut
tenir compte de la nature même des enfants. Il faut saisir toutes
les occasions d'amener les enfants à agir, à se décider par
eux-mêmes, à faire preuve d'initiative. Il faut par conséquent ne
les guider, les servir, les commander, les dispenser d'efforts que
dans la mesure où la chose est indispensable.
Les
enfants doivent acquérir progressivement une capacité croissante
d'efforts choisis et déterminés par eux. Parce qu'ils ne sont pas
encore capables de juger et de se déterminer en toutes choses il est
nécessaire que les adultes, dans leur intérêt, jugent parfois à
leur place mais il doivent leur permettre de faire preuve
d'initiative toutes les fois que la chose est possible.
Il
est souhaitable que les enfants aient conscience que les ordres reçus
ne résultent pas du caprice des parents ou des maîtres, qu' ils en
comprennent les raisons et qu'enfin il leur soit laissé la plus
large initiative dans le choix des moyens.
Les
ordres bien définis, auxquels les enfants doivent obéir
immédiatement devront être aussi rares que possible et il est
désirable que les enfants comprennent qu'ils résultent d'une réelle
nécessité ; par suite il faut éviter les ordres capricieux,
irréguliers et contradictoires.
Les
jeunes enfants, lorsqu'ils sentent qu'on les aime et qu'on les
commande dans leur intérêt sont rarement désobéissants. L'enfant
qui se sent incapable de bien juger obéit aisément, ce n'est que
l'adolescent plus apte à reconnaître, à discuter et à raisonner
qui obéit avec peine lorsqu'on n'accompagne pas l'ordre des raisons
de l'exécuter.
La
plupart des désobéissances des jeunes enfants proviennent des
maladresses des parents qui n'ont pas su agir de telle façon que les
enfants sentent qu'on les commande dans leur propre intérêt. A vrai
dire certains parents sont des tyrans égoïstes mais ce ne sont pas
les seuls qui ne savent pas user de leur autorité.
Certains
parents multiplient les ordres et interviennent à tout propos dans
la vie de l'enfant, ne lui laissant nulle occasion d'agir de sa
propre initiative ; d'autres substituent sans cesse des contre-ordres
aux ordres donnés, soit que les contre-ordres du papa s'appliquent
aux ordres de la maman ou vice-versa, soit qu'ils marquent la
faiblesse de l'adulte en présence des pleurs, cris ou révolte de
l'enfant. Il ne suffit pas que les éducateurs permettent aux enfants
de juger, de raisonner, de choisir, de se déterminer et d'agir
d'après leur propre initiative toutes les fois que leur
développement intellectuel et affectif le leur permet. Les
éducateurs doivent encore s'ingénier à fournir aux enfants des
occasions de développement. Ils doivent organiser un milieu éducatif
dans lequel l'enfant pourra agir et où ses qualités individuelles
et sociales pourront se développer. Chaque enfant a des tendances,
des intérêts qui pour le bon éducateur sont des points de départ
; il s'agit pour l'adulte de voir où ils peuvent mener l'enfant et
de placer sur le chemin de ce dernier de multiples occasions d'agir,
et par conséquent d'apprendre à juger, à se déterminer, à
vouloir, conformément à ces intérêts. Il est évident que ces
occasions que l'éducateur offre ainsi à l'enfant ne sont pas des
occasions quelconques, qu'elles résultent d'une sélection faite par
l'éducateur qui choisit tout ce qui peut stimuler l'épanouissement
de l'individualité enfantine dans le sens convenable.
En
résumé, l'adulte ne renonce pas à intervenir dans la vie de
l'enfant, mais il y intervient le moins possible, toujours dans
l'intérêt de ce dernier et il s'efforce de développer
progressivement la capacité de vivre sans l'autorité d'une
contrainte extérieure.
*
* *
Les
psychologues divisent l'enfance en un certain nombre de périodes
mais suivant le point de vue auquel ils se sont placés leurs
subdivisions varient. Enfin les divisions et les subdivisions sont
approximatives en raison des variations sexuelles et individuelles.
En
se plaçant au point de vue de la croissance, Claparède établit les
divisions suivantes :
1.
Première enfance... jusqu’à 7 ans jusqu’à 6-7 ans
2.
Seconde enfance... de 7 à 12 de 7 à 10
3.
Adolescence.......... de 12 à 15 de10 à 13
4.
Puberté.................. de 15 à16 de13 à 14
Au
point de vue des intérêts le même auteur établit un plus grand
nombre de divisions :
0
à 1 an ; 1 an à 3 ans ; 3 à 7 ans ; 7 à 12 ans ; 12 à 18 ans,
etc...
Au
même point de vue Nagy propose la division suivante : 0 à 2 ans ; 2
à 7 ans ; 7 à 10 ans ; 10 à 15 ans ; après 15 ans.
Halle
a proposé trois divisions qui comportent d'ailleurs des subdivisions
: 0 à 7 ans ; 7 à 15 ans ; 15 à 25 ans, etc...
Le
Dr Bertillon divise la vie humaine en 17 périodes dont quatre pour
la vie intra-utérine ; dans sa classification la première enfance,
divisée en trois périodes, prend fin vers 7 ans.
Lacassagne
propose : 0 à 7 mois ; 7 mois à 2 ans ; 2 ans à 7 ans ; 7 à 15
ans ; 15 à 20 ans. Verrier donne la division : 0 à 7 ans ; 7 à 14
ans ; 14 à 21 ans. Sringer : 0 à 2 ans ; 2 ans à la puberté (10 à
12 ans) : etc... ; Cruchet : 0 à 2 ans ; 2 à 7 ans ; 7 à 14 ans.
La division de Luckey est plus intéressante :
1er
Cycle : Enfance
1°
de la naissance à 2 à 3 ans : stade affectif.
2°
de 2 à 3 ans à 7 à 8 ans : stade volitif.
3°
de 8 ans à 12-13 ans : stade intellectuel.
2e
Cycle : Adolescence
1°
de 13-14 à 16 ans : stade effectif (nouvelle naissance, nouvelle
croissance physique entraînant de nouveaux désirs, etc.).
2°
de 16-à 18 ans : stade volitif.
3°
de 10 à 25 ans : stade intellectuel.
Ferrière
propose une division semblable à celle que Claparède était au
point de vue de la croissance mais il subdivise cette division en se
plaçant au point de vue de l'évolution des intérêts.
Si
nous négligeons les différences que présentent ces classifications
pour nous attacher aux ressemblances nous constatons que tous
distinguent nettement l'enfance de l'adolescence, que presque tous
placent dans l'enfance un point de division vers 7 ans et enfin
qu'une autre subdivision vers 2 à 3 ans est proposée par la
plupart.
En
l'un des plus récents ouvrages consacrés à « La psychologie de
l'enfant et de l'adolescent » le Dr Vermeylen propose la division
suivante :
Première
enfance : de 0 à 3 ans.
Deuxième
enfance : de 3 à 7 ans.
Troisième
enfance : de 7 à 12 ans.
Adolescence
: de 12 à 18 ans.
Pour
la commodité de notre étude nous adopterons cette division, en
rappelant qu'elle est quelque peu arbitraire et que les âges
indiqués ne sont qu'approximatifs.