samedi 4 août 2018

Journal officiel de la Commune


Quand se discutait le traité de paix qui devait livrer à l’Allemagne deux provinces et nous coûter cinq milliards ; quand les députés demandaient, non pas qu’on continuât une guerre qui nous avait été si désastreuse, mais qu’on examinât, dans le cas où le traité serait inacceptable, les ressources de la France pour forcer, par son attitude, la Prusse à faire des conditions meilleures, M. Thiers interrompait par ce cri de désespoir incroyable : « Le moyen ? le moyen ? »
M. Thiers ignorait le moyen de créer à la France une puissance militaire et de lui trouver des ressources capables, non pas de la rendre victorienne de l’armée prussienne, mais de contraindre l’Allemagne à nous imposer une charge moins lourde, une humiliation moins grande.
Il prenait des airs dédaigneux à l’égard des hommes dont la foi patriotique inquiétait son scepticisme réactionnaire et sa diplomatie monarchique.
« Le moyen ? le moyen ? » répétait-il, ce qui signifiait que la France n’avait plus d’armes ni d’armées, qu’il était impossible de trouver les unes et de reconstituer les autres. Il se faisait baissier, calomniateur de la France, de sa bravoure et de son patriotisme.
C’est qu’il s’agissait alors de combattre et de repousser l’étranger.
Mais aujourd’hui, il s’agit de combattre des Français, de réduire Paris, la cité républicaine, objet de la haine aveugle, brutale, féroce, implacable des ruraux. Le « moyen » que M. Thiers ignorait le 9 mars ; il le connaît le 2 avril. Il a eu dans le mois une révélation. Ce qu’il déclarait être impossible quand il fallait épargner à la France un peu de honte, de douleurs et de dettes, il le déclare possible aujourd’hui qu’il songe à faire couler le sang français, à remplir Paris de ruines et de deuil, à y rentrer comme les Prussiens sont entrés à Francfort, les Turcs à Vienne.
Quand il y avait à défendre l’honneur et le territoire français, M. Thiers ne croyait pas qu’on pût organiser une armée. Mais il y a à souiller notre histoire d’un malheur criminel, il y a à rougir de sang une de ses pages, à provoquer la guerre civile, c’est alors une autre affaire : M. Thiers nous apprend, par une dépêche adressée aux fonctionnaires chargés de gouverner la France en son nom, que, à Versailles « s’achève de s’organiser une des plus belles armées que la France ait possédées. »
Si M. Thiers était capable d’organiser une des plus belles armées que la France ait possédées, pourquoi ne l’a-t-il pas organisée quand il y avait à tenir tête à la Prusse ? La France ne posséda-t-elle donc une des plus belles armées qu’elle ait jamais eues que pour payer cinq milliards à l’Allemagne et ruiner Paris ? L’homme qui ose écrire, en de semblables circonstances, de pareilles choses, sans se souvenir de ce qu’il osait dire à peine un mois avant, rend contre lui-même un verdict de haute trahison et de crime de lèse-nation. Il n’y a plus qu’à expliquer sa propre sentence.

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