Quand
se discutait le traité de paix qui devait livrer à l’Allemagne
deux provinces et nous coûter cinq milliards ; quand les députés
demandaient, non pas qu’on continuât une guerre qui nous avait été
si désastreuse, mais qu’on examinât, dans le cas où le traité
serait inacceptable, les ressources de la France pour forcer, par son
attitude, la Prusse à faire des conditions meilleures, M. Thiers
interrompait par ce cri de désespoir incroyable : « Le moyen ? le
moyen ? »
M.
Thiers ignorait le moyen de créer à la France une puissance
militaire et de lui trouver des ressources capables, non pas de la
rendre victorienne de l’armée prussienne, mais de contraindre
l’Allemagne à nous imposer une charge moins lourde, une
humiliation moins grande.
Il
prenait des airs dédaigneux à l’égard des hommes dont la foi
patriotique inquiétait son scepticisme réactionnaire et sa
diplomatie monarchique.
«
Le moyen ? le moyen ? » répétait-il, ce qui signifiait que la
France n’avait plus d’armes ni d’armées, qu’il était
impossible de trouver les unes et de reconstituer les autres.
Il se faisait baissier,
calomniateur de la France, de sa bravoure et de son patriotisme.
C’est
qu’il s’agissait alors de combattre et de repousser l’étranger.
Mais
aujourd’hui, il s’agit de combattre des Français, de réduire
Paris, la cité républicaine, objet de la haine aveugle, brutale,
féroce, implacable des ruraux. Le « moyen » que M. Thiers ignorait
le 9 mars ; il le connaît le 2 avril. Il a eu dans le mois une
révélation. Ce qu’il déclarait être impossible quand il fallait
épargner à la France un peu de honte, de douleurs et de dettes, il
le déclare possible aujourd’hui qu’il songe à faire couler le
sang français, à remplir Paris de ruines et de deuil, à y rentrer
comme les Prussiens sont entrés à Francfort, les Turcs à Vienne.
Quand
il y avait à défendre l’honneur et le territoire français, M.
Thiers ne croyait pas qu’on pût organiser une armée. Mais il y a
à souiller notre histoire d’un malheur criminel, il y a à rougir
de sang une de ses pages, à provoquer la guerre civile, c’est
alors une autre affaire : M. Thiers nous apprend, par une dépêche
adressée aux fonctionnaires chargés de gouverner la France en son
nom, que, à Versailles « s’achève de s’organiser une des plus
belles armées que la France ait possédées. »
Si
M. Thiers était capable d’organiser une des plus belles armées
que la France ait possédées, pourquoi ne l’a-t-il pas organisée
quand il y avait à tenir tête à la Prusse ? La France ne
posséda-t-elle donc une des plus belles armées qu’elle ait jamais
eues que pour payer cinq milliards à l’Allemagne et ruiner Paris ?
L’homme qui ose écrire, en de semblables circonstances, de
pareilles choses, sans se souvenir de ce qu’il osait dire à peine
un mois avant, rend contre lui-même un verdict de haute trahison et
de crime de lèse-nation. Il n’y a plus qu’à expliquer sa propre
sentence.
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