vendredi 10 août 2018

Journal de la Commune


RAPPORT

DU DÉLÉGUÉ À LA GUERRE AUX MEMBRES DE LA COMMISSION EXÉCUTIVE

Citoyens,

Depuis mon entrée en fonctions, j’ai cherché à me rendre un compte exact de la situation militaire, tant au point de vue de ce qui motive une agression que rien ne justifie qu’à celui de ses résultats.
Le motif paraît être, en première ligne, d’effrayer la population, en second lieu nous faire dépenser en pure perte nos munitions, enfin masquer un mouvement sur notre droite pour occuper les forts de la rive droite.
Jusqu’à ce jour, l’espoir coupable de l’ennemi a été frustré, ses tentatives repoussées. La population est restée calme et digne, et si nos munitions ont été gaspillées par des soldats trop jeunes, ils acquièrent chaque jour, par la pratique du feu, le sang-froid indispensable à la guerre.
Quant au troisième point, il dépend plus des prussiens que de nous. Néanmoins, nous veillons.
Au point de vue de l’action, elle se résume ainsi : soldats excellents, officiers mêlés, les uns très bons et les autres très mauvais. Beaucoup d’élan, assez peu de fermeté. Quand les compagnies de guerre seront formées et dégagées de l’élément sédentaire, on aura une troupe d’élite dont l’effectif dépassera 100 000 hommes.
Je ne saurais trop recommander aux gardes de porter toute leur attention sur le choix de leurs chefs.
Actuellement, les positions respectives des deux troupes peuvent se résumer ainsi : les Prussiens de Versailles occupent les positions de leurs congénères d’outre-Rhin. Nous occupons les tranchées, les Moulineaux, la gare de Clamart. En somme, notre position est celle de gens qui, forts de leurs droits, attendent patiemment qu’on vienne les attaquer, se contentant de se défendre. Des actes d’héroïsme se sont accomplis. A ce sujet, je proposerai à la Commune de vouloir bien faire don au 101e bataillon d’une mitrailleuse qu’il a enlevée aux Prussiens de Versailles avec son caisson et deux autres pièces d’artillerie.
Que chaque bataillon tienne à l’honneur d’imiter le 101e, et bientôt l’artillerie de la Commune de Paris sera une des plus belles et des mieux servies.
Je saisis cette occasion de rendre un public hommage à la justesse du tir de nos artilleurs.
En terminant, citoyens, je pense que si nos troupes conservent leur sang-froid et ménagent leurs munitions, l’ennemi se fatiguera avant nous. Il ne restera alors de sa folle et criminelle tentative que les veuves et les orphelins, le souvenir et le mépris pour une action atroce.
Le délégué à la guerre,
Général E. CLUSERET.,

Aucun commentaire: