jeudi 9 août 2018

Aveling Edward "La question féminine"



«Dans l'examen des relations entre les hommes et les femmes, un de ces faits, de toute première importance, a toujours été et reste négligé par le premier venu. Il n'a pas été compris même par ces hommes et ces femmes hors du commun, qui ont fait de la lutte pour la libération de la femme l'affaire essentielle de leur vie. Ce fait fondamental est : la question est du ressort des structures économiques. Comme tout dans notre complexe société moderne, la situation de la femme repose sur des données économiques. »

«C'est une maladie, ou, pour faire appel à une image que peuvent suggérer le passage et la phrase cités, ceux qui s'en prennent à la façon dont sont actuellement traitées les femmes sans en chercher la cause dans l'organisation économique de notre société contemporaine sont comme les docteurs qui soignent une affection localisée sans examiner l'état général du patient. »

«La vérité, qui n'est pas pleinement reconnue, même par ceux qui sont soucieux d'agir positivement en faveur de la femme, est que celle-ci, à l'instar de la classe ouvrière, est soumise à l'oppression, que sa condition, comme celle des ouvriers, se détériore inexorablement. Les femmes sont soumises à une tyrannie masculine organisée comme les ouvriers sont soumis à la tyrannie organisée des oisifs. Même lors-que ceci est saisi, il ne faut jamais se lasser de faire comprendre que  Edward et Eleonor Marx Aveling, 1887jmt_sociologue@videotron.capour les femmes, comme pour les travailleurs, il n'y a pas dans la so-ciété actuelle de solution effective aux difficultés et aux problèmes qui se présentent. Tout ce qui est fait, quel que soit le cortège de trompet-tes qui l'annonce, n'est que palliatif, non pas solution. Les couches opprimées, les femmes et ceux qui sont directement producteurs, doi-vent comprendre que leur émancipation sera le fait de leur action. Les femmes trouveront des alliés chez les hommes les plus conscients comme les travailleurs trouvent des alliés chez les philosophes, les artistes et les poètes ; mais les unes n'ont rien à attendre des hommes en général et les autres n'ont rien à attendre des couches moyennes en général. »

«Chez les gens cultivés, l'opinion publique est faite par l'homme et ce qui est usuel tient lieu de morale. La majorité continue à souligner les défaillances occasionnelles de la « féminité » pour faire obstacle à son égalité avec l'homme. Et l'on parle avec entrain de la « vocation naturelle » de la femme. »

« EdwardOn oublie que pour les employeurs capitalistes, la faiblesse de la femme n'intervient qu'en vue de diminuer le taux général des salaires. En outre, il n'y a pas plus de « vocation naturelle » de la femme qu'il n'y a une loi de production capitaliste « naturelle » ou que n'est « naturellement » limitée la somme produite par le travailleur et qui forme ses moyens de subsistance. Que, dans le premier cas, la « vocation » de la femme soit censée résider dans l'éducation des en-fants, la tenue de la maison et l'obéissance à son maître, que, dans le second, la production de plus-value soit un préliminaire nécessaire à la production du capital, que, dans le troisième, la somme perçue par le travailleur comme moyens de subsistance soit telle qu'il ne puisse que se maintenir au-dessus du point critique de la famine, ne sont pas des lois naturelles au sens où il y a des lois du mouvement. Ce ne sont que des conventions sociales temporaires, au même titre que le fran-çais est conventionnellement la langue diplomatique. »

«Quand le mariage a eu lieu, tout favorise l'un et est contraire à l'au-tre. Certains s'étonnent que John Stuart Mill ait écrit : « Le mariage est la seule forme réelle de servage reconnue par la loi. » Le sujet d'étonnement est, pour nous, qu'il n'ait pas envisagé ce servage comme une question relevant non pas des sentiments mais des structures économiques, comme le résultat de notre système capitaliste. Après le mariage, comme avant, la femme est soumise à la contrainte, pas l'homme. Pour elle l'adultère est un crime, pour lui c'est un délit mineur.. Il peut obtenir le divorce sur la base de l'adultère, elle ne le peut pas. Elle doit fournir les preuves qu'elle a été victime de « cruauté » (de nature physique). Les mariages ainsi conçus et réalisés, accompagnés de toutes ces suites de faits et de conséquences, nous semblent - et nous pesons nos mots - pires que la prostitution. Les qualifier de sacrés ou de moraux constitue une profanation. »

«Le clergé est volontiers disposé à unir quiconque à n'importe qui, l'âge à la jeunesse, la débauche à la vertu, « et sans poser de questions » comme le dit un certain type d'annonces. Pourtant le clergé s'oppose farouchement au divorce. S'élever contre des unions si discordantes, comme celles qu'il entérine sans cesse, constituerait « une intervention dans la liberté de l'individu », mais, s'opposer à quoi que ce soit qui facilite le divorce est une intervention plus grave contre la liberté de l'individu. »

«On doit y répondre aussi aisément et aussi clairement qu'aux autres. Il se peut qu'il y ait une période, chez les tout jeunes enfants, où une explication physiologique donnée en réponse à une question puisse ne pas être comprise, encore que nous ne soyons pas disposés à préciser ce moment, mais il ne peut jamais y avoir de moments propices à enseigner des choses fausses au sujet d'une fonction corporelle quelconque. Au fur et à mesure que nos garçons et nos filles grandissent on rend mystérieux et honteux tout ce qui touche aux relations sexuelles. C'est pourquoi s'y attache une curiosité mal-saine. L'esprit se concentre abusivement sur ce sujet, reste longtemps insatisfait on incomplètement satisfait et en arrive à la morbidité. Notre point de vue est que les parents et les enfants devraient s'entretenir avec la même franchise et la même liberté des organes sexuels que de l'appareil digestif. S'opposer à cela n'est que la manifestation d'un pré-jugé vulgaire contre l'enseignement de la physiologie, préjugé qui trouve son expression la plus parlante dans une lettre récente d'un parent à une institutrice : « Veuillez ne rien enseigner à ma fille sur ses organes, ce n'est pas bon pour elle et c'est malhonnête. »

«Pour nous débarrasser de la prostitution, nous devons nous débarrasser des conditions sociales qui l'engendrent. Des assemblées à minuit, des refuges pour les dé-primés, tous les efforts partis de bonnes intentions pour s'attaquer à cet horrible problème sont illusoires ainsi que le reconnaissent avec désespoir leurs promoteurs. Et illusoires ils resteront tant que durera le mode de production qui créant une population ouvrière excédentaire, crée simultanément des criminels et des femmes qui en sont littérale-ment et tristement réduites à « l'abandon ». Que l'on se débarrasse du mode de production capitaliste, disent les Socialistes, et la prostitution disparaîtra. »

« Une société dans laquelle tous les moyens de production sont la propriété de la collectivité, une société qui reconnaît l'égalité complète de tous sans distinction de sexe, qui subvient à l'application de toutes sortes de progrès ou de découvertes techniques ou scientifiques, qui embauche comme travailleurs tous ceux qui sont à présent improductifs ou ceux dont l'activité revêt une forme choquante, les oisifs et les parasites, et qui, tandis qu'elle réduit au minimum le temps de travail nécessaire à ses besoins, élève la condition physique et intellectuelle de tous ses membres jusqu'au de-gré le plus élevé que l'on puisse atteindre. »

« Nous ne nous cachons pas, ni ne cachons à nos adversaires, que le premier pas vers cela est l'expropriation de toute propriété foncière ou d'autres moyens de production. Avec cela se produirait l'abolition de l'État sous sa forme actuelle. Aucune confusion à l'égard de nos objectifs n'est plus répandue que celle qui conduit ceux dont la pensée est vaseuse à imaginer que l'on peut atteindre les changements que nous désirons et les conditions sociales qui en résultent dans le cadre d'un État tel que le nôtre. l'État est actuellement une organisation de contrainte au service du maintien des conditions actuelles de propriété et de règles sociales. Ses représentants sont quelques hommes des classes moyennes et supérieures, se disputant des postes rapportant des salaires anormaux. L'État sous le Socialisme, si tant est que l'on retienne un terme lié à tant d'affreux souvenirs historiques, sera l'aptitude organisée d'une collectivité de travailleurs. »

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