«Dans
l'examen des relations entre les hommes et les femmes, un de ces
faits, de toute première importance, a toujours été et reste
négligé par le premier venu. Il n'a pas été compris même par ces
hommes et ces femmes hors du commun, qui ont fait de la lutte pour la
libération de la femme l'affaire essentielle de leur vie. Ce fait
fondamental est : la question est du ressort des structures
économiques. Comme tout dans notre complexe société moderne, la
situation de la femme repose sur des données économiques. »
«C'est
une maladie, ou, pour faire appel à une image que peuvent suggérer
le passage et la phrase cités, ceux qui s'en prennent à la façon
dont sont actuellement traitées les femmes sans en chercher la cause
dans l'organisation économique de notre société contemporaine sont
comme les docteurs qui soignent une affection localisée sans
examiner l'état général du patient. »
«La
vérité, qui n'est pas pleinement reconnue, même par ceux qui sont
soucieux d'agir positivement en faveur de la femme, est que celle-ci,
à l'instar de la classe ouvrière, est soumise à l'oppression, que
sa condition, comme celle des ouvriers, se détériore
inexorablement. Les femmes sont soumises à une tyrannie masculine
organisée comme les ouvriers sont soumis à la tyrannie organisée
des oisifs. Même lors-que ceci est saisi, il ne faut jamais se
lasser de faire comprendre que Edward
et Eleonor Marx Aveling, 1887jmt_sociologue@videotron.capour
les femmes, comme pour les travailleurs, il n'y a pas dans la
so-ciété actuelle de solution effective aux difficultés et aux
problèmes qui se présentent. Tout ce qui est fait, quel que soit le
cortège de trompet-tes qui l'annonce, n'est que palliatif, non pas
solution. Les couches opprimées, les femmes et ceux qui sont
directement producteurs, doi-vent comprendre que leur émancipation
sera le fait de leur action. Les femmes trouveront des alliés chez
les hommes les plus conscients comme les travailleurs trouvent des
alliés chez les philosophes, les artistes et les poètes ; mais les
unes n'ont rien à attendre des hommes en général et les autres
n'ont rien à attendre des couches moyennes en général. »
«Chez
les gens cultivés, l'opinion publique est faite par l'homme et ce
qui est usuel tient lieu de morale. La majorité continue à
souligner les défaillances occasionnelles de la « féminité »
pour faire obstacle à son égalité avec l'homme. Et l'on parle avec
entrain de la « vocation naturelle » de la femme. »
« EdwardOn
oublie que pour les employeurs capitalistes, la faiblesse de la femme
n'intervient qu'en vue de diminuer le taux général des salaires. En
outre, il n'y a pas plus de « vocation naturelle » de la femme
qu'il n'y a une loi de production capitaliste « naturelle » ou que
n'est « naturellement » limitée la somme produite par le
travailleur et qui forme ses moyens de subsistance. Que, dans le
premier cas, la « vocation » de la femme soit censée résider
dans l'éducation des en-fants, la tenue de la maison et l'obéissance
à son maître, que, dans le second, la production de plus-value soit
un préliminaire nécessaire à la production du capital, que, dans
le troisième, la somme perçue par le travailleur comme moyens de
subsistance soit telle qu'il ne puisse que se maintenir au-dessus du
point critique de la famine, ne sont pas des lois naturelles au sens
où il y a des lois du mouvement. Ce ne sont que des conventions
sociales temporaires, au même titre que le fran-çais est
conventionnellement la langue diplomatique. »
«Quand
le mariage a eu lieu, tout favorise l'un et est contraire à
l'au-tre. Certains s'étonnent que John Stuart Mill ait écrit : «
Le mariage est la seule forme réelle de servage reconnue par la loi.
» Le sujet d'étonnement est, pour nous, qu'il n'ait pas envisagé
ce servage comme une question relevant non pas des sentiments mais
des structures économiques, comme le résultat de notre système
capitaliste. Après le mariage, comme avant, la femme est soumise à
la contrainte, pas l'homme. Pour elle l'adultère est un crime, pour
lui c'est un délit mineur.. Il peut obtenir le divorce sur la base
de l'adultère, elle ne le peut pas. Elle doit fournir les preuves
qu'elle a été victime de « cruauté » (de nature physique). Les
mariages ainsi conçus et réalisés, accompagnés de toutes ces
suites de faits et de conséquences, nous semblent - et nous pesons
nos mots - pires que la prostitution. Les qualifier de sacrés ou de
moraux constitue une profanation. »
«Le
clergé est volontiers disposé à unir quiconque à n'importe qui,
l'âge à la jeunesse, la débauche à la vertu, « et sans poser de
questions » comme le dit un certain type d'annonces. Pourtant le
clergé s'oppose farouchement au divorce. S'élever contre des unions
si discordantes, comme celles qu'il entérine sans cesse,
constituerait « une intervention dans la liberté de l'individu »,
mais, s'opposer à quoi que ce soit qui facilite le divorce est une
intervention plus grave contre la liberté de l'individu. »
«On
doit y répondre aussi aisément et aussi clairement qu'aux autres.
Il se peut qu'il y ait une période, chez les tout jeunes enfants, où
une explication physiologique donnée en réponse à une question
puisse ne pas être comprise, encore que nous ne soyons pas disposés
à préciser ce moment, mais il ne peut jamais y avoir de moments
propices à enseigner des choses fausses au sujet d'une fonction
corporelle quelconque. Au fur et à mesure que nos garçons et nos
filles grandissent on rend mystérieux et honteux tout ce qui touche
aux relations sexuelles. C'est pourquoi s'y attache une curiosité
mal-saine. L'esprit se concentre abusivement sur ce sujet, reste
longtemps insatisfait on incomplètement satisfait et en arrive à la
morbidité. Notre point de vue est que les parents et les enfants
devraient s'entretenir avec la même franchise et la même liberté
des organes sexuels que de l'appareil digestif. S'opposer à cela
n'est que la manifestation d'un pré-jugé vulgaire contre
l'enseignement de la physiologie, préjugé qui trouve son expression
la plus parlante dans une lettre récente d'un parent à une
institutrice : « Veuillez ne rien enseigner à ma fille sur ses
organes, ce n'est pas bon pour elle et c'est malhonnête. »
«Pour
nous débarrasser de la prostitution, nous devons nous débarrasser
des conditions sociales qui l'engendrent. Des assemblées à minuit,
des refuges pour les dé-primés, tous les efforts partis de bonnes
intentions pour s'attaquer à cet horrible problème sont illusoires
ainsi que le reconnaissent avec désespoir leurs promoteurs. Et
illusoires ils resteront tant que durera le mode de production qui
créant une population ouvrière excédentaire, crée simultanément
des criminels et des femmes qui en sont littérale-ment et tristement
réduites à « l'abandon ». Que l'on se débarrasse du mode de
production capitaliste, disent les Socialistes, et la prostitution
disparaîtra. »
«
Une société dans laquelle tous les moyens de production sont la
propriété de la collectivité, une société qui reconnaît
l'égalité complète de tous sans distinction de sexe, qui subvient
à l'application de toutes sortes de progrès ou de découvertes
techniques ou scientifiques, qui embauche comme travailleurs tous
ceux qui sont à présent improductifs ou ceux dont l'activité revêt
une forme choquante, les oisifs et les parasites, et qui, tandis
qu'elle réduit au minimum le temps de travail nécessaire à ses
besoins, élève la condition physique et intellectuelle de tous ses
membres jusqu'au de-gré le plus élevé que l'on puisse atteindre. »
« Nous
ne nous cachons pas, ni ne cachons à nos adversaires, que le premier
pas vers cela est l'expropriation de toute propriété foncière ou
d'autres moyens de production. Avec cela se produirait l'abolition de
l'État sous sa forme actuelle. Aucune confusion à l'égard de nos
objectifs n'est plus répandue que celle qui conduit ceux dont la
pensée est vaseuse à imaginer que l'on peut atteindre les
changements que nous désirons et les conditions sociales qui en
résultent dans le cadre d'un État tel que le nôtre. l'État est
actuellement une organisation de contrainte au service du maintien
des conditions actuelles de propriété et de règles sociales. Ses
représentants sont quelques hommes des classes moyennes et
supérieures, se disputant des postes rapportant des salaires
anormaux. L'État sous le Socialisme, si tant est que l'on retienne
un terme lié à tant d'affreux souvenirs historiques, sera
l'aptitude organisée d'une collectivité de travailleurs. »
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