vendredi 10 août 2018

Journal de la Commune


Tous les jours, assemblée des membres de la Commune, à dix heures du matin.
Les membres de la Commune sont en permanence à l’Hôtel-de-Ville, dans leurs commissions respectives.
Des journaux qui, il y a quelques jours, semblaient assez franchement ralliés à la cause de la Commune, s’empressent aujourd’hui d’en annoncer la défaite avec ce ton de joie contenue qui rappelle les hypocrisies du siège et les préparatifs de la capitulation.
Il serait peut-être naïf de demander à ces journaux pourquoi la cause de la Commune leur paraît aujourd’hui moins bonne qu’hier. Au moins est-il permis de leur demander en quoi ils trouvent que la situation a changé.
L’offensive prise brusquement par le gouvernement de Versailles, alors que rien ne la faisait prévoir si prochaine, a déterminé un mouvement en avant de la garde nationale, mouvement audacieux, peu préparé, presque spontané, qui n’a pas eu, on peut le reconnaître sans honte après tant d’actes héroïques, le succès immédiat sur lequel les chefs avaient en somme quelques raisons de compter.
Admettons même qu’il y ait eu excès d’audace et de confiance chez les vaillants citoyens, dont l’agression de la veille avait enflammé l’ardeur. Il n’en restera pas moins évident que si une faute a été commise, ou pour mieux dire n’a pu être évitée, cette faute même, reconnue et préparée, est pour la cause de la Commune le gage du futur triomphe.
Et d’abord, nul n’oserait soutenir qu’au point de vue défensif la situation de Paris ait empiré. Ce qui est certain, au contraire, c’est que les mesures prises, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, ont rendu Paris invincible. Les bataillons de marche réformés ont aussi acquis la faculté de procéder rapidement, mais avec méthode à leur réorganisation.
Enfin le commandement supérieur a été placé entre les mains d’un militaire éprouvé qui, considéré il y a quinze ans dans l’armée française comme un officier du plus grand mérite, a depuis acquis, dans la guerre de sécession américaine, l’expérience qui eût pu, après le 4 septembre, nous assurer les revanches espérées. Ici comme en Amérique, mais avec des éléments incomparablement supérieurs, et dans des conditions bien plus favorables, le général Cluseret aura à montrer comment les troupes nouvelles, n’ayant pas fait campagne, peuvent triompher d’une armée régulière. Le courage héroïque, indomptable de la garde nationale parisienne, sa supériorité morale sur des troupes que ne soutient pas l’énergie d’une conviction ni même le sentiment du devoir, rendront la tâche du délégué à la guerre plus facile, et assureront le triomphe définitif à Paris, c’est-à-dire à la cause de l’humanité, de la justice, à la cause de la République.


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