La
revanche est prise. Paris a sauvé la France du déshonneur et de
l’abaissement. Ah ! Paris ! Paris a compris dans son génie qu’on
ne pouvait combattre un ennemi attardé avec ses propres armes. Paris
s’est mis sur son terrain, et l’ennemi sera vaincu comme il n’a
pu nous vaincre. Aujourd’hui, Paris est libre et s’appartient, et
la province est en servage. Quand la France fédérée pourra
comprendre Paris, l’Europe sera sauvée.
Aujourd’hui,
j’en appelle aux artistes, j’en appelle à leur intelligence, à
leur sentiment, à leur reconnaissance, Paris les a nourris comme une
mère et leur a donné leur génie. Les artistes, à cette heure,
doivent, par tous leurs efforts (c’est une dette d’honneur),
concourir à la reconstitution de son état moral et au
rétablissement des arts, qui sont sa fortune. Par conséquent, il
est de toute urgence de rouvrir les musées et de songer sérieusement
à une exposition prochaine ; que chacun, dès à présent se mette à
l’oeuvre, et les artistes des nations amies répondront à notre
appel.
La
revanche est prise, le génie aura son essor ; car les vrais
Prussiens n’étaient pas ceux qui nous attaquaient d’abord.
Ceux-là nous ont servi, en nous faisant mourir de faim physiquement,
à reconquérir notre vie morale et à élever tout individu à la
dignité humaine.
Ah
! Paris, Paris la grande ville, vient de secouer la poussière de
toute féodalité. Les Prussiens les plus cruels, les exploiteurs du
pauvre, étaient à Versailles. Sa révolution est d’autant plus
équitable, qu’elle part du peuple. Ses apôtres sont ouvriers, son
Christ a été Proudhon. Depuis dix-huit cents ans, les hommes de
coeur mouraient en soupirant ; mais le peuple héroïque de Paris
vaincra les mystagogues et les tourmenteurs de Versailles, l’homme
se gouvernera lui-même, la fédération sera comprise, et Paris aura
la plus grande part de gloire que jamais l’histoire ait
enregistrée.
Aujourd’hui,
je le répète, que chacun se mette à l’oeuvre avec
désintéressement : c’est le devoir que nous avons tous vis-à-vis
de nos frères soldats, ces héros qui meurent pour nous. Le bon
droit est avec eux. Les criminels ont réservé leur courage pour la
sainte cause.
Oui,
chacun se livrant à son génie sans entrave, Paris doublera son
importance, et la ville internationale européenne pour offrir aux
arts, à l’industrie, au commerce, aux transactions de toutes
sortes, aux visiteurs de tous pays, un ordre impérissable, l’ordre
par ses citoyens, qui ne pourra pas être interrompu par les
ambitions monstrueuses de prétendants monstrueux.
Notre
ère va commencer ; coïncidence curieuse ! c’est dimanche prochain
le jour de Pâques ; est-ce ce jour-là que notre résurrection aura
lieu ?
Adieu
le vieux monde et sa diplomatie !
GUSTAVE
COURBET.
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