vendredi 10 août 2018

Journal de la Commune


Le comité républicain de Melun vient de lancer la proclamation suivante, à l’occasion de sa constitution définitive dans cette ville :
Messieurs,
Notre France est ruinée, démembrée, désorganisée.
La faute en est à l’Empire déchu, au despotisme avec son pouvoir illimité, ses courtisans avides et serviles, ses guerres funestes, le favoritisme, la prodigalité. Tout le monde reconnaît que ce déplorable régime a fait son temps, et qu’il faut enfin que tous les honnêtes gens associent et combinent leurs forces pour essayer de relever notre malheureux pays de ses ruines.
Mais quelle sera la forme de gouvernement qui pourra nous assurer ce résultat et nous éviter de nouvelles chutes ?
Notre conviction profonde est que toute monarchie porte en elle deux germes de révolution : chez le souverain, le désir d’accroître le plus possible son autorité et la somme de ses prérogatives ; chez le serviteur du prince, la préoccupation constante de s’attirer, même au mépris du droit et de la justice, les faveurs du pouvoir et les bonnes grâces du maître.
Nous repoussons donc cette forme de gouvernement, et nous croyons que la république peut seule sauver et régénérer la France, réparer nos ruines, assurer l’avenir.
Cette oeuvre de salut et de régénération n’est, en effet, possible qu’à l’aide d’une stricte économie et de réformes utiles, radicales même, dans toutes les branches de notre administration.
Or, la République est le gouvernement économique par excellence, parce qu’elle supprime une liste civile et écrasante et une foule de gros traitements. Elle est aussi, par excellence, le gouvernement pacifique, parce qu’elle exclut toute guerre entreprise, soit en vue d’une vaine gloire, soit pour la satisfaction d’une ambition coupable ou d’un intérêt dynastique, et que s’il lui faut jamais tirer l’épée elle ne le fait que pour une guerre indispensable à son salut ou exigée par un ressentiment légitime et national, quand le temps en est venu. Elle peut seule enfin assurer l’avenir, parce qu’elle est le gouvernement de la libre controverse, de la destruction du favoritisme, du concours ou de l’élection pour presque toutes les fonctions, et d’une représentation nationale librement choisie par le peuple. Nous pensons donc que le gouvernement républicain est le seul que doivent demander les vrais citoyens.
Sa devise doit être :
L’ORDRE DANS LA LIBERTÉ !

C’est-à-dire la liberté de chacun assujettie au respect sévère du droit d’autrui, la liberté conciliable avec la tranquillité publique, la liberté ennemie de toutes les passions, de toutes les ambitions qui, sous l’emblème du drapeau rouge, nous jetteraient fatalement dans le despotisme ou l’anarchie.
Tels sont les principes qui nous dirigent et pour le succès desquels nous venons de fonder dans la ville de Melun un Comité dont le but est de faire connaître et aimer la ferme et les institutions républicaines, et de dissiper les préjugés qui les discréditent en ne les faisant accepter qu’avec méfiance.
Mais notre Comité ferait bien peu s’il était isolé ; c’est pourquoi nous nous adressons à vous pour demander de former un ou plusieurs comités semblables dans votre canton, en réunissant autour de vous les hommes d’esprit libéral et les idées sagement républicaines vous paraîtraient pouvoir réunir le plus grand nombre d’adhérents.
Le comité républicain de Melun ne prétend pas se poser en comité dirigeant, il désire seulement pouvoir se mettre en rapport avec vous ; une fois les relations établies, nous nous entendrions pour nous réunir en une assemblée générale où nous pourrions nous concerter sur les détails de notre organisation et les moyens à employer pour rendre notre action aussi efficace que possible, tels que conférences et lectures publiques, fondation de bibliothèques populaires, propagation de livres utiles, etc.
Nous devons nous hâter tous de réparer de longues années d’inertie et de refaire notre éducation politique. Le temps presse et la France a besoin de se réorganiser. Elle doit compter sur le concours et l’activité de tous ses enfants. Mettons- nous donc à l’oeuvre de suite, et ne nous inspirons que de l’amour du bien public. Ces pensées, qui doivent nous animer dans l’accomplissement de notre tâche de réfection totale, ne doit pas non plus nous laisser indifférents aux mouvements électoraux qui ont lieu périodiquement dans un gouvernement démocratique. nous y trouverons l’occasion, là comme ne bien d’autres circonstances, de mettre en pratique les idées et les principes d’éducation républicaine qui forment le but que se propose d’atteindre le Comité.
Si tel est votre sentiment, nous serions heureux d’apprendre par vous, Messieurs, que nous pouvons compter sur votre concours.
Les membres du Comité :
AUBERGER, BANCEL FILS, DAUDÉ, DEROUGEMONT, DESPAGNAT, DETHIRE, DORMOY, DROUIN, DUPUY, FINOT, PÈRE, HÉRISÉ, NIVET, PERNET AÎNÉ, POUTEAU, RIOL, ROBILLARD, SABY, THOMAS, VINNEBAUX
Melun (Seine-et-Marne), le 24 mars 1871.

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