Le
comité républicain de Melun vient de lancer la proclamation
suivante, à l’occasion de sa constitution définitive dans cette
ville :
Messieurs,
Notre
France est ruinée, démembrée, désorganisée.
La
faute en est à l’Empire déchu, au despotisme avec son pouvoir
illimité, ses courtisans avides et serviles, ses guerres funestes,
le favoritisme, la prodigalité. Tout le monde reconnaît que ce
déplorable régime a fait son temps, et qu’il faut enfin que tous
les honnêtes gens associent et combinent leurs forces pour essayer
de relever notre malheureux pays de ses ruines.
Mais
quelle sera la forme de gouvernement qui pourra nous assurer ce
résultat et nous éviter de nouvelles chutes ?
Notre
conviction profonde est que toute monarchie porte en elle deux germes
de révolution : chez le souverain, le désir d’accroître le plus
possible son autorité et la somme de ses prérogatives ; chez le
serviteur du prince, la préoccupation constante de s’attirer, même
au mépris du droit et de la justice, les faveurs du pouvoir et les
bonnes grâces du maître.
Nous
repoussons donc cette forme de gouvernement, et nous croyons que la
république peut seule sauver et régénérer la France, réparer nos
ruines, assurer l’avenir.
Cette
oeuvre de salut et de régénération n’est, en effet, possible
qu’à l’aide d’une stricte économie et de réformes utiles,
radicales même, dans toutes les branches de notre administration.
Or,
la République est le gouvernement économique par excellence, parce
qu’elle supprime une liste civile et écrasante et une foule de
gros traitements. Elle est aussi, par excellence, le gouvernement
pacifique, parce qu’elle exclut toute guerre entreprise, soit en
vue d’une vaine gloire, soit pour la satisfaction d’une ambition
coupable ou d’un intérêt dynastique, et que s’il lui faut
jamais tirer l’épée elle ne le fait que pour une guerre
indispensable à son salut ou exigée par un ressentiment légitime
et national, quand le temps en est venu. Elle peut seule enfin
assurer l’avenir, parce qu’elle est le gouvernement de la libre
controverse, de la destruction du favoritisme, du concours ou de
l’élection pour presque toutes les fonctions, et d’une
représentation nationale librement choisie par le peuple. Nous
pensons donc que le gouvernement républicain est le seul que doivent
demander les vrais citoyens.
Sa
devise doit être :
L’ORDRE
DANS LA LIBERTÉ !
C’est-à-dire
la liberté de chacun assujettie au respect sévère du droit
d’autrui, la liberté conciliable avec la tranquillité publique,
la liberté ennemie de toutes les passions, de toutes les ambitions
qui, sous l’emblème du drapeau rouge, nous jetteraient fatalement
dans le despotisme ou l’anarchie.
Tels
sont les principes qui nous dirigent et pour le succès desquels nous
venons de fonder dans la ville de Melun un Comité dont le but est de
faire connaître et aimer la ferme et les institutions républicaines,
et de dissiper les préjugés qui les discréditent en ne les faisant
accepter qu’avec méfiance.
Mais
notre Comité ferait bien peu s’il était isolé ; c’est pourquoi
nous nous adressons à vous pour demander de former un ou plusieurs
comités semblables dans votre canton, en réunissant autour de vous
les hommes d’esprit libéral et les idées sagement républicaines
vous paraîtraient pouvoir réunir le plus grand nombre d’adhérents.
Le
comité républicain de Melun ne prétend pas se poser en comité
dirigeant, il désire seulement pouvoir se mettre en rapport avec
vous ; une fois les relations établies, nous nous entendrions pour
nous réunir en une assemblée générale où nous pourrions nous
concerter sur les détails de notre organisation et les moyens à
employer pour rendre notre action aussi efficace que possible, tels
que conférences et lectures publiques, fondation de bibliothèques
populaires, propagation de livres utiles, etc.
Nous
devons nous hâter tous de réparer de longues années d’inertie et
de refaire notre éducation politique. Le temps presse et la France a
besoin de se réorganiser. Elle doit compter sur le concours et
l’activité de tous ses enfants. Mettons- nous donc à l’oeuvre
de suite, et ne nous inspirons que de l’amour du bien public. Ces
pensées, qui doivent nous animer dans l’accomplissement de notre
tâche de réfection totale, ne doit pas non plus nous laisser
indifférents aux mouvements électoraux qui ont lieu périodiquement
dans un gouvernement démocratique. nous y trouverons l’occasion,
là comme ne bien d’autres circonstances, de mettre en pratique les
idées et les principes d’éducation républicaine qui forment le
but que se propose d’atteindre le Comité.
Si
tel est votre sentiment, nous serions heureux d’apprendre par vous,
Messieurs, que nous pouvons compter sur votre concours.
Les
membres du Comité :
AUBERGER,
BANCEL FILS, DAUDÉ, DEROUGEMONT, DESPAGNAT, DETHIRE, DORMOY, DROUIN,
DUPUY, FINOT, PÈRE, HÉRISÉ, NIVET, PERNET AÎNÉ, POUTEAU, RIOL,
ROBILLARD, SABY, THOMAS, VINNEBAUX
Melun
(Seine-et-Marne), le 24 mars 1871.
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