"Si l’on nous dit qu’un homme a de la religion, nous demandons tout de même : « Quelle est sa morale ? » Mais si nous entendons d’abord dire qu’il a des principes moraux honnêtes et qu’il est un homme d’une justice naturelle et d’un bon tempérament, nous pensons rarement à l’autre question : « A-t-il de la religion, est-il dévot ? "
"S’il y a du MAL dans l’univers par pur hasard, alors, ce n’est pas un principe ou esprit planificateur, qu’il soit bon ou mauvais, qui peut être la cause de toutes les choses. Et, par conséquent, si l’on suppose un principe planificateur qui est seulement la cause du bien mais ne peut pas empêcher le MAL qui arrive par hasard ou par un dessein contraire et mauvais, alors, on peut supposer qu’en réalité il n’existe rien de tel qu’un dessein ou esprit supérieur et bon mais qu’il existe seulement un être impuissant et imparfait. En effet, ne pas corriger ou exclure totalement ce MAL qui vient du hasard ou d’un dessein contraire et mauvais, cela doit procéder soit de l’impuissance, soit d’une volonté mauvaise."
" Il faut donc seulement appeler opinion d’un homme celle qui, parmi toutes, lui est la plus habituelle et à laquelle il revient en la plupart des occasions. De sorte qu’il est difficile de se prononcer avec certitude sur l’athéisme d’un homme car, à moins que toutes ses pensées ne soient, en toute saison et en toutes occasion, fermement tendues contre toute supposition ou imagination d’un dessein dans les choses, il n’est pas un parfait ATHEE. De la même manière, si les pensées d’un homme, en tout temps, ne se refusent pas fermement et résolument à imaginer le hasard, la fortune ou un mauvais dessein dans les choses, il n’est pas un parfait THEISTE. Mais si quelqu’un croit davantage au hasard et à la confusion qu’à un dessein, on doit le juger plus ATHEE que théiste, vu ce qui prédomine en lui et a le plus d’ascendant sur lui. Au cas où il croit davantage à la prédominance d’un principe ayant un mauvais dessein qu’à celle d’un bon principe, il est plutôt DEMONISTE, et on peut justement le nommer ainsi à cause du côté de la balance vers lequel incline son jugement."
"Toutes ces sortes de conceptions, le démonisme, le polythéisme, l’athéisme et le théisme (A.195) peuvent se mélanger 9. La religion exclut seulement le parfait athéisme. Les parfaits démonistes se trouvent indubitablement au sein de la religion car nous connaissons des nations entières qui adorent un diable ou un démon à qui elles offrent des sacrifices, des prières et des supplications, et en réalité sans autre raison que le crainte qu’il leur inspire. Et nous savons très bien que, dans certaines religions, il en est qui ne donnent expressément pas d’autre idée de DIEU que celle d’un être arbitraire, violent, qui cause le mal et ordonne la souffrance, ce qui, en fait, revient au même, mettre un DEMON ou un diable à la place de Dieu.
Or, puisqu’existent ces différentes opinions sur un pouvoir supérieur et puisque l’on peut trouver des personnes qui n’ont formé absolument aucune opinion sur ce sujet, soit par scepticisme, soit par insouciance d’esprit ou confusion du jugement, il faut considérer si ces opinions, ou le défaut d’une opinion certaine, peuvent être compatibles avec la VERTU et le MERITE ou l’être avec un caractère honnête et moral."
"Nous ne devons cependant pas dire de quelqu’un qu’il est un homme mauvais parce qu’il a des traces de peste sur lui ou parce qu’il a une crise de convulsions qui fait qu’il frappe et blesse ceux qui s’approchent de lui. D’autre part, nous ne devons pas non plus dire de quelqu’un qu’il est un homme bon s’il a les mains attachées et qu’on l’empêche de faire le mal qu’il a l’intention de faire ou (ce qui revient au même) s’il s’abstient d’exécuter son mauvais dessein par la crainte d’un châtiment à venir ou par la séduction d’une récompense extérieure."
" En effet, si l’habitude est telle qu’elle provoque, sur tous les points, une plus grande attention au bien propre et à l’intérêt privé, elle doit insensiblement diminuer l’affection envers le bien public, l’intérêt de la société, et introduire un certaine étroitesse d’esprit qui (comme certains le prétendent) est particulièrement observable chez les personnes dévotes et zélées de presque toutes les convictions religieuses.
Il faut aussi avouer que, si la véritable piété est d’aimer DIEU pour lui-même, un souci excessif pour le bien privé qu’on espère de lui doit nécessairement prouver une diminution de la piété. En effet, tandis qu’on aime Dieu comme la simple cause du bien privé, on ne l’aime que comme une créature vicieuse aime un instrument, un moyen de son plaisir."
"Mais, quoique qu’une bonne justice distributive d’un gouvernement soit une cause essentielle de la vertu, nous devons observer que, dans ce cas, c’est l’exemple surtout qui influence les hommes et forme le caractère et la disposition d’un peuple. En effet, une administration vertueuse est, d’une certaine manière, nécessairement accompagnée d’une vertu du magistrat. Sinon elle serait de peu d’effet et de peu de durée. Mais, quand elle est sincère et bien établie, alors la vertu et les lois doivent nécessairement être respectées et aimées."
" Nous tenons pour certain que tout amour social, toute amitié, toute gratitude, et tout ce qui est aussi d’un genre généreux prend la place, par sa nature, des passions intéressées, nous tire hors de nous mêmes et nous rend indifférents à notre commodité et notre sécurité ; de sorte que, selon une façon connue de raisonner sur l’intérêt personnel , tout ce qui est d’un genre social en nous doit avec justice être aboli. Ainsi toute sorte de bonté, d’indulgence, de tendresse, de compassion et, en bref, toutes les affections naturelles doivent être supprimées avec soin et, en tant que pures folies et faiblesses de la nature, doivent être empêchées et vaincues. De cette façon, il ne pourrait rien rester en nous de contraire à une fin personnelle directe, rien qui pourrait se trouver en opposition avec une poursuite ferme et délibérée de l’intérêt personnel le plus étroitement limité."
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