samedi 4 août 2018

Journal officiel de la Commune


Les délégués du commerce qui s’étaient rendus à Versailles pour s’entendre avec l’administration des postes, qui a fait retraite dans cette ville, sont de retour à Paris depuis ce matin. Ils n’ont pas rapporté de réponse satisfaisante. Ils n’ont pu se faire délivrer aucun courrier, et on les a ajournés à deux jours. Ces délégués se sont présentés aujourd’hui à l’administration des postes, où ils ont rendu compte de leur mission à M. Theisz, membre de la Commune, préposé à la direction. Il a été décidé que nulle opposition n’était faite à l’établissement d’un service postal particulier, dans un des lieux désignés, Passy, la Muette ou le Point-du- Jour, et que les négociants pouvaient s’entendre entre eux pour l’organiser le plus promptement possible.
Malheureusement, les événements survenus depuis hier mettent obstacle à la réalisation immédiate de ce projet.
L’adresse suivante a été lue à l’assemblée de l’Union nationale des chambres syndicales, par le vice-président de la chambre des tissus de laine. La situation qui, dans les circonstances présentes, est faite à la ville de Paris est pleine de périls pour son industrie et son commerce. Deux saisons distinctes amènent les affaires et les acheteurs dans notre cité. Naguère nous étions assiégés par les Prussiens, aujourd’hui nous subissons un siège moral qui éloigne la province et l’étranger. C’est la continuation d’un état de choses malheureux qui, en déplaçant les habitudes commerciales, peut causer le tort le plus grave aux intérêts de notre ville.
Il importe que cet état cesse au plus vite, car, en pesant sur Paris, il pèse lourdement aussi sur la province qui, pour beaucoup de ses industries, a ses débouchés à Paris.
Nous n’avons pas à examiner quelles sont les causes qui ont amené cette situation : elle existe. Lorsqu’un ruisseau a grossi à la suite d’un orage et qu’il est devenu torrent, il ne s’inquiète pas si la sagesse humaine aurait dû lui élever des digues, il déborde.
Sur des faits de ce genre, qui ne sont pas du domaine de la politique, tout le monde est d’accord sur les moyens, et personne ne songerait à faire rebrousser chemin au torrent débordé.
Dans la circonstance actuelle, nous sommes en présence des faits accomplis. Paris a fait une révolution aussi acceptable que toutes les autres, et, pour beau coup d’esprits, c’est la plus grande qu’il ait jamais faite, c’est l’affirmation de la République et la volonté de la défendre.
Paris, en votant, n’a pas voulu seulement changer des hommes, il a renversé des institutions qu’on peut sans passion reconnaître pour mauvaises, puisqu’elles ont toujours donné les mêmes détestables résultats.
Pourquoi ne pas faire une expérience sérieuse de ces nouvelles institutions consacrées par les suffrages des citoyens ?
Quoi qu’il arrive, elles ne coûteront jamais à la France ce que l’ancien ordre de choses vient de nous coûter.
Quant aux moyens pratiques de faire cesser l’état de choses actuel, nous ne prétendons pas l’ »imposer à personne, nous venons simplement vous transmettre nos pensées comme des spectateurs qui croient juger sainement les choses et comme des victimes qui étouffent sous le poids d’un malentendu qu’ils veulent voir cesser au plus vite.
Notre plus grand désir, cependant, n’est pas qu’on en sorte quand même, —nous saurons souffrir encore s’il le faut ; — ce que nous voulons, c’est qu’on en sorte une bonne fois pour n’y plus revenir.
Il y a un grave conflit. Chacun croit avoir pour soi le droit, et même la force. La force n’est pas toujours ce qui réussit le mieux et ne prouve rien ; nous la repoussons. Il ne s’agit pas, en ce moment solennel, de chercher théoriquement où est le droit, mais de rechercher les moyens de mettre le droit d’accord avec les faits.
Quoique l’Assemblée fasse aujourd’hui ce qu’elle aurait dû faire depuis longtemps, si elle avait eu plus souci des intérêts du pays que de ses sentiments particuliers. Qu’on fasse immédiatement une bonne loi municipale, c’est-à-dire qu’on accorde une bonne fois tout, ou pour mieux dire qu’on le rende à qui de droit, afin qu’on n’ait plus rien à demander. Que l’Assemblée refasse aussi la loi électorale et qu’elle convoque la France à l’élection d’une Constituante, c’est là le voeu de Paris, et c’est aussi celui de la province.
Tout le monde reconnaît que l’Assemblée a été envoyée pour traiter de la paix. Or, tels hommes qui pouvaient convenir pour ce mandat défini, ne conviennent pas à leurs électeurs comme constituants.
Maintenant si l’Assemblée ne veut pas se dissoudre, et si vous n’avez pas le pouvoir de la dissoudre, et si vous n’avez pas le pouvoir de a dissoudre, ce n’est pas une raison pour nous de rester plus longtemps dans cette impasse, et c’est à vous que nous nous adressons pour essayer de nous en sortir. S’il reste un moyen de conciliation, le commerce de Paris sera heureux de la saisir et d’éviter ainsi de grands malheurs pour le pays.
Tous les partis avaient applaudi au choix de votre personne comme chef du pouvoir exécutif, et le plus grand espoir était fondé sur votre patriotisme ; mais à l’impossible nul n’est tenu, et si le devoir du capitaine est d’abandonner le navire le dernier, son devoir aussi est de se séparer de ceux qui veulent absolument périr. Si vous ne pouvez diriger l’Assemblée, nous pensons que vous n’avez plus qu’à vous retirer, vous et tous les députés de la gauche.
Cette assemblée monarchique tombera d’elle-même, et la France saura procéder aux élections de sa Constituante.
Quant à nous, Parisiens, nous ne pouvons rester plus longtemps dans cette situation que veut nous faire l’Assemblée : elle ne veut plus de Paris comme capitale de la France, et elle entend le laisser soumis aux entraves que sous l’Empire il était obligé de souffrir, justement à ce titre de capitale.
Nous ne pouvons croire que vous songiez à renouveler le siège de Paris ; cependant nous sommes déjà séparés du reste de la France, pour laquelle nous avons souffert un long siège. Nous sommes privés de nos lettres, notre vie commerciale est suspendue. Allons-nous aussi être privés de pain ?
Croyez-en des Parisiens dévoués à leur pays ; Versailles est en ce moment trop loin de Paris et ne juge peut-être pas bien les événements : nous vous supplions d’écouter les avis de notre patriotisme. Le sentiment parisien est essentiellement républicain, et personne ici ne tient pour l’Assemblée, qui est monarchique. Nous ne croyons pas que des mesures violentes puissent amener la solution désirable, et si nous vous recommandons des mesures pacifiques, c’est que nous sommes persuadés que les autres ne nous conduiraient qu’aux plus grandes catastrophes. La discussion sur cette adresse aura lieu mardi, en séance publique de l’Union nationale.

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