Les
délégués du commerce qui s’étaient rendus à Versailles pour
s’entendre avec l’administration des postes, qui a fait retraite
dans cette ville, sont de retour à Paris depuis ce matin. Ils n’ont
pas rapporté de réponse satisfaisante. Ils n’ont pu se faire
délivrer aucun courrier, et on les a ajournés à deux jours. Ces
délégués se sont présentés aujourd’hui à l’administration
des postes, où ils ont rendu compte de leur mission à M. Theisz,
membre de la Commune, préposé à la direction. Il a été décidé
que nulle opposition n’était faite à l’établissement d’un
service postal particulier, dans un des lieux désignés, Passy, la
Muette ou le Point-du- Jour, et que les négociants pouvaient
s’entendre entre eux pour l’organiser le plus promptement
possible.
Malheureusement,
les événements survenus depuis hier mettent obstacle à la
réalisation immédiate de ce projet.
L’adresse
suivante a été lue à l’assemblée de l’Union nationale des
chambres syndicales, par le vice-président de la chambre des tissus
de laine. La situation qui, dans les circonstances présentes, est
faite à la ville de Paris est pleine de périls pour son industrie
et son commerce. Deux saisons distinctes amènent les affaires et les
acheteurs dans notre cité. Naguère nous étions assiégés par les
Prussiens, aujourd’hui nous subissons un siège moral qui éloigne
la province et l’étranger. C’est la continuation d’un état de
choses malheureux qui, en déplaçant les habitudes commerciales,
peut causer le tort le plus grave aux intérêts de notre ville.
Il
importe que cet état cesse au plus vite, car, en pesant sur Paris,
il pèse lourdement aussi sur la province qui, pour beaucoup de ses
industries, a ses débouchés à Paris.
Nous
n’avons pas à examiner quelles sont les causes qui ont amené
cette situation : elle existe. Lorsqu’un ruisseau a grossi à la
suite d’un orage et qu’il est devenu torrent, il ne s’inquiète
pas si la sagesse humaine aurait dû lui élever des digues, il
déborde.
Sur
des faits de ce genre, qui ne sont pas du domaine de la politique,
tout le monde est d’accord sur les moyens, et personne ne songerait
à faire rebrousser chemin au torrent débordé.
Dans
la circonstance actuelle, nous sommes en présence des faits
accomplis. Paris a fait une révolution aussi acceptable que toutes
les autres, et, pour beau coup d’esprits, c’est la plus grande
qu’il ait jamais faite, c’est l’affirmation de la République
et la volonté de la défendre.
Paris,
en votant, n’a pas voulu seulement changer des hommes, il a
renversé des institutions qu’on peut sans passion reconnaître
pour mauvaises, puisqu’elles ont toujours donné les mêmes
détestables résultats.
Pourquoi
ne pas faire une expérience sérieuse de ces nouvelles institutions
consacrées par les suffrages des citoyens ?
Quoi
qu’il arrive, elles ne coûteront jamais à la France ce que
l’ancien ordre de choses vient de nous coûter.
Quant
aux moyens pratiques de faire cesser l’état de choses actuel, nous
ne prétendons pas l’ »imposer à personne, nous venons simplement
vous transmettre nos pensées comme des spectateurs qui croient juger
sainement les choses et comme des victimes qui étouffent sous le
poids d’un malentendu qu’ils veulent voir cesser au plus vite.
Notre
plus grand désir, cependant, n’est pas qu’on en sorte quand
même, —nous saurons souffrir encore s’il le faut ; — ce que
nous voulons, c’est qu’on en sorte une bonne fois pour n’y plus
revenir.
Il
y a un grave conflit. Chacun croit avoir pour soi le droit, et même
la force. La force n’est pas toujours ce qui réussit le mieux et
ne prouve rien ; nous la repoussons. Il ne s’agit pas, en ce moment
solennel, de chercher théoriquement où est le droit, mais de
rechercher les moyens de mettre le droit d’accord avec les faits.
Quoique
l’Assemblée fasse aujourd’hui ce qu’elle aurait dû faire
depuis longtemps, si elle avait eu plus souci des intérêts du pays
que de ses sentiments particuliers. Qu’on fasse immédiatement une
bonne loi municipale, c’est-à-dire qu’on accorde une bonne fois
tout, ou pour mieux dire qu’on le rende à qui de droit,
afin qu’on n’ait plus rien à demander. Que l’Assemblée
refasse aussi la loi électorale et qu’elle convoque la France à
l’élection d’une Constituante, c’est là le voeu de Paris, et
c’est aussi celui de la province.
Tout
le monde reconnaît que l’Assemblée a été envoyée pour traiter
de la paix. Or, tels hommes qui pouvaient convenir pour ce mandat
défini, ne conviennent pas à leurs électeurs comme constituants.
Maintenant
si l’Assemblée ne veut pas se dissoudre, et si vous n’avez pas
le pouvoir de la dissoudre, et si vous n’avez pas le pouvoir de a
dissoudre, ce n’est pas une raison pour nous de rester plus
longtemps dans cette impasse, et c’est à vous que nous nous
adressons pour essayer de nous en sortir. S’il reste un moyen de
conciliation, le commerce de Paris sera heureux de la saisir et
d’éviter ainsi de grands malheurs pour le pays.
Tous
les partis avaient applaudi au choix de votre personne comme chef du
pouvoir exécutif, et le plus grand espoir était fondé sur votre
patriotisme ; mais à l’impossible nul n’est tenu, et si le
devoir du capitaine est d’abandonner le navire le dernier, son
devoir aussi est de se séparer de ceux qui veulent absolument périr.
Si vous ne pouvez diriger l’Assemblée, nous pensons que vous
n’avez plus qu’à vous retirer, vous et tous les députés de la
gauche.
Cette
assemblée monarchique tombera d’elle-même, et la France saura
procéder aux élections de sa Constituante.
Quant
à nous, Parisiens, nous ne pouvons rester plus longtemps dans cette
situation que veut nous faire l’Assemblée : elle ne veut plus de
Paris comme capitale de la France, et elle entend le laisser soumis
aux entraves que sous l’Empire il était obligé de souffrir,
justement à ce titre de capitale.
Nous
ne pouvons croire que vous songiez à renouveler le siège de Paris ;
cependant nous sommes déjà séparés du reste de la France, pour
laquelle nous avons souffert un long siège. Nous sommes privés de
nos lettres, notre vie commerciale est suspendue. Allons-nous aussi
être privés de pain ?
Croyez-en
des Parisiens dévoués à leur pays ; Versailles est en ce moment
trop loin de Paris et ne juge peut-être pas bien les événements :
nous vous supplions d’écouter les avis de notre patriotisme. Le
sentiment parisien est essentiellement républicain, et personne ici
ne tient pour l’Assemblée, qui est monarchique. Nous ne croyons
pas que des mesures violentes puissent amener la solution désirable,
et si nous vous recommandons des mesures pacifiques, c’est que nous
sommes persuadés que les autres ne nous conduiraient qu’aux plus
grandes catastrophes. La discussion sur cette adresse aura lieu
mardi, en séance publique de l’Union nationale.
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