samedi 4 août 2018

Journal officiel de la Commune


UNE PAGE D’HISTOIRE

La grande révolution politique et sociale qui vient de s’accomplir à Paris a produit en France, et surtout à l’étranger, une immense stupeur ; ce sera, dirait Mme de Staël, l’étonnement des siècles futurs.
Après l’effondrement d’un pouvoir dont le chef n’était que la personnification de tous les vices et qui, établi par la violence et la cruauté, ne pouvait se maintenir que par l’abrutissement et la corruption, où l’honneur n’était plus qu’un mot admis à peine au théâtre, le monde entier avait désespéré de la France : son temps, disait-on, était fini.
Pendant vingt ans l’empire s’était ainsi consolidé. Au milieu des fêtes et des plaisirs, les complices du Deux décembre avaient fini qui mourrait de faim à côté de ces orgies. On étouffait la voix de l’homme courageux qui voulait tenter de rappeler la France au sentiment de son honneur et de sa dignité. C’était l’apogée de l’égoïsme et de la corruption. Tout à coup les lauriers du conquérant des gaules empêchent de dormir l’auteur de la Vie de César. Sur un signe du maître, la France est jetée dans cette horrible entreprise qui nous montra à Sedan que le courage et la valeur militaire du nouveau César étaient à la hauteur de sa valeur morale et politique.
Ce dernier outrage, cette dernière honte semblent secouer la torpeur de la France. Partout retentissent les cris de : vive la république ! La colère et l’indignation soulèvent tous les coeurs. Les grands sentiments ne sont pas encore éteints. Chacun vient s’offrir au salut de la patrie. Quelques ambitieux, quelques soudoyés de prétendants s’emparent du gouvernement, et trop confiante, la France s’abandonne toute entière à eux. Hélas ! la capitulation de Paris, plus froidement et plus honteusement préparée devient le digne corollaire de Sedan. Toute la France est plongée dans la terreur. Partout, l’on demande la paix à tout prix, et l’Assemblée nationale est nommée pour signer la paix : la paix est signée. Le gouvernement dit de la défense nationale avait fini son rôle, le mandat de l’Assemblée est terminé.
Trompé depuis si longtemps, Paris voulut se réserver une garantie matérielle pour se faire respecter de ceux qui avaient si indignement abusé de sa confiance. Les habitants des faubourgs voulurent conserver les armes et les canons qu’ils avaient si bien payés de leur sang et de leur argent.
Le gouvernement de la défense nationale et l’Assemblée craignirent, comme tous ceux qui ont entre les mains un pouvoir usurpé, la puissance du peuple armé et préfèrent déchaîner la guerre civile sur la France que renoncer à un pouvoir qui ne leur appartenait plus, et de faire droit aux justes désirs du peuple de Paris. Mais la coupe était pleine : deux cent quinze bataillons de la garde nationale nommèrent des délégués qui formèrent ce grand corps dont tous les membres étaient intimement liés et qui s’appela Comité central. On avait ri des prétentions des habitants de Montmartre, on rit de nouveau du Comité central.
La presse, qui n’était plus que l’expression de la décadence de la France, lança d’abord contre ce fameux comité les plus basses plaisanteries, puis on l’attaqua avec une violence inouïe, ensuite, on discuta ses actes, enfin l’on vit ses adversaires les plus déclarés se rallier à lui, et lorsque cette réunion de citoyens dévoués, une fois leur tâche patriotique terminée, se retira dans l’ombre comme ils en étaient sortis huit jours auparavant, il y eut un mouvement de stupeur et d’admiration universelle. On crut sortir d’un long rêve. La révolution sociale était accomplie : Paris se relevait d’un seul coup de vingt années d’abaissement. Aujourd’hui, la commune est là ! Paris, ce centre d’énergie, de patriotisme et d’intelligence, vient encore une fois de relever et de régénérer la France. Par ses soins, le suffrage universel, cette arme si puissante, mais si dangereuse entre les mains de ceux qui n’avaient jamais appris à s’en servir, deviendra pour le pays, instruit et éclairé, la garantie et la sauvegarde de la liberté. Une fois encore, Paris aura sauvé la France.
PAUL VAPEREAU.

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