CHOUANS
ET GIRONDINS
Trêve
aux discussions philosophiques et sociales ! trêve au travail !
trêve à l’étude !
Le
temps hélas ! est à la politique, et, ce qu’il y a de plus triste
dans la politique, à la guerre, et, ce qu’il y a de plus horrible
dans la guerre, à la guerre civile. Ne vous souvient-il pas, fédérés
parisiens, d’une certaine prophétie tombée un jour de la tribune
de la Convention ?
La
Gironde fut le monstre qui vomit ce nouveau Jonas. C’était à la
veille du 31 mai. La Commune venait demander justice à l’Assemblée
à propos de l’arrestation de deux de ses membres les plus
influents. Isnard, qui présidait, fit à la députation cette
mémorable réponse : « Magistrats du peuple, il est urgent que vous
entendiez des vérités importantes. Si la représentation nationale
était violée par une de ces conspirations dont nous avons été
entourés depuis le 10 mars, je déclare au nom de la République,
Paris éprouverait la vengeance de la France et serait rayé de la
liste des cités. »
Ah
! niez donc l’immutabilité des lois de l’évolution humaine.
Comme les situations analogues reproduisent les mêmes scélérats !
Après Isnard menaçant Paris et la Commune de la destruction,
écoutez Jules Favre vomissant contre eux tout le venin et le fiel
dans sa poitrine de chouan et de girondin.
«
Comment appelle-t-on l’état de Paris ? Mais c’est le vol, le
pillage organisé… Tenez ! laissez-moi épancher mon coeur ! Quand
j’ai été à Versailles pour l’armistice, j’ai lutté trois
jours contre le vainqueur pour laisser ses armes à la garde
nationale. J’ai eu tort. J’en demande pardon à Dieu et aux
hommes !… Non ! pas de faiblesse, pas de conciliation ! Nous
sommes décidés à faire justice des misérables qui siègent à
l’Hôtel-de-Ville ! »
Citer
de pareilles infamies en dit plus que toutes les appréciations.
Cette fois, l’entreprise a suivi de près la menace. Mais quoi !
Paris n’est pas si facile à réduire en cendres. En attendant, on
se rabat sur un pauvre village. Neuilly saigne encore des blessures
faites par la guerre étrangère : les trous de ses toits sont
béants, les murs à peine étayés.
Qu’importe
aux Jules Favre ! qu’importe aux Thiers et aux Picard ! A nous les
zouaves de Mentana ; à nous les assommeurs de Piétri, les chouans
de Charrette et de Cathelineau, et tout ce que la France a pu vomir
d’égorgeurs et d’assassins y compris les forçats de Brest et de
Toulon ! Bombardez, brûlez, mitraillez, sans prévenir, sans crier
gare ! — C’est mieux !
Un
enfant rit dans les bras de sa mère : tuez-le. Une troupe de jeunes
filles sort de l’église : massacrez-les. Comme une grappe
d’abeilles qu’on écrase du pied, les voilà broyées à terre.
Quel succès ! mes braves, et comme le Dieu des armées doit aspirer
avec joie la moite vapeur de cette hécatombe !
Et
ces gardes nationaux qui, pendant cinq mois, ont gardé la cité,
combattu l’étranger et sauvé l’honneur : canonnez-les ! Faites
des veuves et des orphelins ! Les Prussiens et la maladie n’en ont
pas assez peuplé la ville ! Les Prussiens ! mais comment donc,
illustre Ducrot, valeureux capitaine, jamais vous ne les avez si
rudement combattus. Jamais vous n’aviez su diriger contre eux ces
canonnades sérieuses dont ils vous avaient cependant enseigné
l’efficacité. Vous gardiez cela pour nous autres ! Ah ! malheur
aux vaincus !
Mais
je m’arrête. La plume a peine à suivre le bouillonnement de la
haine et de la colère qui débordent…
A.
REGNARD.
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