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C’est
en vain que l’on chercherait dans le « Larousse » ce que c’est
que la Crapaudine. Il est vrai qu’officiellement elle n’existe
pas, puisqu’en vertu des lois civiles ou militaires il est interdit
aux représentants de la force ou du militarisme de faire subir des
tortures aux hommes placés sous leur autorité.
C’est
le secret de Polichinelle qu’en plein centre de Paris, « capitale
du monde et de la Civilisation », les individus supposés coupables
d’un crime sont soumis à la torture physique par les agents de la
police judiciaire ; comment s’étonner alors qu’en Afrique, dans
des contrées éloignées des populations civiles et où le chef
militaire règne en maître absolu, de pauvres bougres soient
victimes de la brutalité féroce du chaouch ?
La
crapaudine est un instrument de torture en usage dans les bagnes
militaires de l’Afrique, et il doit son nom à la position dans
laquelle il maintient le malheureux supplicié, qui, les pieds et les
mains rejetés en arrière et liés ensemble, a l’aspect d’un
crapaud.
Le
supplice est d’autant plus cruel qu’il s’exerce sous un soleil
brûlant et que la victime en plus des douleurs que lui procure la
position anormale de ses membres souffre atrocement de la chaleur et
de la soif.
On
a du mal à s’imaginer qu’en notre vingtième siècle une telle
barbarie soit possible et que ces moeurs inquisitoriales ne soulèvent
pas la réprobation générale. De temps en temps lorsqu’une
victime succombe sous le poids des souffrances endurées, le scandale
éclate et la presse à tout faire élève faiblement la voix ; alors
les responsables directs, c’est-à-dire les chefs de gouvernement
couvrant leurs inférieurs, déclarent que des enquêtes sont en
cours, que des sanctions seront prises contre les coupables et le
calme renaît jusqu’au jour où une nouvelle victime de la
crapaudine fait éclater un nouveau scandale. Et il en sera ainsi
jusqu’au jour où le peuple, en ayant assez, ne se contentera plus
des vagues promesses gouvernementales et des faibles protestations
d’une presse intéressée. La crapaudine, qui pourrait figurer
comme appareil de torture à côté de ceux du Jardin des Supplices
d’Octave Mirbeau, doit disparaître ; mais il faut surtout, si l’on
veut en finir avec tous ces procédés barbares, en rechercher les
causes, et détruire le militarisme qui donne naissance à tant
d’atrocités et de crimes.
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