Les
journaux hostiles à la Commune s’élèvent avec une feinte
indignation et une violence inouïe contre le décret préservateur
sur les otages. Mais ils ne disent rien de la loi de M. Dufaure, le
grand justicier de Versailles, loi qui enlève toute garantie aux
gardes nationaux, qu’il traduit devant ses jugeurs militaires,
malgré leur qualité de belligérants.
Le
peuple n’a pas le droit de se défendre, mais les législateurs de
M. Thiers sont bien venus à enlever toute garantie aux citoyens.
Nous reconnaissons volontiers que la Cloche se sépare sur ce
point des autres feuilles conservatrices ; voici ce que dit ce
journal :
M.
Dufaure, ministre de la justice, a présenté un projet de loi ayant
pour objet de rendre plus rapide la procédure devant les conseils de
guerre. L’Assemblée a voté, non encore le projet, mais la
déclaration d’urgence, malgré M. Tolain qui objectait, avec toute
raison, que ce n’est pas la lenteur qu’on peut reprocher à la
procédure militaire.
Nous
regrettons cette présentation.
M.
Thiers avait publiquement déclaré, à la tribune, que le
gouvernement entendait user de clémence à l’égard des hommes
simplement entraînés dans les événements actuels.
Les
poursuites, s’il doit y en avoir, n’atteindront donc qu’un
nombre assez restreint de personnes. Dès lors, à quoi bon abréger
une procédure déjà fort expéditive ?
Le
ministre a pris soin de dire qu’aucune garantie n’est retirée à
l’accusé. Mais le temps n’est-il pas lui-même une garantie, et
pour des poursuites politiques surtout ? N’y a-t-il pas danger à
faire comparaître trop tôt l’accusé devant des juges qui l’ont
peut-être vu déjà en face d’eux les armes à la main ? Quelque
esprit d’équité que nous supposions aux juges, ils sont hommes et
soumis aux passions humaines.
Voici
le texte du projet de cette loi de meurtre, d’assassinat juridique
:
Art.
1er. La procédure pour la poursuite des crimes et délits militaires
sera modifiée
ainsi
qu’il suit :
Art.
2. Le ministre de la guerre traduira les coupables devant le conseil
de guerre, sans instruction préalable.
Art.
3. Le commissaire de la République prendra connaissance des faits le
jour même de la présentation, en même temps que le défenseur
de l’accusé.
Art.
4. Le condamné pourra se pourvoir devant le conseil de révision
dans les vingt-quatre heures.
Art.
5. Le conseil de révision statuera dans le même délai.
Ainsi,
dans les quarante-huit heures, les accusés pourront être, sans
défense possible, condamnés et exécutés.
L’Assemblée
vote d’urgence, empressée de justifier cette maxime de tigre
sortie en pleine discussion de la bouche de M. Picard : NOUS USERONS
CONTRE EUX DE TOUS LES MOYENS À NOTRE DISPOSITION ! L’Assemblée a
applaudi !!!
Les
défenseurs de la Commune sauront qu’ils ne doivent en aucun cas se
rendre à ces égorgeurs altérés de sang.
Et
personne ne pourra plus blâmer la Commune, qui ne prend des otages
que pour mettre fin à ces indignes massacres.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire