samedi 15 septembre 2018

Journal de la Commune


Les journaux hostiles à la Commune s’élèvent avec une feinte indignation et une violence inouïe contre le décret préservateur sur les otages. Mais ils ne disent rien de la loi de M. Dufaure, le grand justicier de Versailles, loi qui enlève toute garantie aux gardes nationaux, qu’il traduit devant ses jugeurs militaires, malgré leur qualité de belligérants.
Le peuple n’a pas le droit de se défendre, mais les législateurs de M. Thiers sont bien venus à enlever toute garantie aux citoyens. Nous reconnaissons volontiers que la Cloche se sépare sur ce point des autres feuilles conservatrices ; voici ce que dit ce journal :
M. Dufaure, ministre de la justice, a présenté un projet de loi ayant pour objet de rendre plus rapide la procédure devant les conseils de guerre. L’Assemblée a voté, non encore le projet, mais la déclaration d’urgence, malgré M. Tolain qui objectait, avec toute raison, que ce n’est pas la lenteur qu’on peut reprocher à la procédure militaire.
Nous regrettons cette présentation.
M. Thiers avait publiquement déclaré, à la tribune, que le gouvernement entendait user de clémence à l’égard des hommes simplement entraînés dans les événements actuels.
Les poursuites, s’il doit y en avoir, n’atteindront donc qu’un nombre assez restreint de personnes. Dès lors, à quoi bon abréger une procédure déjà fort expéditive ?
Le ministre a pris soin de dire qu’aucune garantie n’est retirée à l’accusé. Mais le temps n’est-il pas lui-même une garantie, et pour des poursuites politiques surtout ? N’y a-t-il pas danger à faire comparaître trop tôt l’accusé devant des juges qui l’ont peut-être vu déjà en face d’eux les armes à la main ? Quelque esprit d’équité que nous supposions aux juges, ils sont hommes et soumis aux passions humaines.
Voici le texte du projet de cette loi de meurtre, d’assassinat juridique :
Art. 1er. La procédure pour la poursuite des crimes et délits militaires sera modifiée
ainsi qu’il suit :
Art. 2. Le ministre de la guerre traduira les coupables devant le conseil de guerre, sans instruction préalable.
Art. 3. Le commissaire de la République prendra connaissance des faits le jour même de la présentation, en même temps que le défenseur de l’accusé.
Art. 4. Le condamné pourra se pourvoir devant le conseil de révision dans les vingt-quatre heures.
Art. 5. Le conseil de révision statuera dans le même délai.
Ainsi, dans les quarante-huit heures, les accusés pourront être, sans défense possible, condamnés et exécutés.
L’Assemblée vote d’urgence, empressée de justifier cette maxime de tigre sortie en pleine discussion de la bouche de M. Picard : NOUS USERONS CONTRE EUX DE TOUS LES MOYENS À NOTRE DISPOSITION ! L’Assemblée a applaudi !!!
Les défenseurs de la Commune sauront qu’ils ne doivent en aucun cas se rendre à ces égorgeurs altérés de sang.
Et personne ne pourra plus blâmer la Commune, qui ne prend des otages que pour mettre fin à ces indignes massacres.

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