samedi 1 septembre 2018

Journal de la Commune


LETTRE D’ALPHONSE KARR
Extraite du Saturday Review.

Plus ça change, plus c’est la même chose ! Voici M. Thiers, chef du pouvoir exécutif, sous l’autorité de l’Assemblée des représentants. C’est-à-dire à peu près président de la République, et peut-être vaut-il autant qu’on ne soit pas plus président que cela.
L’idée républicaine a plusieurs griefs contre M. Thiers ; je ne parlerai que de deux : Son histoire si célèbre, si populaire du Consulat et de l’Empire a beaucoup contribué à propager cette légende, cette mythologie napoléonienne qui nous a amené le second Empire.
Au 10 décembre, il a voté, et, qui pis est, a fait voter pour la présidence du prince Louis, sans laquelle la République eût peut-être été fondée. Aujourd’hui, élu par 26 départements, il apporte au service de la France en péril une longue expérience des affaires et un esprit souple, subtil, très exercé, très pratique et presque toujours du bon sans, sauf sur quelques questions où il a conservé certains préjugés. Met-il également ces facultés, sans arrière-pensée, au service de la République ?
THAT IS THE QUESTION !…
Plus de replâtrages, plus de rhabillages ! On a parlé de réunir tous les ministères aux Tuileries : très bien. Alors il faut rendre tous les bâtiments consacrés à ces ministères. Cela fera de l’argent et empêchera qu’ils ne restent vacants, en attendant, hélas ! QU’UN ROI, sous un titre quelconque plus ou moins élastique, élargisse son appartement aux tuileries et renvoie les ministères à leurs anciens logements. — Alors le président ou le chef du pouvoir exécutif continuera à demeurer chez lui et tiendra à ses bureaux ; quand on le changera, il n’y aura pas à le déloger (ce qui est quelquefois difficile), il n’y aura qu’à rester chez lui.
Voici mes propositions :
Aliénation ou appropriation à des objets d’utilité publique de tous les palais, châteaux, etc. Qu’il en soit de même des divers bâtiments assignés aux préfectures. On examinera s’il y a bien besoin de sous-préfets. Qu’il n’y ait pas en France d’appointements au-dessous de 1 200 fr. On parle aussi de reconstituer l’armée ; ça, c’est moins bien, — disons notre pensée, — c’est absurde. Si nous voulons sincèrement la République, IL FAUT BRÛLER NOS VAISSEAUX.
Il faut faire aussi de grandes et sérieuses économies pour payer le tribut exigé par la Prusse, et pour réparer en même temps nos désastres, et encore pour prendre l’habitude d’une sage économie. Il faut imiter le négociant malheureux qui veut tout payer, se réhabiliter et refaire sa fortune avec plus de prudence et de certitude.
C’est à ce triple titre que je fais les quelques propositions que voici : Démolissons ou fermons les niches où nous ne voulons pas mettre de saints ; Supprimons le tronc avec toute la piaffe et tous les bibelots de la royauté. Ne nous contentons plus des synonymes avec lesquels on a si longtemps abusé, mené et égaré la France, quand on disait : Plus de gendarmes, une garde municipale ! Plus de conscription, le recrutement ! Plus de royauté, la présidence, assise sur le même fauteuil que la royauté, avec le même pouvoir de corrompre !… N’essayons pas de construire une France nouvelle avec ces vieux matériaux hors de service, ces poutres pourries, ces pierres délitées des plâtras de démolition. …Enfin, pour en finir avec les joujoux de la royauté et pour se procurer une grosse, très grosse somme d’argent, prenez-moi les divers joyaux, bibelots, etc., connus sous le nom de diamants de la couronne. Leur valeur commerciale est importante, mais elle sera centuplée, et au-delà, si vous les mettez en loterie, — comme on mit autrefois le lingot d’or ; — l’appât des lots et la sympathie des peuples (je ne parle pas des gouvernements de l’Europe et de l’Amérique pour la France), feront prendre tous les billets de cette loterie.
En voilà assez pour commencer ; commençons. Situation du 31 mars : Nous avions dit que l’Assemblée de Versailles était la promiscuité du crime et de l’oppression ; que, d’un côté, l’on avait vendu la France, comme de l’autre, on l’avait achetée ; et qu’en échange de l’engagement pris, par les uns, de la livrer à l’Allemagne, les autres avaient pris celui de l’achever si elle osait se soustraire au joug de ses vendeurs. Les faits précis, éloquents, terribles, se pressent pour justifier notre dire. Le comte de Bismarck menace Paris dans l’Assemblée ; et Jules Favre, à Rouen, ose déclarer qu’il va s’entendre avec le général de Fabrice pour que Paris soit écrasé. Mais ce n’est pas tout, M. Jules Favre, fort de l’appui de l’étranger, dont il est devenu le complice, ne veut déjà plus partager avec personne le mérite d’être le bourreau de son pays. D’accord avec une majorité qui veut tout ce que veut la Prusse ; M. Jules Favre va jeter M. Thiers par-dessus le bord

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