dimanche 30 septembre 2018

DARWINISME n. m. Encyclopedie Anarchiste de Sébastien Faure




Système philosophique qui prit corps dans la théorie de l'évolution, précisée par le célèbre naturaliste anglais Charles Robert Darwin (1809 son ouvrage sur L'Origine des espèces au moyen de la Sélection naturelle, Lamarck, le grand naturaliste français (1744-1829) avait déjà tenté de démontrer qu'il existait entre les diverses espèces animales et végétales, et entre les individus de ces espèces, une lutte constante pour la possession des substances ; le système de Lamarck ne fut pas écouté et lorsqu'en 1830 Etienne Geoffroy Saint Hilaire s'y rallia, il fut vaincu en Académie des Sciences par les arguments de Cuvier combattant l'hypothèse de Lamarck. Après Lamarck, mais avec une somme de matériaux beaucoup plus considérable, Darwin entreprit de démontrer que dans la bataille que se livrent les diverses espèces et les individus les composant, les plus forts, les plus vigoureux, les plus sains triomphent toujours et que les plus faibles sont éliminés par voie de « Sélection naturelle ». Il en résulte une transformation continuelle des espèces et des individus. S'appuyant sur de multiples observations, Darwin déclare que les espèces et les individus qui subissent des modifications consécutives à la bataille pour la vie (struggle for life) sont des éléments perfectionnés, puisque les autres disparaissent dans la mêlée. « La lutte constante pour l'existence détermine la conservation des déviations de structure ou d'instinct qui peuvent être avantageuses ». Si l'on prend au mot et à la lettre les théories issues des déductions darwiniennes on en arrive à conclure que les espèces et les individus vont se modifiant, se transformant et s'améliorant chaque jour. C'est du reste ainsi que conclut Darwin : « Comme toutes les formes actuelles de la vie descendent en ligne directe de celles qui vivaient longtemps avant l'époque cambrienne, nous pouvons être certains que la succession régulière des générations n'a jamais été interrompue et qu'aucun cataclysme n'a bouleversé le monde entier. Nous pouvons donc compter avec quelque confiance sur un avenir d'une incalculable longueur. Or, la Sélection Naturelle n'agit que pour le bien de chaque individu, toutes les qualités corporelles et intellectuelles doivent progresser vers la perfection ». Le darwinisme a donné naissance à diverses écoles rivales et particulièrement à celle des néo-lamarckiens et celle des néo-darwiniens. Le Dantec (1869-1917), l'éminent biologiste français, a tenté de concilier ces deux écoles en démontrant que Lamarck et Darwin n'étaient nullement opposés l'un à l'autre et que la vie des espèces et des individus était soumise à deux influences : l'hérédité et l'adaptation. C'est sur ce principe que repose le transformisme actuel. Bien des individus entraînés dans la lutte sociale se demandent quel intérêt présente pour les classes opprimées ces diverses écoles scientifiques, et si ce n'est pas une simple spéculation philosophique que de rechercher quelles sont les origines des espèces et la façon dont la vie s'est transmise à travers les siècles. Le darwinisme a exercé une très grosse influence non seulement dans le domaine scientifique mais aussi dans le domaine social, et ce serait une erreur de croire que la classe ouvrière n'est pas servie par les recherches et les découvertes des savants.En démontrant que « les êtres ont habité le globe dès une époque dont l'antiquité est incalculable, longtemps avant le dépôt des couches les plus anciennes du système cambrien » (Darwin, l'Origine des Espèces) c'est-à-dire depuis des centaines de milliers d'années, la science naturaliste a détruit la légende de la création du monde « puisque la vie ne peut être engendrée que par la vie ». Sur le terrain social nous ne pouvons certes pas partager entièrement l'optimisme du darwinisme. S'il est vrai que pour les espèces végétales et les espèces animales inférieures, la Sélection naturelle agit avantageusement et que la lutte pour l'existence élimine les individus tarés pour ne laisser subsister que les êtres forts ; d'autres facteurs entrent cependant en jeu surtout lorsqu'il s'agit des espèces supérieures et plus particulièrement de l'espèce humaine. L'espèce humaine, pas plus que les autres espèces, n'échappe au « struggle for life » et la lutte entre les divers individus de l'espèce humaine se poursuit sans cesse. Cette bataille pour l'existence est la source de l'évolution continuelle et ininterrompue de la race humaine, mais les hommes ne peuvent pas attendre simplement de la Sélection naturelle la perfection de l'espèce et de l'individu. L'homme combat pour sa vie contre les autres hommes et tous les facteurs qui déterminent ce combat nous portent à croire que les plus forts triompheront ; mais les plus forts ne sont pas forcément les meilleurs. Ce n'est pas physiquement que se manifestent 1a faiblesse des uns et la supériorité des autres. Les individus qui se trouvent en haut de l'échelle sociale, éduqués au grand livre de la science, profitent de tontes les découvertes, étudient tout ce qui peut être une arme utile dans le combat de géant que se livrent les individus de l'espèce humaine, tandis que ceux qui sont en bas de l'échelle sociale sortent à peine de l'ignorance, et subissent encore l'influence néfaste de leurs sentiments. Ce sont ces sentiments qu'il faut détruire pour n'être enfin conduit que par 1a raison. La Sélection naturelle est un cas du problème de l'Evolution ; elle a consolidé les principes, mais elle n'est pas tout et il faut tenir compte des autres facteurs. La perfection de l'homme ne sera réalisée quelorsque l'individu débarrassé de tout préjugé sera éclairé à la lumière de la science.
« Le raisonnement » nous dit Le Dantec « nous enseigne que la lutte est la grande loi, mais le raisonnement scientifique est incomplet ; il ne tient pas compte des vieilles erreurs qui sont peut-être ce que nous avons de meilleur en nous ; la dernière lutte dont nous devrions parler ici est la lutte du sentiment contre la raison » (Le Dantec, La lutte universelle). Le Dantec a raison il ne faut pas parler de la lutte du sentiment contre la raison, mais de celle de la raison contre le sentiment. Ce n'est que par le triomphe de la raison que l'espèce humaine et l'individu se transformeront, s'amélioreront et se perfectionneront.

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