Les
prêtres de l'Europe
Pour
restaurer les vertus viciées du vernis craquelé de la démocratie
formelle, une trêve sociale tacite s’impose. Toutes les forces
politiques institutionnalisées y souscrivent, espérant tromper
encore l’électorat. Le rituel des manifestations-processions s’est
donc interrompu et les mouvements revendicatifs doivent être
canalisés pour ne pas troubler le jeu de débats frelatés sans
enjeu. …N’en doutons pas, de piètres ténors de Droite et de
Gauche vont entonner les refrains usés d’une Europe de proximité,
mieux régulée, plus démocratique, sociale, voire écologique,
prouvant par là même qu’elle ne l’est pas. Difficile exercice
car désormais, en pleine crise, les classes populaires ont accumulé
une amère expérience. Pour tenter de réduire l’abstention
massive qui se dessine, les politiciens fustigeront leur manque de
civisme sans pouvoir les convaincre : jamais mandat n’a été donné
pour délocaliser les entreprises, privatiser les services publics,
démanteler le droit du travail, renflouer les banquiers et les
spéculateurs. Depuis belle lurette socio-libéraux et
libéraux-sociaux ont signé un pacte de connivence pour obéir aux
intérêts du capital libéralisé car, selon eux, il n’y a pas
d’autre alternative. Toutefois, lors des joutes médiatiques, ils
éviteront soigneusement de transgresser nombre de tabous: non
seulement la réalité d’un Parlement croupion, celle d’une
Commission nommée par les Gouvernements disposant de pratiquement
tous les pouvoirs, d’un Conseil européen des ministres entérinant
les directives qui lui sont soumises, d’une banque centrale
méprisant toute ingérence, bref, tout ce qui risque d’apparaître
comme une négation des principes démocratiques qu’ils proclament.
Mais surtout, derrière le paravent de la mascarade électorale,
doivent être occultés les acteurs réels, grands prêtres de la
bonne gouvernance, qui comme l’ERT (les 45 entreprises européennes
de taille mondiale), le TABD (multinationales), la Trilatérale, le
groupe Bildenberg … dictent leurs lois.
Soigneusement
organisés, ils commettent des milliers de lobbyistes qui hantent les
couloirs de la Commission et du Conseil, rédigent rapports et
directives1 complaisamment repris, génuflexions à l’appui. Le
socialiste P. Lamy était particulièrement obséquieux à cet égard
: «Nous ferons ce que nous avons à faire, d’autant plus
facilement que de votre côté, vous nous indiquerez vos priorités …
Nous allons faire notre travail sur la base de vos recommandations »
(le 20.10.99 à Berlin devant le TABD). C’était comme une réponse
à D. Rockfeller qui le 1.02.99 à la Trilatérale déclarait «La
souveraineté supranationale d’une élite intellectuelle et de
banquiers est préférable au principe d’autodétermination des
peuples». Voila qui est clair. Pour racoler un électorat en
déshérence nous aurons certes droit aux sempiternelles litanies :
«la Gauche, c’est mieux que la Droite», «la Droite c’est
plus sûr que la Gauche» pour que rien ne change, et pas de voix
pour affirmer: il faut détruire les institutions européennes
existantes pour ouvrir le chemin de l’émancipation sociale.
1)
Lire à ce sujet " Europe INC. Comment les transnationales
construisent l'Europe " Collectif - éd. Agone
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