dimanche 30 septembre 2018

APRES LE DARWINISME. Encyclopedie Anarchiste de Sébastien Faure


APRES LE DARWINISME. NEO-LAMARCKIENS ET NEODARWINIENS.
ESSOR DONNE AUX SCIENCES BIOLOGIQUES.

Tandis que les adversaires du darwinisme continuaient leur lutte à outrance contre les théories évolutionnistes, leur opposant des arguments sentimentaux ou pseudo-scientifiques, les savants sérieux tiraient du système toutes ses conséquences, y adhéraient sans restriction ou le modifiaient et le rectifiaient. Lamarck avait encore ses partisans, restés fidèles à l'influence du milieu, tandis que les disciples de Darwin ne juraient que par la sélection naturelle. D'autres savants tentèrent de concilier les deux tendances. Le darwinisme, en créant de nouveaux courants d'idées, avait bien mérité de la science. Pour les néo-darwiniens, l'action du milieu sur l'organisme fut rejeté. Le représentant le plus « absolu » de cette tendance fut Weissmann. Weissmann niait l'hérédité des caractères acquis. Il écrivit dans ce but un ouvrage sur la « Toute-puissance de la sélection naturelle ». Un dogme scientifique en remplaçait un autre! Weissmann fit, par la suite, des concessions et atténua la rigueur de son système. Il y laissa filtrer l'idée lamarckienne de l'influence du milieu, en la rattachant à la lutte pour l'existence et à la sélection dont l'action restait primordiale. Darwin avait reconnu lui-même l'erreur qu'il avait faite en ne tenant pas suffisamment compte de l'action du milieu. L'étude de ce que Weissmann appelle « le plasma germinatif » nous entraînerait trop loin. Bornons-nous à rappeler que, d'après Weissmann, chacun de nous possède le plasma germinatif de ses parents, de ses grands-parents et de tous ses ancêtres dans ses cellules sexuelles : l'hérédité s'expliquerait par la transmission de ces plasmas ancestraux. La théorie Weismanienne ou sélection germinale a été critiquée par Yves Delage. Le néo-darwinien Weissmann, qui s'est souvent contredit, n'a pas réussi, avec sa théorie des biophores, à nous donner une explication suffisante de la variation et de l'hérédité. Une mise au point du darwinisme s'est accomplie et, entre les deux écoles transformistes des néo-lamarckiens, fidèles aux principes exposés dans la Philosophie zoologique, et pour lesquels les variations des espèces ne sont point dues au hasard, et les néo-darwiniens, qui prétendent qu'elles sont fortuites,
un terrain d'entente est possible. Les darwiniens expliquant tant par la sélection naturelle, les lamarckiens par l'influence du milieu, quelles que soient les divergences de vues qui les séparent, n'en ont pas moins servi grandement le progrès des sciences biologiques. En effet, depuis Darwin, que de recherches ont été faites, dans un sens ou dans l'autre, dans la voie qu'il a ouverte! Des correctifs ont été apportés aux théories darwiniennes par De Vries avec sa théorie de la pangénèse et des mutations brusques ; par Naegeli, avec ses micelles ; par Galton, avec son « retour à la moyenne » ; par le moine Mendel, qui distingua parmi les caractères hérités des caractères dominants et des caractères récessifs ; par W. Roux, qui a montré le rôle de l'excitation fonctionnelle ; par Chauveaud, qui a appliqué aux plantes la loi de Fr. Muller ; par Delage, et ses « causes actuelles » ; par Le Dantec, élève de Giard, qui part de la chimie pour démontrer l'évolution. Combien d'autres, partis de Darwin, ont développé les idées transformistes : Cape, Correns, Baldwin, Osborn, Packard, Depéret, Raphaël Dubois, Korschinsky, Edmond et Rémy Perrier, Houssay, Cuénot, Henneguy, I. Loeb, G. Bohn, Le Duc, Herrera, Roule, Bataillon, Dastre, Rabaud, Quinton, Albert Mary, Matisse, Anglas, Becquerel, etc. ... Noble phalange de travailleurs, qui nous repose des agités de la politique.
« La notion d'évolution, écrit Yves Delage, est devenue une des généralisations les plus vastes - sinon la plus vaste - de notre temps ; elle dépasse de beaucoup les limites des sciences au sein desquelles elle a surgi et embrasse tout l'ensemble des conceptions humaines, jusqu'aux problèmes philosophiques les plus obscurs et les plus difficiles ». On voit combien le darwinisme a servi le progrès des sciences et de l'esprit humain. La doctrine de l'évolution s'est étendue à toutes les sciences : la méthode historique et sociologique a remplacé la méthode déductive, ontologique, dogmatique. Elle a permis d'expliquer l'histoire, le langage, les moeurs, les religions, les morales, les institutions, les lois, les arts et les littératures. On connaît l'application, plus ou moins juste il est vrai, que Brunetière en fit à la critique chargée de décrire « l'évolution des genres ». Brunetière essayait à sa manière d'appliquer à l'étude de la littérature les méthodes de l'histoire naturelle, voie dans laquelle Taine s'était engagé à la suite de Sainte-Beuve, dont les précurseurs étaient Mme de Staël, De Bonald, avec leur formule : « L'art est l'expression de la Société ». L'influence du milieu dans les arts avait été constatée par Cousin, Chateaubriand, Montesquieu, Fontenelle, Saint-Evremond, Dubos, etc. ... La méthode évolutionniste (influence du milieu et concurrence vitale) a renouvelé la philosophie : la psychologie (travaux de Ribot) et la sociologie s'en sont inspirées, autant que l'esthétique, qui tient de ces deux disciplines.

Aucun commentaire: