APRES
LE DARWINISME. NEO-LAMARCKIENS ET NEODARWINIENS.
ESSOR
DONNE AUX SCIENCES BIOLOGIQUES.
Tandis
que les adversaires du darwinisme continuaient leur lutte à outrance
contre les théories évolutionnistes, leur opposant des arguments
sentimentaux ou pseudo-scientifiques, les savants sérieux tiraient
du système toutes ses conséquences, y adhéraient sans restriction
ou le modifiaient et le rectifiaient. Lamarck avait encore ses
partisans, restés fidèles à l'influence du milieu, tandis que les
disciples de Darwin ne juraient que par la sélection naturelle.
D'autres savants tentèrent de concilier les deux tendances. Le
darwinisme, en créant de nouveaux courants d'idées, avait bien
mérité de la science. Pour les néo-darwiniens, l'action du milieu
sur l'organisme fut rejeté. Le représentant le plus « absolu » de
cette tendance fut Weissmann. Weissmann niait l'hérédité des
caractères acquis. Il écrivit dans ce but un ouvrage sur la «
Toute-puissance de la sélection naturelle ». Un dogme scientifique
en remplaçait un autre! Weissmann fit, par la suite, des concessions
et atténua la rigueur de son système. Il y laissa filtrer l'idée
lamarckienne de l'influence du milieu, en la rattachant à la lutte
pour l'existence et à la sélection dont l'action restait
primordiale. Darwin avait reconnu lui-même l'erreur qu'il avait
faite en ne tenant pas suffisamment compte de l'action du milieu.
L'étude de ce que Weissmann appelle « le plasma germinatif » nous
entraînerait trop loin. Bornons-nous à rappeler que, d'après
Weissmann, chacun de nous possède le plasma germinatif de ses
parents, de ses grands-parents et de tous ses ancêtres dans ses
cellules sexuelles : l'hérédité s'expliquerait par la transmission
de ces plasmas ancestraux. La théorie Weismanienne ou sélection
germinale a été critiquée par Yves Delage. Le néo-darwinien
Weissmann, qui s'est souvent contredit, n'a pas réussi, avec sa
théorie des biophores, à nous donner une explication suffisante de
la variation et de l'hérédité. Une mise au point du darwinisme
s'est accomplie et, entre les deux écoles transformistes des
néo-lamarckiens, fidèles aux principes exposés dans la Philosophie
zoologique, et pour lesquels les variations des espèces ne sont
point dues au hasard, et les néo-darwiniens, qui prétendent
qu'elles sont fortuites,
un
terrain d'entente est possible. Les darwiniens expliquant tant par la
sélection naturelle, les lamarckiens par l'influence du milieu,
quelles que soient les divergences de vues qui les séparent, n'en
ont pas moins servi grandement le progrès des sciences biologiques.
En effet, depuis Darwin, que de recherches ont été faites, dans un
sens ou dans l'autre, dans la voie qu'il a ouverte! Des correctifs
ont été apportés aux théories darwiniennes par De Vries avec sa
théorie de la pangénèse et des mutations brusques ; par Naegeli,
avec ses micelles ; par Galton, avec son « retour à la moyenne » ;
par le moine Mendel, qui distingua parmi les caractères hérités
des caractères dominants et des caractères récessifs ; par W.
Roux, qui a montré le rôle de l'excitation fonctionnelle ; par
Chauveaud, qui a appliqué aux plantes la loi de Fr. Muller ; par
Delage, et ses « causes actuelles » ; par Le Dantec, élève de
Giard, qui part de la chimie pour démontrer l'évolution. Combien
d'autres, partis de Darwin, ont développé les idées transformistes
: Cape, Correns, Baldwin, Osborn, Packard, Depéret, Raphaël Dubois,
Korschinsky, Edmond et Rémy Perrier, Houssay, Cuénot, Henneguy, I.
Loeb, G. Bohn, Le Duc, Herrera, Roule, Bataillon, Dastre, Rabaud,
Quinton, Albert Mary, Matisse, Anglas, Becquerel, etc. ... Noble
phalange de travailleurs, qui nous repose des agités de la
politique.
«
La notion d'évolution, écrit Yves Delage, est devenue une des
généralisations les plus vastes - sinon la plus vaste - de notre
temps ; elle dépasse de beaucoup les limites des sciences au sein
desquelles elle a surgi et embrasse tout l'ensemble des conceptions
humaines, jusqu'aux problèmes philosophiques les plus obscurs et les
plus difficiles ». On voit combien le darwinisme a servi le progrès
des sciences et de l'esprit humain. La doctrine de l'évolution s'est
étendue à toutes les sciences : la méthode historique et
sociologique a remplacé la méthode déductive, ontologique,
dogmatique. Elle a permis d'expliquer l'histoire, le langage, les
moeurs, les religions, les morales, les institutions, les lois, les
arts et les littératures. On connaît l'application, plus ou moins
juste il est vrai, que Brunetière en fit à la critique chargée de
décrire « l'évolution des genres ». Brunetière essayait à sa
manière d'appliquer à l'étude de la littérature les méthodes de
l'histoire naturelle, voie dans laquelle Taine s'était engagé à la
suite de Sainte-Beuve, dont les précurseurs étaient Mme de Staël,
De Bonald, avec leur formule : « L'art est l'expression de la
Société ». L'influence du milieu dans les arts avait été
constatée par Cousin, Chateaubriand, Montesquieu, Fontenelle,
Saint-Evremond, Dubos, etc. ... La méthode évolutionniste
(influence du milieu et concurrence vitale) a renouvelé la
philosophie : la psychologie (travaux de Ribot) et la sociologie s'en
sont inspirées, autant que l'esthétique, qui tient de ces deux
disciplines.
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