ORDRE
Depuis
quelques jours, il règne une grande confusion dans certains
arrondissements ; on dirait que des gens payés par Versailles
prennent à tâche :
1°
de fatiguer la garde nationale ;
2°
de la désorganiser.
On
fait battre la générale pendant la nuit.
On
bat le rappel à tort et à travers. En sorte que personne ne sachant
plus auquel entendre, on ne se dérange même plus, et cette
puissante institution, cette armée, espoir et salut du peuple, est à
la veille de sombrer sous son triomphe. Un tel état de choses ne
saurait subsister plus longtemps. En conséquence, j’invite tous
les bons citoyens à se pénétrer des instructions suivantes : La
générale ne sera battue que sur mon ordre ou celui de la commission
exécutive, et dans le cas seul de prise d’armes générale.
Le
rappel ne sera battu, dans les arrondissements que par ordre de la
place, et pour la réunion d’un certain nombre de bataillons
commandés pour un service spécial.
Ce
n’est pas tout : malgré mes ordres formels, une canonnade
incessante diminue nos provisions, fatigue la population, irrite les
esprits et amène d’un côté la fatigue, de l’autre la colère
et la passion.
En
sorte que cette Révolution si grande, si belle et si pacifique,
pourrait devenir violente, c’est-à-dire faible.
Nous
sommes forts ; restons calmes ! Cet état de choses est dû en
parties à des chefs militaires trop jeunes et surtout faibles pour
résister à la pression populaire. L’homme du devoir ne connaît
que sa conscience et méprise la popularité. Je réitère l’ordre
d’avoir à se tenir sur la plus stricte défensive, et à ne pas
jouer le jeu de nos adversaires, en gaspillant et nos munitions et
nos forces, et surtout la vie de ces grands citoyens, enfants du
peuple, qui ont fait la Révolution actuelle.
Quand
le bruit aura cessé, que le calme de la rue aura passé dans les
esprits, nous serons beaucoup plus aptes à perfectionner notre
organisation, d’où dépend notre avenir.
En
attendant, citoyens, laissons de côté ces petites rivalités,
toutes ces personnalités mesquines, qui tendent à désunir ce
magnifique faisceau populaire formé par la communauté de la
souffrance. Si nous voulons vaincre, il faut être unis. Et quel plus
beau, plus simple et plus noble lien que celui de la fraternité des
armes au service de la justice !
Formez
vite vos compagnies de guerre, ou plutôt complétez-les, car elles
existent déjà.
De
dix-sept à dix-neuf ans, le service est facultatif ; de dix-neuf à
quarante ans, il est obligatoire, marié ou non. Faites entre vous la
police patriotique, forcez les lâches à marcher sous votre oeil
vigilant.
Aussitôt
que quater compagnies, formant au minimum un effectif de 500 hommes,
seront constituées, que son chef de bataillon demande à la place un
casernement. En caserne ou au camp, son organisation s’achèvera
rapidement, et alors tout ce trouble, toute cette confusion
s’évanouiront au souffle puissant de la victoire.
Danton
demandait à nos pères de l’audace, encore de l’audace, toujours
de l’audace ; je vous demande de l’ordre, de la discipline, du
calme et de la patience : l’audace alors sera facile. En ce moment,
elle est coupable et ridicule.
Paris,
le 8 avril 1871.
Le
délégué à la guerre,
E.
CLUSERET
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