dimanche 17 juin 2018

Gustave Le Bon Psychologie des foules


« Il était donc nécessaire de montrer comment le système actuel l'a façonnée , et comment la masse des indifférents et des neutres est devenue progressivement une immense armée de mécontents, prête à obéir à toutes les suggestions des utopistes et des rhéteurs. C'est à l'école que se forment aujourd'hui les socialistes et les anarchistes et que se préparent pour les peuples latins les heures prochaines de décadence ».

« La puissances des mots est liée aux images qu'ils évoquent et tout à fait indépendante de leur signification réelle. Ce sont parfois ceux dont le sens est le plus mal défini qui possèdent le plus d'action. Tels par exemple, les termes : démocratie, socialisme, égalité, liberté etc,...dont le sens est si vague que de gros volumes ne suffisent pas à le préciser.Et pourtant il est certain qu'une puissance vraiment magique s'attache à leurs brèves syllabes, comme si elles contenaient la solution de tous les problèmes. Ils synthétisent les aspirations inconscientes les plus diverses et l'espoir de leur réalisation.
La raison et les arguments ne sauraient lutter contre certains mots et certaines formules. On les prononce avec recueillement devant les foules ; et, dès qu'ils ont été prononcés, les visages deviennent respectueux et les fronts s'inclinent. Beaucoup les considèrent comme des forces de la nature, des puissances surnaturelles. Ils évoquent dans les âmes des images grandioses et vagues, mais le vague même qui les estompe augmente leur mystérieuse puissance. Ils sont les divinités mystérieuses cachées derrière le tabernacle et dont le dévot ne s'approche qu'en tremblant. »

« Les mots n'ont donc que des significations mobiles et transitoires, changeantes d'âge en âge et de peuple à peuple ; et, quand nous voulons agir par eux, sur la foule, ce qu'il faut savoir, c'est le sens qu'ils ont pour elle à un moment donné , et non celui qu'ils eurent jadis et qu'ils peuvent avoir pour des individus de constitution mentale différente ».

« Si l'on détruisait, dans les musées et les bibliothèques, et que l'on fit écrouler , sur les dalles des parvis , toutes les œuvres et tous les monuments d'art qu'ont inspirés les religions, que resterait-il des grands rêves humains ? Donner aux hommes la part d'espoir et d'illusion sans laquelle ils ne peuvent exister , telle est la raison d'être des dieux, des héros et des poètes. Pendant cinquante ans , le science parut assumer cette tâche. Mais ce qui l'a compromise dans les cœurs affamés d'idéal, c'est qu'elle n'ose plus assez promettre et qu'elle ne sait pas assez mentir ».

« Le grand facteur de l'évolution des peuples n'a jamais été la vérité, mais bien l'erreur. Et si le socialisme est si puissant aujourd'hui, c'est qu'il constitue la seule illusion qui soit vivante encore. Malgré toutes les démonstrations scierntifiques, il continue à grandir. Sa principale force est d'être défendu par des esprits ignorant assez les réalités des choses pour oser promettre hardiment à l'homme le bonheur. L'illusion sociale règne aujourd'hui sur toutes les ruines amoncelées du passé, et l'avenir lui appartient. Les foules n'ont jamais eu soif des vérités. Devant les évidences qui leur déplaisent, elles se détournent, préférant déifier l'erreur, si l'erreur les séduit. Qui sait les illusionner est aisément leur maître, qui tente de les désillusionner est toujours leur victime ».

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