dimanche 24 juin 2018

Gustave Le Bon Psychologie des foules


« Dans toutes les sphères sociales, des plus hautes aux plus basses, dès que l'homme n'est plus isolé, il tombe bientôt sous la loi d'un meneur. La plupart des hommes, dans les masses populaires surtout, ne possèdent, en dehors de leur spécialité, d'idée nette et raisonnée sur quoi que ce soit. »

« L'affirmation pure et simple, dégagée de tout raisonnement et de toute preuve, est un des plus sûrs moyens de faire pénétrer une idée dans l'esprit des foules. Plus l'affirmation est concise, plus elle est dépourvue de toute apparence de preuves et de démonstration, plus elle a d'autorité. Les livres religieux et les codes de tous les âges ont toujours procédé par simple affirmation. Les hommes d’État appelés à défendre une cause politique quelconque, les industriels propageant leurs produits par l'annonce, savent la valeur de l'affirmation. »

« C'est précisément pour cette raison que les hommes trop supérieurs à leur époque n'ont généralement aucune influence sur elle. L'écart est trop grand. »

« Il est très facile d'établir une opinion passagère dans l'âme des foules, mais il est très difficile d'y établir une croyance durable. Il est également for difficile de détruire cette dernière lorsqu'elle a été établie. Ce n'est, le plus souvent, qu'au prix de révolution violentes qu'on peut la changer. Les révolutions n'ont même ce pouvoir que lorsque la croyance a perdu presque entièrement son empire sur les âmes. Les révolutions servent alors à balayer finalement ce qui était à peu près abandonné déjà, mais ce que le joug de la coutume empêchait d'abandonner entièrement. Les révolutions qui commencent sont en réalité des croyances qui finissent. »

« Dès qu'un dogme nouveau est implanté dans l'âme des foules, il devient l'inspirateur de ses institutions, de ses arts et de sa conduite. L'empire qu'il exerce alors sur les âmes est absolu. Les hommes d'action ne songent qu'à le réaliser, les législateurs ne font que l'appliquer, les philosophes, les artistes, les littérateurs ne sont préoccupés que de le traduire sous des formes diverses. »

« Les journaux ont tellement conscience de l'inutilité de tout ce qui est critique ou opinions personnelle, qu'ils ont progressivement supprimé les critiques littéraires, se bornant à donner le titre du livre avec deux ou trois lignes de réclame, et, dans vingt ans, il en sera probablement de même pour la critique théâtrale. »

« Cette absence totale de direction de l'opinion, et en mêmed temps la dissolution des croyances générales, ont eu pour résultat final un émiettement complet de toutes les convictions, et l'indifférence croissante des foules pour ce qui ne touche pas nettement leurs intérêts immédiats. »
«Impitoyables aux crimes qui semblent pouvoir les atteindre – et qui sont précisément d'ailleurs les plus redoutables pour la société – les jurés sont au contraire très indulgents pour les crimes dits passionnels. Ils ont rarement sévères pour l'infanticide des filles-mères, ni bien durs pour la fille abandonnée qui vitriolise un peu son séducteur, sentant fort bien d'instinct que ces crimes-là sont peu dangereux pour la société, et que dans un pays où la loi ne protège pas les filles abandonnées, le crime de celle qui se venge est plus utile que nuisible, en intimidant d'avances les futures séducteurs. »

« Mais comment peuvent-ils oublier que ces erreurs tant reprochées au jury, ce sont des juges qui les ont d'abord commises, et qu, quand l'accusé arrive devant le jury, iul été considéré comme coupable par plusieurs magistrats : le juge d'instruction, le procureur de la république et la chambre des mises en accusation. Et ne voit-on pas alors que, si l'accusé était définitivement jugé par des magistrats au lieu de l'être par des jurés, il perdrait sa seule chance d'être reconnu innocent. »

« Le programme écrit du candidat ne doit pas être trop catégorique, parce que ses adversaires pourraient le lui opposer plus tard, mais son programme verbal ne saurait être trop excessif. Les réformes les plus considérables peuvent être promises sans crainte. Sur le moment, ces exagérations produisent beaucoup d'effet, et pour l'avenir elles n'engagent en rien. Il est d'observation constante, en effet, que l'électeur ne s'est jamais préoccupé de savoir jusqu'à quel point l'élu a suivi la profession de foi acclamée, et sur laquelle l'élection est supposée avoir eu lieu. »

« Les radicaux avaient découvert qu'une république unitaire est une monarchie déguisée, et , pour leur faire plaisir, les Cortès avaient proclamé d'une seule voix la république fédérale sans qu'aucun des votants eût pu dire ce qui venait d'être voté. Mais cette formule enchantait tout le monde, c'étaient une ivresse, un délire. On venait d'inaugurer sur la terre le règne de la vertu et du bonheur. Un républicain, à qui son ennemi refusait le titre de fédéral, s'en offensait comme une mortelle injure. On s'abordait dans les rues en se disant : Salud y republica fédéral : Après quoi on entonnait des hymnes à la sainte indiscipline et à l'autonomie du soldat. »

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