« Dans toutes les sphères sociales, des plus
hautes aux plus basses, dès que l'homme n'est plus isolé, il tombe
bientôt sous la loi d'un meneur. La plupart des hommes, dans les
masses populaires surtout, ne possèdent, en dehors de leur
spécialité, d'idée nette et raisonnée sur quoi que ce soit. »
« L'affirmation pure et simple, dégagée de tout
raisonnement et de toute preuve, est un des plus sûrs moyens de
faire pénétrer une idée dans l'esprit des foules. Plus
l'affirmation est concise, plus elle est dépourvue de toute
apparence de preuves et de démonstration, plus elle a d'autorité.
Les livres religieux et les codes de tous les âges ont toujours
procédé par simple affirmation. Les hommes d’État appelés à
défendre une cause politique quelconque, les industriels propageant
leurs produits par l'annonce, savent la valeur de l'affirmation. »
« C'est précisément pour cette raison que les
hommes trop supérieurs à leur époque n'ont généralement aucune
influence sur elle. L'écart est trop grand. »
« Il est très facile d'établir une opinion
passagère dans l'âme des foules, mais il est très difficile d'y
établir une croyance durable. Il est également for difficile de
détruire cette dernière lorsqu'elle a été établie. Ce n'est, le
plus souvent, qu'au prix de révolution violentes qu'on peut la
changer. Les révolutions n'ont même ce pouvoir que lorsque la
croyance a perdu presque entièrement son empire sur les âmes. Les
révolutions servent alors à balayer finalement ce qui était à peu
près abandonné déjà, mais ce que le joug de la coutume empêchait
d'abandonner entièrement. Les révolutions qui commencent sont en
réalité des croyances qui finissent. »
« Dès qu'un dogme nouveau est implanté dans
l'âme des foules, il devient l'inspirateur de ses institutions, de
ses arts et de sa conduite. L'empire qu'il exerce alors sur les âmes
est absolu. Les hommes d'action ne songent qu'à le réaliser, les
législateurs ne font que l'appliquer, les philosophes, les artistes,
les littérateurs ne sont préoccupés que de le traduire sous des
formes diverses. »
« Les journaux ont tellement conscience de
l'inutilité de tout ce qui est critique ou opinions personnelle,
qu'ils ont progressivement supprimé les critiques littéraires, se
bornant à donner le titre du livre avec deux ou trois lignes de
réclame, et, dans vingt ans, il en sera probablement de même pour
la critique théâtrale. »
« Cette absence totale de direction de l'opinion,
et en mêmed temps la dissolution des croyances générales, ont eu
pour résultat final un émiettement complet de toutes les
convictions, et l'indifférence croissante des foules pour ce qui ne
touche pas nettement leurs intérêts immédiats. »
«Impitoyables aux crimes qui semblent pouvoir les
atteindre – et qui sont précisément d'ailleurs les plus
redoutables pour la société – les jurés sont au contraire très
indulgents pour les crimes dits passionnels. Ils ont rarement sévères
pour l'infanticide des filles-mères, ni bien durs pour la fille
abandonnée qui vitriolise un peu son séducteur, sentant fort bien
d'instinct que ces crimes-là sont peu dangereux pour la société,
et que dans un pays où la loi ne protège pas les filles
abandonnées, le crime de celle qui se venge est plus utile que
nuisible, en intimidant d'avances les futures séducteurs. »
« Mais comment peuvent-ils oublier que ces erreurs
tant reprochées au jury, ce sont des juges qui les ont d'abord
commises, et qu, quand l'accusé arrive devant le jury, iul été
considéré comme coupable par plusieurs magistrats : le juge
d'instruction, le procureur de la république et la chambre des mises
en accusation. Et ne voit-on pas alors que, si l'accusé était
définitivement jugé par des magistrats au lieu de l'être par des
jurés, il perdrait sa seule chance d'être reconnu innocent. »
« Le programme écrit du candidat ne doit pas être
trop catégorique, parce que ses adversaires pourraient le lui
opposer plus tard, mais son programme verbal ne saurait être trop
excessif. Les réformes les plus considérables peuvent être
promises sans crainte. Sur le moment, ces exagérations produisent
beaucoup d'effet, et pour l'avenir elles n'engagent en rien. Il est
d'observation constante, en effet, que l'électeur ne s'est jamais
préoccupé de savoir jusqu'à quel point l'élu a suivi la
profession de foi acclamée, et sur laquelle l'élection est supposée
avoir eu lieu. »
« Les radicaux avaient découvert qu'une
république unitaire est une monarchie déguisée, et , pour leur
faire plaisir, les Cortès avaient proclamé d'une seule voix la
république fédérale sans qu'aucun des votants eût pu dire ce qui
venait d'être voté. Mais cette formule enchantait tout le monde,
c'étaient une ivresse, un délire. On venait d'inaugurer sur la
terre le règne de la vertu et du bonheur. Un républicain, à qui
son ennemi refusait le titre de fédéral, s'en offensait comme une
mortelle injure. On s'abordait dans les rues en se disant :
Salud y republica fédéral : Après quoi on entonnait
des hymnes à la sainte indiscipline et à l'autonomie du soldat. »
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