« Dans le domaine du
droit, qui régit de nombreuses sphères du monde moderne, Francine
Demichel précise que ce qui n'est pas nommé n'existe pas, et
qu'alors, l'assimilation revient à une annihilation. « Les
hommes naissent libres et égaux en droit », précise la
déclaration universelle, ce qui fait de la femme un « homme »
juridique. Et si en droit, nommer équivaut à faire exister ( « en
droit, dire c'est faire », précise Demichel), l'homme est
un être juridique à part entière. A l'inverse, la femme ne peut
pénétrer le droit qu'en entrant par la porte du masculin.
Le langage de tous les jours
renvoie constamment les femmes à leur infériorité. Même si l'on
dit « madame le docteur », on entérine le fait que ce
statut est par excellence exceptionnel et temporaire. Le langage
conditionne à chaque instant notre manière de percevoir le monde et
nous conditionne à voir les choses telles qu'on les décrit. Il est
incroyable de constater qu'on ait parlé de suffrage universel alors
que les femmes n'avaient pas le droit de vote ( obtenu en 1944). On
comprend alors l'anthropologue Maurice Godelier qui considère le
pouvoir politique comme la capacité à dominer les autres en parlant
en leur nom.
C'est au moment même où
l'égalité entre deux groupes présentés comme différents est
affirmée, que l'inégalité s'actualise. Lorsque l'on affirme la
différence, on ne fait rien d'autre qu'inciter à des différences
de traitement. Ce mécanisme typique du racisme différentialiste,
qui consiste à présenter deux groupes comme fondamentalement
différents, permet de justifier l'impossibilité d'accorder des
droits identiques. De plus, l'un des deux groupes est toujours plus
« différent » que l'autre ( la différence étant la
distance qui sépare chaque groupe du modèle dominant, blanc,
masculin, occidental, riche...) . Si le modèle de la personne
humaine est indexé sur le modèle masculin, la femme est vouée à
n'être qu'un cas spécifique méritant des traitements spécifiques.
La construction des catégories de sexe se fait donc aussi au travers
de l'affirmation de l'égalité dans la différence. »
« On peut alors définir
le genre comme un produit sociocognitif, lié aux idéologies
relatives à la féminité et à la masculinité, participant
elles-mêmes au maintien d'un ordre social donné. Autrement dit, on
peut très bien s'affirmer contre le sexisme, sans que cela n'influe
sur nos comportements, ceux-ci étant régis par l'activation de
stéréotypes qui façonnent notre rapport au monde.Aucun antisexisme
n'est imaginable sans une remise en question de ses propres
représentations. »
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