samedi 2 juin 2018

Journal de la Commune


CITOYENS,

Aujourd’hui, il nous a été donné d’assister au spectacle populaire le plus grandiose qui ait jamais ému nos âmes : Paris saluait, acclamait sa Révolution ; Paris ouvrait à une page blanche le livre de l’histoire et y inscrivait son nom puissant. Deux cent mille homme libres sont venus affirmer leur liberté et proclamer au bruit du canon l’institution nouvelle. Que les espions de Versailles, qui rôdent autour de nos murs, aillent dire à leurs maîtres quelles sont les vibrations qui sortent de la poitrine d’une population tout entière, comme elles emplissent la cité et franchissent les murailles ; que ces espions, glissés dans nos rangs, leur rapportent l’image de ce spectacle grandiose d’un peuple reprenant sa souveraineté, et, sublime ambitieux, le faisant en criant ces mots :
Mourir pour la Patrie !

CITOYENS,

Nous venons de remettre en vos mains l’oeuvre que vous nous avez chargés d’établir, et, à ce dernier moment de notre éphémère pouvoir, avant de rentrer définitivement dans les attribution du Comité de la garde nationale, attributions d’où les événements nous avaient fait sortir, nous voulons vous dire un mot de remerciement.
Aidés dans notre tâche par votre admirable patriotisme et par votre sagesse, nous avons, sans violence, mais sans faiblesse, accompli les clauses de notre mandat. Entravés dans notre marche par la loyauté qui nous interdisait de faire acte de gouvernement, nous avons néanmoins pu, en nous appuyant sur vous, préparer en huit jours une révolution radicale. Nos actes vous sont connus, et c’est avec l’orgueil du devoir accompli que nous nous soumettons à votre jugement. Mais avant de passer nous-mêmes au tribunal de votre opinion, nous voulons dire que rien n’a été fait en bien que par vous ; nous voulons proclamer bien haut que, maître absolu et légitime, vous avez affirmé votre force surtout par votre générosité, et que, si vous avez réclamé et imposé les revendications, vous n’avez jamais usé de représailles.
La France, coupable de vingt années de faiblesse, a besoin de se régénérer des tyrannies et des mollesses passées par une liberté calme et par un travail assidu. Votre liberté, les élus d’aujourd’hui la garantiront avec énergie, la consacreront à tout jamais : le travail dépend de vous seuls ; les rédemptions sont personnelles. Groupez-vous donc avec confiance autour de votre Commune, facilitez ses travaux en vous prêtant aux réformes indispensables ; frères entre vous, laissez-vous guider par des frères ; marchez dans la voie de l’avenir avec fermeté, avec vaillance ; prêchez d’exemple en prouvant la valeur de la liberté, et vous arriverez sûrement au but prochain :

La République universelle.
Hôtel-de-Ville de Paris, 28 mars 1871.
Les membres du Comité central :
AVOINE FILS, ANT. ARNAUD, G. ARNOLD, ASSI, ANDIGNOUX, BOUIT, JULES BERGERET, BABICK, BAROUD, BILLIORAY, BLANCHET, L. BOURSIER, CASTIONI, CHOUTEAU, C. DUPONT, FABRE, FERRAT, HENRY FORTUNÉ, FLEURY, FOUGERET, C. GAUDIER, GOUHIER, H. GERESME, GROLARD, GROLIER, JOURDE, JOSSELIN, LAVALETTE, MALJOURNAL, ED. MOREAU, MORTIER, PRUDHOMME, ROUSSEAU, RANVIER, VARLIN, A.
DU CAMP.

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