samedi 16 juin 2018

Ligne N°55 Extraits




Jerôme Lèbre : Suite et de la cinquième république »


« Quant aux militants d' En Marche, qui s’étaient tant consacrés à l'élection de leur candidat sans penser qu'elle supposait quelques volontaires pour tenir les urnes, ils donnaient déjà l'image de ce que seraient les députés de leur mouvement : un certain nombre d'opportunistes dont il ne faut rien attendre, allié à un grand nombre d'individus initiés au pouvoir par la soumissions à un chef, dont il ne faut pas attendre qu'elle donne l'idée des exigences de l'engagement politique comme du fonctionnement de la République. »

« En ce sens le « dégagisme » à la française est plutôt l'affirmation d'une grande continuité, et ne sera arrivé qu'à faire dégager la vie politique elle-même. A moins qu'il ne concerne directement le chef de l'état, ce qui impliquerait une vraie révolution assez peu probable, il s'avère que le « dégagisme » est dans la V° république du ressort unique du chef de l'état : lui seul nomme et destitue, donne sa souveraineté par délégation ou la retire. Ce pouvoir n'appartient au Parlement qu'en théorie, une théorie si verrouillée qu'il devient difficile de présenter la V° république comme un régime parlementaire. Il en découle que les ministres, bien loin d'être de simples exécutants, non élus, sont de petits souverains régnant sur leur ministère et qui, même destitués, gardent un statut de présidentiables. D'où l'écrasante majorité des ministres ou ex-ministres aux primaires du PS comme du PR. Si Mélenchon, lui-même ex-ministre, a pu parler de dégagisme au moment où Valls perdait les primaires au bénéfice de Hamon, ce vote n'a jamais fait qu'avantager un ministre sur un autre. Dans ce contexte il devient difficilement compréhensible que l'on crie au miracle ou au génie devant l' « ascension » de Macron : le passage du poste de ministre de l’économie au poste de président de la République est à peine une ascension dans un pays où la plus importante élection consiste aujourd'hui à convoquer le peuple pour choisir l'un de ceux qu'avait nommés, à un moment ou un autre, le président de la République. Les électeurs n'ont-ils pas tout de même « dégagé » les élus trop installés au Parlement au bénéfice de « nouvelles têtes » ? Mais pour cela, il aurait déjà fallu qu'ils se déplacent ; ensuite la minorité qui s'est déplacée n'a jamais fait que dégager ce qu'il restait de vie politique à l'Assemblée, donnant la majorité à un groupe amorphe entièrement voué a u ministre élu. A aucun moment ne s'est produit ce que recherche le dégagisme, une vacance du pouvoir, une souveraineté vide qui permettrait à tous de se demander si la souveraineté n'est pas fondamentalement cela, une place vide, si elle n'est pas tout simplement et fondamentalement rien. La cinquième République est saturée de figures souveraines placées devant ce rien.

Toutes les formes de régime autoritaire conviennent au « libéralisme » économique, parce qu'elles assurent l'ordre et la surveillance policière indispensables à la libre circulation des flux financiers et répriment les résistances dues aux inégalités sociales. La V° République a été conçue pour lui convenir, elle a donc le soutien sans failles de puissances économiques qui la dépassent largement. A chaque élection, celles-ci répartissent ce soutien ( n'insistons pas sur le fait qu'il est alors aussi en grande partie celui de la presse )entre les candidats qui assureront le maintien de l'institution et la continuation à l'identique du « destin de la France ». C'est pourquoi la campagne désastreuse de Fillon ne lui a fait perdre que peu de voix, comparée à celle de Hamon, moins désastreuse mais aussi compliquée. L'idée qui n'est pourtant pas neuve ni révolutionnaire de l'instauration progressive d'un revenu universel et d'une taxe sur l'automatisation, puisque les machines autonomes se substituent au travail, le projet de changer de République, voilà des points parmi d'autres du programme de Hamon qui le rendaient inacceptable par les structures habituelles du pouvoir économique ou politique ( PS compris ) et ne pouvaient être relayés correctement par la presse. »

« Un immense effort pour réélaborer un programme de gauche visant à restructurer la société non plus en fonction de la répartition du travail, devenue impossible, mais de la répartition des revenus, tout en repensant le temps libre et le transition écologique ; un effort tout aussi grand pour appuyer un programme de gauche sur toutes les générations et toutes les catégories sociales françaises. Ce sont les faits importants qui accompagnent les élections de 2017. Ces efforts ont été partagés entre l'équipe de Hamon et les Insoumis, sans parvenir à se conjuguer, par manque de temps. Maintenant ce temps existe et il prend forme. »

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