samedi 9 juin 2018

Daniel Poncet Deuxième gauche, réformisme et lutte de classe


1976 :


Vers le 37e congrès de la CFDT d’Annecy le 25-29 mai 1976
Front Rouge mensuel n°2 (nouvelle série) décembre 1975 « Préparons le 37eme congrès de la CFDT ! » -pages 28-29-30-31-32-33- Dans l’introduction de l’article il est précisé que
« Le 37e congrès CFDT se tiendra en mai 1976 à Annecy. A l’ordre du jour de cette assemblée de syndicats : « la pratique syndicale », « l’union des forces populaires et les objectifs significatifs de la transition socialiste »… C’est assez dire que ce sera l’occasion d’une sévère lutte de lignes sur le bilan de l’opération lancée par le Parti Socialiste en direction de la Confédération, depuis les présidentielles de 74, et sur les perspectives politiques dont doit se doter la centrale : « autogestion » ou révolution, tel est l’enjeu ! ».
Plus loin l’article revient sur l’origine de la CFDT :
« C’est plus de 80 ans qu’il a fallu à la Confédération Française et Démocratique du Travail (CFDT) pour se dégager des principes de collaboration de classe ouverte qui avait présidé à la création en 1887 du premier syndicat des Employés du Commerce parisien, berceau « chrétien social » de la CFTC, fondé en 1919, mais qui ne connut ses premières « sections ouvrières » qu’en 1936, dans le textile du nord. Ce n’est pas avant 1964, fût-ce au niveau d’un texte d’orientation, que l’on trouve cette timide reconnaissance dans une intervention d’Eugène Descamps : « Nous savons que la lutte des classes est une réalité dans le système capitaliste… ». (…) « bien vite tempérée d’une mise en garde fortement teintée d’anti-communisme : « Si cette lutte est nécessaire pour accéder à plus de justice, autre chose est de la développer systématiquement, au risque de sauter dans une société totalitaire».

Le 35e congrès et les acquis de la CFDT
L’article se poursuit par une présentation et une appréciation du 35e congrès :
« En fait seul le 35e Congrès confédéral de 1970 marquera un choix politique plus nettement prononcé, exprimé en particulier par les affirmations suivantes : « C’est en organisation anti-capitaliste que nous avons à ajuster nos comportements, à définir des objectifs et des moyens d’action afin de permettre l’avènement d’une société socialiste » et, « la stratégie de la CFDT est une stratégie offensive tendant, à travers la lutte des classes, à hâter l’instauration de cette société ».
Front Rouge précise ce qu’il considère comme étant les acquis de la CFDT :
« C’est de se moment-là qu’on peut dater sous l’impulsion d’une syndicalisation de jeunes travailleurs, d’ouvrières et employées, d’immigrés (après mai 68), un certains nombre d’acquis : un style de travail souvent plus « démocratique » que la CGT (assemblée générale, comité de grève…) la reconnaissance de revendications « non hiérarchisées » et contre les conditions de travail…
la conduite de lutte « dures » (Girosteel, Joint Français, Penarroya…).
l’impulsion d’actions porteuses d’une « nouvelle légalité ouvrière » (Lip, Cerisay sur le thème « On produit, on vend, on se paie »… ).
Le courant qui, au sein de la CFDT, était plus spécialement porteur de ces aspirations légitimes des masses, a vite éclaté face aux manoeuvres de l’Union de la Gauche, car aux côtés de syndicalistes révolutionnaires, on trouvait surtout des anarcho-syndicalistes et sociaux-démocrates « de gauche », regroupés un moment en un ensemble disparate. Ils furent chargés de louanges par les groupes trotskistes qui les considérèrent pendant longtemps comme un seul bloc sous l’étiquette de « Gauche Syndicale ». Face aux partisans inavoués de la CFTC, symbolisés par Gaspard, ancien dirigeant du syndicat des enseignants (le SGEN-CFDT), et qui a scissionné l’année dernière sur une critique de droite de l’alignement sur le PS…. Il est certain qu’il existait une gauche, animée par des « baroudeurs » syndicaux, au style ouvert et accrocheur comme l’était par exemple le militant chrétien de gauche F. Krumnov et beaucoup de responsables de son équipe (militants de la Fédération Habillement Cuirs et Textile, de la Santé, du Commerce, du Centre Confédéral de la Jeunesse…)
Les pressions politiques exercées par le P« C » F pour que la CFDT se rallie au programme commun, la reconstitution des forces de la social-démocratie après le congrès du soi-disant « nouveau » PS (Epinay) 1971, eurent tôt fait d’amener une recomposition des courants politique dans la CFDT et un certain nombre de « révisions tactiques » en retrait (sur les mots d’ordre, le style de travail…), sous prétexte de clarification des objectifs de la Confédération ! »

Une remise en cause

Dans le passage ci-dessous de l’article de FR mensuel n°2 de décembre 1975, il est noté dans le chapitre : « Une remise en cause » :
« Le dernier congrès de la CFDT, le 36ème tenu à Nantes en 1973 fut considéré avec satisfaction par G. Séguy comme une première et précieuse remise en ordre, au service de l’Union de la Gauche. L’accord interconfédéral du 26 juin 74, plus couramment et clairement connu sous le nom d’« accord anti-Lip », n’a été en ce sens que la sanction du « nettoyage » amorcé par les sociaux démocrates dans ce qu’ils ont considéré un peu vite comme « leur » boutique syndicale. »

L’article de FR se poursuit à la page 29 par une présentation de cet « Accord du 26 juin 74 » sous le titre « Deux conceptions de l’ ‘‘unité syndicale‘‘ » il y est précisé que « l’accord conclu « dans la foulée » de la campagne présidentielle, sous la pression politique et idéologique du P"C"F et du PS qui mettaient l’accent sur « l’enthousiasme que devrait susciter chez les travailleurs le courant puissant qui portait la candidature de la Gauche » et qui selon la direction de la CGT à l’époque, « devait se continuer par un renforcement de l’unité syndicale »… De fait, il liait les mains aux militants CFDT en les amarrant à une plate-forme revendicative qui reflétait totalement les visées politiques contre-révolutionnaires de l’Union de la Gauche. Elle prenait par exemple positions :
contre les comités de grève et la souveraineté des Assemblées des travailleurs…
contre les Comités de soutien qui ne s’en tiendraient pas à un rôle « purement technique »…
contre les mots d’ordre d’augmentations uniformes…
Le chapitre suivant de FR n°2, détaille « L’initiative d’un courant d’opposition syndicale révolutionnaire pour l’unité syndicale sur des bases de lutte de classe » et notamment le rôle et le soutien des marxistes-léninistes de Front Rouge à la lutte des travailleurs de Lip, le lancement d’un projet de construction d’un courant d’opposition syndicale révolutionnaire.
L’article retrace dans le chapitre « L’opération des Assises » quelques points historiques et en précise le contexte et le but.
A la page 30 sous le titre « La réplique syndicaliste révolutionnaire s’organise » est rappelé le rôle du PCRml et des syndicalistes révolutionnaires dans la CFDT. Le chapitre « A propos des positions internationales de la CFDT » précise en 6 points, les liens quelle entretient avec la CMT, la CISL, la FST, la CES (les différentes structures syndicales internationales), la complicité des réformistes avec le sionisme, la nécessité de démasquer l’orientation confédérale…
Dans le chapitre qui commence en fin de page 31 et qui est intitulé « Où va la CFDT ? » indique très justement à la page 33
« Le 37e Congrès est préparé par les dirigeants réformistes de la confédération sur la base d’une réactivation de « L’Union des Forces Populaires » (fondée sur l’espérance d’un rééquilibrage de la gauche, favorable à la social démocratie) et de l’adoption souhaitée de cette « stratégie de la transition au socialisme ». Transition par étapes (au même titre que la « démocratie avancée » du P« C »F), pacifiquement (par la combinaison de « luttes de masse » et de « débouchés électoraux »), en associant les travailleurs au maintien de leur exploitation (sous couvert de « pouvoir de décision ») : voilà comment se mettrait en place la « stratégie autogestionnaire » d’aménagement du capitalisme, élaborée par les réformistes comme alternative au projet révisionniste de capitalisme d’État et au « libéralisme musclé » giscardien ! ».

Ces très larges extraits de l’article de FR nous montrent que la présence des militants révolutionnaires au sein de la CFDT, ne fut pas « un long fleuve tranquille » mais le résultat d’un contexte, d’un choix et d’une lutte. Il éclaire également sur le rôle néfaste du soutien à l’Union de la gauche et au Programme Commun dans les stratégies de la CGT et de la CFDT.


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