Juan
Branco :
Le corps de l'indigné
« L'indignation
est donc une affaire de mondes, de faire
mondes,
et donc une affaire de mots. C'est pourquoi elle entretient un
rapport étroit avec la philosophie, et c'est pourquoi elle est si
facilement manipulable. Car nous ne sommes pas égaux face aux mots.
C'est pourquoi nous avons institué
ce
que nous nommons des représentants, c'est-à-dire des intermédiaires
chargés de porter notre parole, de la formuler, et de
l'interpréter : de nous délivrer de ces sentiments et de nous
protéger de notre impuissance potentielle à leur égard. C'est
pourquoi enfin nous sommes si tributaires, si dépendants, si
obsessionnellement attachés, à cette chose qure l'on appelle
politique, alors que nous en percevons tous – et en particulier
ceux qui ont eu le privilège de développer un rapport à chaque
fois plus personnel, plus intime et donc propre
au
langage – la vacuité et le faux-semblant. »
« Un
déversoir en somme que ces révoltes non-nées que furent les
mouvements indignés, où l'anesthésie serait le seul résultat
possible, une anesthésie collective où l'on recréa de façon
éphémère un sentiment d'appartenance permettant de calmer la
brûlure suscitée par l'indignation, en lui retirant l'aspiration
d'effectuation qu'elle avait toujours suscitée, c'est-à-dire
d'aspiration à une transformation effective et non simulacre du
monde, et à son investissement dans les seuls devenirs potentiels
qui pouvaient rendre ce sentiment à sa dimension politique : la
révolution, la révolte, forme inachevée de la révolution, la
représentation, forme intermédiaire de la révolution, ou
l'intégration, forme contraire de la révolution. »
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