Le
chômage est la période pendant laquelle une industrie est
momentanément arrêtée. Le chômage peut être partiel ou total,
local, national. Il se peut aussi qu'une usine, un atelier, une
entreprise, une exploitation ne marchent qu'au « ralenti ».
Ce moyen est souvent employé pour ne pas créer des troubles. Dans
ce cas les ouvriers ne font plus qu'un certain nombre d'heures par
jour et parfois par roulement, ne travaillant que quelques jours par
semaines. Le chômage, c'est donc pour l'ouvrier, l'arrêt forcé
du travail. Le chômage tient à des causes multiples :
incapacité du capitalisme à organiser la production d'une façon
rationnelle, limitation du capital-argent, mauvaise répartition des
matières premières, spéculations sur celles-ci et sur les
produits, afflux de main d'oeuvre sur un point donné par voie
d'immigration organisée par le patronat,fabrication intense de pro
demande, sous-production des objets utiles, journées trop longues.
Telles sont les causes générales et principales qui engendrent
le chômage sous·toutes ses formes et à toutes les époques.
Il
convient cependant, dans les temps actuels d'y ajouter celles qui
résultent de l'instabilité du change des monnaies, des écarts
considérables qui existent entre ces changes et rendent presque
impossible l'approvisionnement, en matières et en produits, des pays
à change bas dans les pays à change élevé.
Cette
crise des changes a produit après la guerre de 1914/18 un chômage
intense en Angleterre et en Amérique, où des stocks de charbon, de
fer, d'acier, de produits de toutes sortes restent inemployés et ne
trouvent pas acquéreurs chez les acheteurs habituels trop appauvris.
Il
y a enfin le protectionnisme qui joue, lui aussi, son rôle
qui est considérable.
Le
protectionnisme va,
en effet, en général à l'encontre du but qu'il poursuit. Une
industrie protégée est enfermée dans le cadre national. Si des
tarifs prohibitifs ferment en effet les frontières douanières aux
produits étrangers, les pays qui se trouvent lésés dans leurs
exportations et leur développement industriel usent de réciprocité
en établissant des tarifs qui empêchent dans une très large mesure
les produits de la nation protectionniste, d'entrer chez eux.
Bien
entendu au bout de peu de temps les marchés nationaux sont engorgés,
encombrés, l'offre reste sans demande et le chômage sévit dans
cette industrie protégée. Il y a encore, surtout en ce moment, en
cette période de transformation du machinisme et de la technique,
des chômages provoqués par l'utilisation beaucoup moins
considérable de certains produits ou matières.
L'avènement
de la vapeur a révolutionné les transports et fait disparaître
sans qu'il y ait remploi immédiat des éléments employés en nombre
d'industries ou de métiers ; celui du machinisme a eu les mêmes
conséquences, parce que le déplacement industriel et agricole qui
en est résulté n'a été ni réglé ni ordonné. L'application sans
cesse plus considérable du pétrole et surtout de l'électricité, a
produit des troubles profonds dans l'industrie minière en réduisant
considérablement les besoins en charbon. L'utilisation de la houille
blanche généralisée, produira des crises plus profondes encore,
parce que le capitalisme est impuissant à réajuster et à réadapter
les industries et les efforts humains. Le chômage, qui atteint en
Angleterre plus de 3 millions d'hommes en 1925 et frappe en Amérique
un nombre presque égal d'individus, tient surtout à la crise des
changes et à la sous-consommation du charbon dont l'utilisation
s'est considérablement amoindrie.
Le
chômage est un mal endémique en régime capitaliste. Il est
la conséquence même de ce régime organisé pour la réalisation
des profits au lieu de l'être en vue de satisfaire les besoins
utiles.
Le
chômage ne disparaîtra donc qu'avec le capitalisme lui-même. Il
est facile de prévoir qu'il s'amplifiera sans cesse, à mesure que
le capitalisme développera ses productions nouvelles et en raison de
son impuissance à ordonner son effort industriel. Toutes les mesures
prises pour l'enrayer resteront vaines. Il serait encore plus grand,
si, ne craignant pas pour la stabilité du système, le capitalisme
laissait libre cours de s'exercer à la technique, à la science.
Craignant d'être débordé par le progrès qui en résulterait,
sachant d'avance que la ruine s'en suivrait pour nombre d'industries
incapables d'évoluer assez rapidement, le capitalisme restreint, par
l'argent, les recherches de la science et les applications de la
technique. Les causes du chômage sont, on le voit, extrêmement
complexes et diverses. Revenons à celles qui sont essentielles et
courantes, à celles qui sont exposées au début de cette étude.
1°
Incapacité du capitalisme à organiser de façon rationnelle.
- Le capitalisme, nous l'avons dit, dirige ses efforts en vue de
profits à réaliser et non pour satisfaire les besoins utiles. Cette
conception l'entraîne fatalement à surproduire dans certaines
branches d'industrie et à sous produire dans d'autres.
Pendant
que la surproduction, en jetant sur les marchés des quantités de
matières ou de produits non utilisables, non demandés,
engendre au bout de peu de temps l'arrêt de l'industrie ou des
industries qui n'ont pas su limiter leur effort, la sous-production
ne permet pas de satisfaire les demandes. Dans les deux cas, le
chômage en résulte. Ici, afflux de main-d'oeuvre, là, moins de
main-d'oeuvre, mais cessation de l'effort. Dans les deux cas, c'est
le chômage pour l'ouvrier, l'arrêt ou la marche ralentie de
l'industrie qui l'emploie. Si l'effort capitaliste devait - et ce ne
peut pas être - avoir pour but de satisfaire les besoins collectifs,
il en irait tout autrement. La limitation de la production dans tous
les domaines à la satisfaction des besoins, la stabilisation des
marchés sur des bases statistiques solides, rendrait impossibles
toute surproduction et sous-production. Ce serait ainsi qu'on verrait
la fin du chômage. Seuls les ouvriers, par leurs syndicats, sont
capables d'organiser la production sur ces bases parce qu'ils auront
au préalable, fait disparaître l'intérêt particulier et donné
naissance au véritable intérêt collectif. 2° Limitation du
capital-argent. - Par la limitation des ressources dont il
dispose chaque année, ressources qui sont déterminées par le
volume des transactions avec bénéfices réalisés dans le cours de
l'année précédente, le capitalisme, par son caractère
individualiste, est obligé de limiter la production, les frais de
celle-ci au chiffre de ses ressources.
Bien
souvent, des besoins accrus, des bénéfices possibles seraient ou
satisfaits ou réalisés par voie de développement si les
industriels et les commerçants pouvaient étendre le cercle de leurs
affaires et augmenter pour cela leur production ou leurs ventes.
L'une et l'autre restent stationnaires ou régressent souvent, parce
que les exploitants ne disposent pas des ressources suffisantes.
Cette limitation des ressources entraîne forcément celle des frais
généraux dans lesquels les salaires entrent pour une large part. Si
l'industriel a travaillé à perte, il licencie en partie le
personnel qu'il emploie ou fait appel à une main-d'oeuvre moins
onéreuse par voie de mise à pied. C'est le chômage pour le
personnel ancien.
3°
Mauvaise répartition des matières premières. commerciales
et industrielles fixant chaque année les besoins approximatifs de
tous les pays et la quantité de matières disponibles, empêche que
les industries soient approvisionnées en vue des productions
nécessaires, tandis que d'autres reçoivent des quantités énormes
de matières qui resteront inemployées.
Si
les industries de transformation ne reçoivent pas ce que représente
leur utilisation à plein rendement, c'est le chômage forcé des
ouvriers dans cette industrie. Si au contraire les industries de
base, les exploitations d'extraction ont auparavant constitué des
stocks et approvisionné les industries de transformation à leur
pleine capacité, c'est le ralentissement chez ces exploitants et le
chômage des ouvriers travaillant dans l'industrie de base.
On
ne pourra remédier à cet état de choses que par la création
d'offices nationaux et internationaux qui fixeront et les besoins de
la consommation et le chiffre de la production. Ce n'est pas, encore,
le régime capitaliste qui opèrera ces redressements nécessaires à
la réalisation de l'équilibre du système incriminé.
4°
Spéculation sur les matières premières et les produits. -
Les matières et les produits n'étant pas l'objet d'appréciations
exactes dans le domaine des disponibilités et des nécessités, la
répartition rationnelle des matières premières étant impossible,
il va de soi que la fabrication est chaotique, comme nous venons de
l'exposer ci-dessous. Mais cette conception de l'économie, favorable
aux audacieux, aux coquins de toutes nuances et de tout acabit, à
tous les « corsaires » de l'industrie et du négoce, permet aux uns
et aux autres de spéculer sans vergogne sur matières et produits.
Quoi
de plus facile, pour les grandes Firmes, pour les Cartels et les
Trusts, que d'accaparer des quantités énormes de matières
premières ou de produits, qui permettent de ralentir ou d'accélérer
le rythme de la production.
C'est
pour les spéculateurs une question de disponibilités liquides. Les
banques se chargent de résoudre facilement semblable problème qui
est, pour elles, d'ordre courant.
Bien
entendu, en opérant ainsi, financiers et exploitants, commerçants
et usiniers se moquent parfaitement de ce que deviendront leurs
ouvriers et leurs employés. Si, par exemple, la spéculation donne
des bénéfices supérieurs à ceux que permet de réaliser la
fabrication, ils n'hésitent pas à ralentir ou à arrêter pour un
temps l'extraction, la fabrication ou l'écoulement inverse.
C'est
ainsi que des hausses fantastiques se produisent, que le coût de la
vie augmente pendant que la misère croît avec l'intensification du
chômage. La spéculation est un des principaux facteurs du chômage.
Elle cause des ravages terribles dans tous les domaines. Elle fait,
elle aussi, partie intégrante du capitalisme. Vouloir l'abattre et
laisser debout le système qui l'engendre, c'est chevaucher la
chimère.
5°
Afflux de main-d'oeuvre par voie d'immigration. - Pour faire
échec aux revendications des travailleurs d'une industrie, soit dans
une localité, soit dans une région, le patronat n'hésite pas à
faire appel à la main-d'oeuvre étrangère, à organiser dans les
pays pauvres et à population très dense, un courant d'émigration
avec la complicité des pouvoirs publics des deux pays intéressés.
Ces
travailleurs importés sont bien embauchés suivant des contrats qui,
théoriquement, respectent à peu près la législation du
travail du pays où on les envoie, mais dès l'arrivée des émigrés
les contrats sont violés. Ni le taux des salaires, ni la durée du
travail ne sont respectés. Le patronat règne en maître sur ces
malheureux esclaves du travail. Ils les nourrit comme des chiens dans
ses cantines infectes et les loge comme du bétail dans ses baraques,
tout en les payant un prix dérisoire et en leur imposant, avec
l'aide de ses tâcherons, des journées de travail très longues.
Toutes ces pratiques réduisent naturellement au chômage les
ouvriers indigènes, qui ne peuvent ni ne veulent accepter un
semblable traitement, qui ont une famille à élever, des besoins
normaux à satisfaire.
Et
c'est malheureusement la lutte entre exploités pour la bouchée de
pain. Ce sont les brimades et les rixes sur les chantiers, dont le
patronat exploite sans vergogne le triste résultat. Les moyens dont
dispose la classe ouvrière pour remédier au chômage sont
extrêmement précaires. Ne pouvant s'associer à l'oeuvre de
filtrage du gouverne pouvant par esprit de classe internationaliste,
s'opposer à ce qu'un travailleur soit partout chez lui, quelle que
soit son origine, le prolétariat est, en quelque sorte, désarmé
devant l'immigration et tout ce qui en découle.
Ce
n'est que par l'établissement de rapports constants entre les
différentes Centrales nationales ouvrières, par le développement
d'une propagande intelligente touchant sans cesse un plus grand
nombre d'individus, qu'on parviendra, dans la Société actuelle, à
limiter, mais à limiter seulement - les méfaits d'une telle
utilisation des travailleurs.
6°
Fabrication intense et exagérée de produits spéciaux et nouveaux
dont l'offre dépasse la demande. scientifique et
l'industrialisation à laquelle elle donne lieu, les ouvriers,
recherchés au début, par les chefs d'industrie qui fabriquent les
produits ou par les commerçants ou industriels qui les écoulent ou
les emploient, se précipitent nombreux dans cette profession.
Bientôt, au bout de très peu de temps, celle-ci est encombrée à
un tel point que le chômage ne tarde pas à y sévir avec intensité,
jusqu'au jour où une nouvelle industrie viendra utiliser la
main-d'oeuvre en surcroît.
Il
en fut ainsi successivement dans l'industrie mécanique et
électrique, dans le cycle, l'automobile, l'aviation. Il en est de
même dans la sténo-dactylo par exemple.
De
même que les jeunes gens veulent tous être mécaniciens en quelque
chose, les jeunes filles veulent toutes être sténo-dactylos. Et
l'encombrement crée le Chômage et la dépréciation du salaire.
Les
patrons se gardent bien de tarir une pareille source de recrutement
qui leur procure à bon compte un personnel qualifié. Mais ce n'est
là qu'un des côtés de la question. En poussant intensivement une
production nouvelle, en cherchant à réaliser au plus vite de gros
bénéfices, les patrons encombrent, eux aussi, rapidement le marché
et, bientôt, il y a pléthore de marchandises, crise d'achat,
stockage forcé, et partant, chômage jusqu'au jour où le marché se
stabilise, sous la poussée des nécessités où jusqu'à ce qu'une
industrie nouvelle arrête, paralyse ou ralentisse l'essor de
l'industrie en question.
Bientôt
à la production exagérée succède la sous-production et ce
tassement ne va pas sans inconvénient pour les ouvriers qui sont
employés dans cette industrie et en supportent toutes les crises et
fluctuations.
7°
Les journées trop longues. - Par principe, par routine et aussi
par calcul intéressé autant que·par la tactique de combat, le
patron est enclin à maintenir très longue la journée de travail.
Soit qu'il refuse d'évoluer et d'appliquer les découvertes
mécaniques, d'en généraliser l'emploi par esprit d'économie et de
routine, le patronat maintient, malgré les lois sociales, la journée
de travail au-dessus de la durée légale. Cependant petit à petit,
pour soutenir la concurrence, il est obligé d'utiliser les machines
qui produisent davantage et plus rapidement. Mais comme il prétend
utiliser aussi le matériel humain à plein rendement, il ne diminue
pas, pour cela, le temps de travail. Il se, trouve qu'il s'effectue
ainsi une production anormale supérieure aux besoins, qui vient à
nécessiter la mise en chômage d'une partie du personnel lorsque le
stockage se fait important.
Si
on réduisait la longueur de la journée de travail, en utilisant au
maximum le machinisme, il est incontestable que tous les bras
seraient employés. En maintenant complet ce réservoir d'hommes en
chômage dans lequel, il peut puiser, tout à son aise, pour briser
toutes velléités de mieux-être de la classe ouvrière, on conçoit
facilement que le patronat se soit opposé, dans tous les pays, avec
tant de force et de persévérance à l'application de la journée de
8 heures.
Là,
comme en toutes choses, seule la force ouvrière organisée
intelligemment et puissamment, pourra faire disparaître le chômage
qui découle des trop longues journées de travail.
Jusqu'à
ce qu'il en soit ainsi, le chômage perdurera et, avec lui, toutes
les misères qui en découlent, toutes les maladies, toutes les tares
sociales qui en sont les conséquences.
Il
y a une autre sorte de chômage, c'est celui qui est décidé par les
ouvriers soit par protestation, soit pour participer à une
manifestation quelconque. Le 1er mai est un jour de chômage de ce
genre.
-
Pierre BESNARD.
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