Daniel
Poncet
Deuxième
gauche réformisme et lutte de classe Partie 3
« Le
19 et 20 juin a lieu le 2e Congrès du PCRml, une brochure regroupant
« Programme et statuts » adoptés par son deuxième
congrès est publiée. Aux pages 37-38 la position du Parti
concernant « Le travail communiste dans les syndicats » est
détaillée :
«
Pour mener les luttes, la classe ouvrière a besoin
d’organisations syndicales. Mais les syndicats présentent
une réalité contradictoire : d’une part, ils constituent
un instrument de défense des intérêts immédiats des travailleurs,
de l’autre ils sont dominés par les lignes révisionnistes et
réformistes contradictoires avec ces intérêts.
La
CGT Centrale syndicale prédominante dans la plupart des régions,
elle rassemble la majorité des ouvriers syndiqués. Elle est
étroitement dirigée par le PCF qui cherche à en faire
l’instrument de ses visées électorales et de ses tactiques
successives. Dans de nombreuses luttes la réalité de masse
de cette centrale entre en contradiction avec ces projets
révisionnistes.
La
CFDT
Deuxième
centrale syndicale a pris en compte depuis 1968 une partie des
aspirations nouvelles de la classe ouvrière. Mais depuis les «
assises pour le socialisme », depuis l’automne 74, sa
direction est contrôlée par le PS qui la pousse à éliminer un
par un ses aspects positifs dans le cadre de sa rivalité avec le
parti révisionniste.
Dans
sa lutte la classe ouvrière trouve en face d’elle :
● FO,
syndicat jaune, crée par la CIA, et l’instrument zélé de la
politique giscardienne.
● la
CFTC, syndicat jaune de vieille tradition cléricale et
anti-communiste.
● les
syndicats fascistes mis en place par le patronat tels que la CFT.
La
contradiction croissante entre les aspirations révolutionnaires des
travailleurs et les propositions réformistes et révisionnistes se
manifeste avec acuité dans la CGT et la CFDT.
Dans
les rangs des confédérations syndicales CGT et CFDT, les
aspirations des travailleurs, la prise de conscience de leurs
intérêts fondamentaux, de la nécessité d’une transformation
révolutionnaire de la société viennent battre en brèche les
projets d’aménagement du capitalisme, tant sous sa forme «
autogestionnaire » que « capitaliste d’Etat ».
Aussi les projets stratégiques tracés par les révisionnistes et
les réformistes dans la CGT et la CFDT sont-ils devenus, notamment
depuis les élections présidentielles de 74, l’objet d’une
contestation croissante, qui marque au plan du fonctionnement
syndical et des rapports du syndicat avec la masse des
travailleurs, mais aussi au cours des luttes, de leur conduite et de
leurs objectifs… Ainsi de plus en plus, une pratique syndicale
révolutionnaire s’affirme, porteuse de l’ensemble des intérêts
et aspirations des travailleurs, immédiats et fondamentaux,
unis en un même projet révolutionnaire. La tâche du Parti
est d’aiguiser cette contradiction, de faire triompher dans les
syndicats la voie révolutionnaire, de guider les travailleurs
pour arracher la direction de leurs syndicats des mains des
révisionnistes et des réformistes. C’est pourquoi les
communistes militent dans les syndicats CGT et CFDT, en créent là
où il n’y en a pas et y prennent les responsabilités que
leur confient les travailleurs. Dans les syndicats, ils dénoncent
les orientations réformistes et révisionniste, soutiennent et
organisent la lutte revendicative des travailleurs, les aidant à
élaborer leurs véritables revendications et à définir une
tactique de lutte appropriée pour faire céder le patron. Les
communistes révèlent constamment aux travailleurs le lien
qui existe entre l’attitude des confédérations et les projets
politiques (réformistes ou révisionnistes) qui les
sous-tendent.
Les
communistes appuient et aident à se développer le courant d’
Opposition Syndicale Révolutionnaire.
Ni
fraction, ni « nouveau syndicat », ce courant exprime les
aspirations révolutionnaires des travailleurs dans les
confédérations CGT et CFDT, leur volonté d’unification
syndicale sur une base de lutte de classe. Il se traduit dans
les positions et la pratique de sections et unions CGT et
CFDT, au sein même des structures syndicales. L’Opposition
Syndicale Révolutionnaire se développe à partir des acquis
des luttes de la classe ouvrière : large démocratie, autonomie
prolétarienne, unité populaire autour des luttes.»
L’article
: les luttes et l’« horizon 78 » revient sur
la tactique de division de la direction CFDT lors du Congrès, sur
les confusions et les insuffisances de certains opposants, qui
ont aidés de fait la ligne réformiste d’Edmond Maire « Sans
nul doute, c’est sur la question des « débouchés
politiques » de l’action syndicale et l’appréciation de
la situation du mouvement des masses, de leurs aspirations,
que la bataille politique se fit la plus sévère. On peut regretter
certains silences de syndicats dont le bilan pouvait éclairer mieux
les débats, ou encore la confusion de certaines interventions
d’opposants au Bureau National qui n’a pas permis de la sorte de
convaincre assez, de rallier plus…Et il est de fait que sur
certains votes, la direction confédérale avait choisi comme
terrain de bataille des amendements mal rédigés,
schématiques, qui n’étaient pas de nature à unir tout ce qui
pouvait être uni contre le réformisme. Assurément, c’était là
une tactique délibérée ! Pour l’équipe de Maire, il fallait
diviser les opposants, minoriser les positions révolutionnaires, les
caricaturer même.
Le
PS est ses alliés ont bien failli y parvenir : certains délégués
de syndicats opposés à la ligne réformiste dominante ont trop
souvent fait passer de mauvais soucis tactiques, des « intérêts de
boutiques », des réflexes « gauchistes »…au premier
plan. Agissant ainsi, certains (LCR, une partie du PSU…) ont fait
le jeu de la direction confédérale. S’ils avaient réagi de la
sorte, les militants et sympathisants du PCRml, de la GOP, de
Révo ! Ou d’HR, et bien au delà, les syndicalistes
révolutionnaires, auraient pu longuement polémiquer : ne
serait-ce que sur la formulation, par exemple, du texte du
Syndicat de l’Administration des affaires sociales « sur
les luttes
d’ensemble
des travailleurs » et l’ambiguïté de sa notion d’«
offensive populaire »… mais où était donc le
principal, si ce n’est dans la recherche d’une alternative
commune face au réformisme sur un minimum de bases politiques
d’opposition syndicale révolutionnaire ? C’est
pourquoi, il est très important de noter que sur un maximum
d’interventions et d’amendements a pu se dessiner une ligne de
partage en fin de compte assez conséquente (de 25 à 30% des
mandats du Congrès se retrouvaient généralement. Comme le disaient
les cheminots d’Amiens et Boulogne, à partir de ce Congrès, il y
a actuellement un clivage dans la CFDT entre ceux qui cherchent à
rassurer, à l’image de ce que font les dirigeants actuels de la
gauche, et ceux qui indiquent clairement les priorités
à réaliser (la prise du pouvoir d’Etat et son contrôle politique
par les travailleurs), ceux qui refusent la gestion du capitalisme et
font de l’action de masse et de classe le seul garant du socialisme
que nous voulons ! » (…) « Alors que les camarades
syndiqués CFDT attendaient des explications sur les
difficultés à organiser la réplique à la crise, sur les journées
d’inaction sans résultat et à répétition, sur les luttes
bradées (comme à la SNCF en 76), sur l’absence d’initiatives
confédérales valables depuis des mois et des mois, sur les
inconséquences des initiatives à propos des libertés
démocratiques, sur la concession à la ligne « Programme Commun »
de la CGT, mais aussi sur le sectarisme de boutique qui secoue depuis
quelques mois le mouvement syndical… Rien ! Maire n’en a
rien dit ! Par contre, il fut très loquace sur les tâches
qui attendent la CFDT dans le cadre d’une victoire de la «
gauche » en 78 ! En toute logique, E. Maire a
réaffirmé qu’il s’agissait à la CFDT d’« inciter les
travailleurs à traduire leur comportement syndical dans le domaine
politique », autrement dit « à gauche » ! Pour lui, pas de doute,
en ce moment « se précise l’espoir d’une victoire
prochaine de la gauche ». Et c’est à cela que le Bureau National
veut faire travailler la CFDT. Les luttes, pour être utiles à
la social-démocratie autant que le souhaite l’équipe
réformiste confédérale, doivent devenir « le
soubassement indispensable à toute action d’un gouvernement de
gauche » ! Contre cette perspective, à peine maquillée
de grandes proclamations d’« indépendance » à bon
marché, toute une partie du Congrès s’est levée. »
Les
extraits de l’intervention du Syndicat des Métaux de Lyon 7ème
publiés à la page 20 de ce FR n°8, situaient bien les enjeux
de la période : «Le socialisme ce n’est pas la prise du
pouvoir électoral par une majorité de gauche. Le socialisme
ne peut s’inscrire que dans le prolongement des luttes
d’aujourd’hui. Or quelle a été l’attitude des partis
du programme commun dans les dernières luttes ? Les revendications
sur lesquelles des millions de travailleurs luttent : augmentation
uniforme, pas de licenciements, embauche sur place, contre les
cadences, sont-elles reprises par le programme commun ? Enfin
quand la CFDT a été attaquée sous le prétexte de l’armée, où
était l’union des forces populaires ? Où étaient le PCF
et la CGT ? Où était le Parti Socialiste ? Nos perspectives ne
sont-elles pas d’abord et avant tout dans la défense,
l’extension des luttes, leur coordination, leur
popularisation ? Notre stratégie, nous devons l’établir à
partir des idées de contestation du capitalisme en crise, les
idées de la nouvelle société à construire qui sont présentes
dans les luttes et leurs revendications. Pour nous, l’accès
au socialisme exige de changer complètement et rapidement l’économie
capitaliste et l’appareil d’Etat. Changement de l’entreprise,
de l’armée, de l’administration, l’enseignement, etc…
jusqu’aux mass media et les masses populaires se dotant
d’organismes contrôlés par elle, et pour servir leurs intérêts.
Oui, la CFDT doit être indépendante des partis du programme commun,
et précisément dans la période qui s’ouvre. Oui, en cas de
victoire électorale des partis de gauche, la CFDT doit encore
plus renforcer son indépendance et sa force de contestation
malgré les pressions qu’elle subira. Oui aujourd’hui, face à la
crise capitaliste, face à l’offensive de répression de la
bourgeoisie contre les travailleurs, il faut développer les luttes
et les étendre pour un mouvement d’ensemble autonome des
perspectives électorales. Sur cette base, il faut développer
l’unité d’action syndicale. »
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