jeudi 14 juin 2018

Daniel Poncet Deuxième gauche réformisme


Daniel Poncet

Deuxième gauche réformisme et lutte de classe Partie 3

« Le 19 et 20 juin a lieu le 2e Congrès du PCRml, une brochure regroupant « Programme et statuts » adoptés par son deuxième congrès est publiée. Aux pages 37-38 la position du Parti concernant « Le travail communiste dans les syndicats » est détaillée :
« Pour mener les luttes, la classe ouvrière a besoin d’organisations syndicales. Mais les syndicats présentent une réalité contradictoire : d’une part, ils constituent un instrument de défense des intérêts immédiats des travailleurs, de l’autre ils sont dominés par les lignes révisionnistes et réformistes contradictoires avec ces intérêts.
La CGT Centrale syndicale prédominante dans la plupart des régions, elle rassemble la majorité des ouvriers syndiqués. Elle est étroitement dirigée par le PCF qui cherche à en faire l’instrument de ses visées électorales et de ses tactiques successives. Dans de nombreuses luttes la réalité de masse de cette centrale entre en contradiction avec ces projets révisionnistes.
La CFDT
Deuxième centrale syndicale a pris en compte depuis 1968 une partie des aspirations nouvelles de la classe ouvrière. Mais depuis les « assises pour le socialisme », depuis l’automne 74, sa direction est contrôlée par le PS qui la pousse à éliminer un par un ses aspects positifs dans le cadre de sa rivalité avec le parti révisionniste.
Dans sa lutte la classe ouvrière trouve en face d’elle :
FO, syndicat jaune, crée par la CIA, et l’instrument zélé de la politique giscardienne.
la CFTC, syndicat jaune de vieille tradition cléricale et anti-communiste.
les syndicats fascistes mis en place par le patronat tels que la CFT.
La contradiction croissante entre les aspirations révolutionnaires des travailleurs et les propositions réformistes et révisionnistes se manifeste avec acuité dans la CGT et la CFDT.
Dans les rangs des confédérations syndicales CGT et CFDT, les aspirations des travailleurs, la prise de conscience de leurs intérêts fondamentaux, de la nécessité d’une transformation révolutionnaire de la société viennent battre en brèche les projets d’aménagement du capitalisme, tant sous sa forme « autogestionnaire » que « capitaliste d’Etat ». Aussi les projets stratégiques tracés par les révisionnistes et les réformistes dans la CGT et la CFDT sont-ils devenus, notamment depuis les élections présidentielles de 74, l’objet d’une contestation croissante, qui marque au plan du fonctionnement syndical et des rapports du syndicat avec la masse des travailleurs, mais aussi au cours des luttes, de leur conduite et de leurs objectifs… Ainsi de plus en plus, une pratique syndicale révolutionnaire s’affirme, porteuse de l’ensemble des intérêts et aspirations des travailleurs, immédiats et fondamentaux, unis en un même projet révolutionnaire. La tâche du Parti est d’aiguiser cette contradiction, de faire triompher dans les syndicats la voie révolutionnaire, de guider les travailleurs pour arracher la direction de leurs syndicats des mains des révisionnistes et des réformistes. C’est pourquoi les communistes militent dans les syndicats CGT et CFDT, en créent là où il n’y en a pas et y prennent les responsabilités que leur confient les travailleurs. Dans les syndicats, ils dénoncent les orientations réformistes et révisionniste, soutiennent et organisent la lutte revendicative des travailleurs, les aidant à élaborer leurs véritables revendications et à définir une tactique de lutte appropriée pour faire céder le patron. Les communistes révèlent constamment aux travailleurs le lien qui existe entre l’attitude des confédérations et les projets politiques (réformistes ou révisionnistes) qui les sous-tendent.
Les communistes appuient et aident à se développer le courant d’ Opposition Syndicale Révolutionnaire.
Ni fraction, ni « nouveau syndicat », ce courant exprime les aspirations révolutionnaires des travailleurs dans les confédérations CGT et CFDT, leur volonté d’unification syndicale sur une base de lutte de classe. Il se traduit dans les positions et la pratique de sections et unions CGT et CFDT, au sein même des structures syndicales. L’Opposition Syndicale Révolutionnaire se développe à partir des acquis des luttes de la classe ouvrière : large démocratie, autonomie prolétarienne, unité populaire autour des luttes.»
L’article : les luttes et l’« horizon 78 » revient sur la tactique de division de la direction CFDT lors du Congrès, sur les confusions et les insuffisances de certains opposants, qui ont aidés de fait la ligne réformiste d’Edmond Maire « Sans nul doute, c’est sur la question des « débouchés politiques » de l’action syndicale et l’appréciation de la situation du mouvement des masses, de leurs aspirations, que la bataille politique se fit la plus sévère. On peut regretter certains silences de syndicats dont le bilan pouvait éclairer mieux les débats, ou encore la confusion de certaines interventions d’opposants au Bureau National qui n’a pas permis de la sorte de convaincre assez, de rallier plus…Et il est de fait que sur certains votes, la direction confédérale avait choisi comme terrain de bataille des amendements mal rédigés, schématiques, qui n’étaient pas de nature à unir tout ce qui pouvait être uni contre le réformisme. Assurément, c’était là une tactique délibérée ! Pour l’équipe de Maire, il fallait diviser les opposants, minoriser les positions révolutionnaires, les caricaturer même.
Le PS est ses alliés ont bien failli y parvenir : certains délégués de syndicats opposés à la ligne réformiste dominante ont trop souvent fait passer de mauvais soucis tactiques, des « intérêts de boutiques », des réflexes « gauchistes »…au premier plan. Agissant ainsi, certains (LCR, une partie du PSU…) ont fait le jeu de la direction confédérale. S’ils avaient réagi de la sorte, les militants et sympathisants du PCRml, de la GOP, de Révo ! Ou d’HR, et bien au delà, les syndicalistes révolutionnaires, auraient pu longuement polémiquer : ne serait-ce que sur la formulation, par exemple, du texte du Syndicat de l’Administration des affaires sociales « sur les luttes
d’ensemble des travailleurs » et l’ambiguïté de sa notion d’« offensive populaire »… mais où était donc le principal, si ce n’est dans la recherche d’une alternative commune face au réformisme sur un minimum de bases politiques d’opposition syndicale révolutionnaire ? C’est pourquoi, il est très important de noter que sur un maximum d’interventions et d’amendements a pu se dessiner une ligne de partage en fin de compte assez conséquente (de 25 à 30% des mandats du Congrès se retrouvaient généralement. Comme le disaient les cheminots d’Amiens et Boulogne, à partir de ce Congrès, il y a actuellement un clivage dans la CFDT entre ceux qui cherchent à rassurer, à l’image de ce que font les dirigeants actuels de la gauche, et ceux qui indiquent clairement les priorités à réaliser (la prise du pouvoir d’Etat et son contrôle politique par les travailleurs), ceux qui refusent la gestion du capitalisme et font de l’action de masse et de classe le seul garant du socialisme que nous voulons ! » (…) « Alors que les camarades syndiqués CFDT attendaient des explications sur les difficultés à organiser la réplique à la crise, sur les journées d’inaction sans résultat et à répétition, sur les luttes bradées (comme à la SNCF en 76), sur l’absence d’initiatives confédérales valables depuis des mois et des mois, sur les inconséquences des initiatives à propos des libertés démocratiques, sur la concession à la ligne « Programme Commun » de la CGT, mais aussi sur le sectarisme de boutique qui secoue depuis quelques mois le mouvement syndical… Rien ! Maire n’en a rien dit ! Par contre, il fut très loquace sur les tâches qui attendent la CFDT dans le cadre d’une victoire de la « gauche » en 78 ! En toute logique, E. Maire a réaffirmé qu’il s’agissait à la CFDT d’« inciter les travailleurs à traduire leur comportement syndical dans le domaine politique », autrement dit « à gauche » ! Pour lui, pas de doute, en ce moment « se précise l’espoir d’une victoire prochaine de la gauche ». Et c’est à cela que le Bureau National veut faire travailler la CFDT. Les luttes, pour être utiles à la social-démocratie autant que le souhaite l’équipe réformiste confédérale, doivent devenir « le soubassement indispensable à toute action d’un gouvernement de gauche » ! Contre cette perspective, à peine maquillée de grandes proclamations d’« indépendance » à bon marché, toute une partie du Congrès s’est levée. »

Les extraits de l’intervention du Syndicat des Métaux de Lyon 7ème publiés à la page 20 de ce FR n°8, situaient bien les enjeux de la période : «Le socialisme ce n’est pas la prise du pouvoir électoral par une majorité de gauche. Le socialisme ne peut s’inscrire que dans le prolongement des luttes d’aujourd’hui. Or quelle a été l’attitude des partis du programme commun dans les dernières luttes ? Les revendications sur lesquelles des millions de travailleurs luttent : augmentation uniforme, pas de licenciements, embauche sur place, contre les cadences, sont-elles reprises par le programme commun ? Enfin quand la CFDT a été attaquée sous le prétexte de l’armée, où était l’union des forces populaires ? Où étaient le PCF et la CGT ? Où était le Parti Socialiste ? Nos perspectives ne sont-elles pas d’abord et avant tout dans la défense, l’extension des luttes, leur coordination, leur popularisation ? Notre stratégie, nous devons l’établir à partir des idées de contestation du capitalisme en crise, les idées de la nouvelle société à construire qui sont présentes dans les luttes et leurs revendications. Pour nous, l’accès au socialisme exige de changer complètement et rapidement l’économie capitaliste et l’appareil d’Etat. Changement de l’entreprise, de l’armée, de l’administration, l’enseignement, etc… jusqu’aux mass media et les masses populaires se dotant d’organismes contrôlés par elle, et pour servir leurs intérêts. Oui, la CFDT doit être indépendante des partis du programme commun, et précisément dans la période qui s’ouvre. Oui, en cas de victoire électorale des partis de gauche, la CFDT doit encore plus renforcer son indépendance et sa force de contestation malgré les pressions qu’elle subira. Oui aujourd’hui, face à la crise capitaliste, face à l’offensive de répression de la bourgeoisie contre les travailleurs, il faut développer les luttes et les étendre pour un mouvement d’ensemble autonome des perspectives électorales. Sur cette base, il faut développer l’unité d’action syndicale. »

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