dimanche 16 mai 2021

Editorial de A Contre-Courant N°138

Election de Lula en Novembre 2002

Un autre Brésil est possible ?

 Les résultats des élections présidentielles brésiliennes n’ont pas manqué d’éveiller l’intérêt des forces syndicales et politiques anticapitalistes du monde entier. Au premier abord en effet, la victoire de Luiz Inacio da Silva, le candidat du Parti des Travailleurs, peut apparaître comme la concrétisation politique des luttes sociales engagées contre l’exploitation et la domination capitalistes. Dans quelque pays et à quelque élection que ce soit, la victoire d’un candidat de gauche n’a toutefois jamais garanti le conduite d’une politique de gauche, la victoire d’un candidat étiqueté socialiste la conduite d’une politique socialiste. L’exercice du pouvoir gouvernemental est en effet doublement déterminé: d’une part par la cohérence de ses orientations idéologiques; d’autre part par les rapports de force entre les différentes classes sociales. De ce double point de vue, la victoire de Lula reste marquée à la fois par la forte dérive social-démocrate du Parti des Travailleurs et de son programme électoral ; et surtout par le fardeau de l’endettement que le candidat a accepté d’endosser pour rassurer et se concilier les puissances du Capital (marchés financiers, créanciers intérieurs, propriétaires fonciers, FMI…). Dès lors, que reste-t-il de l’horizon socialiste pour lequel se sont mobilisés les millions d’électeurs du candidat du Parti des Travailleurs ? A quelles perspectives doivent-ils s’attendre ? Il est aujourd’hui manifeste que Lula n’engagera pas le Brésil sur le voie d’une rupture avec le système capitaliste mondial. Au contraire ! Son programme doit en effet plutôt être compris comme celui d’une modernisation du système capitaliste brésilien : sur la scène extérieure en le rendant plus performant et en déterminant une intégration au système capitaliste international qui lui soit plus profitable (objectif qui se traduit de manière exemplaire par la préférence d’une intégration régionale dans le cadre du Mercosur plutôt que de l’Alena); sur la scène intérieure en atténuant les principaux abcès de contradictions de l’économie et de société brésiliennes : réforme agraire, politique de logement pour résorber en partie les bidonvilles, politique d’urgence sociale…. Dans cette entreprise, le PT a su trouver des appuis parmi la frange réformiste de la bourgeoisie locale, celle qui sait que la modernisation du pays doit passer par un certain nombre de concessions envers les couches les plus défavorisées. Le PT s’est allié avec le Parti Libéral et le colistier de Lula est un richissime entrepreneur textile. Depuis que Porto Alegre est devenu l’anti-Davos, le Brésil du Parti des Travailleurs est souvent présenté comme le laboratoire de cette «autre mondialisation», de cet «autre monde possible» pour lequel militent les courants réformistes du mouvement antimondialisation. La victoire de Lula va permettre de mesurer les avancées sociales que porte le réformisme antilibéral; elle permettra aussi d’en mesurer rapidement les limites.

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