dimanche 16 mai 2021

Article d'Alternative Libertaire dans A Contre-Courant N°139 Novembre 2002

 Salauds de pauvres!

Alors que les organisations syndicales s’activent pour mener la campagne des élections prud’hommales du 11 décembre, le gouvernement Raffarin intensifie sa politique réactionnaire dans tous les domaines. Le but de Chirac et de Raffarin est avant tout de garder le pouvoir, celui de Sarkozy est de se hisser à leur niveau de responsabilité. Ils pensent pouvoir arriver à leurs fins en menant une politique ultralibérale et ultrasécuritaire. La conclusion qu’ils tirent des élections du printemps dernier, c’est que la gauche est mise hors jeu du fait de sa déroute électorale et de la crise de ces différentes composantes mais aussi que la bataille pour le pouvoir ne peut que se jouer très à droite. La “France d’en bas” qu’il s’agit de représenter est donc principalement celle qui adhère au discours de Le Pen ou estime entretenir des valeurs communes avec lui. Cette France qui n’entend qu’un langage, celui de la haine des étranger(e)s mais plus largement de l’autre qu’il/elle soit arabe, tsigane, jeune, prostitué(e), homosexuel(le)… Autres cibles de cette politique, les usagers sans tickets des transports publics mais aussi les militant(e) des mouvements sociaux ou de l’extrême gauche. Beaucoup à droite disent, sans fausse pudeur, que si la droite renonce à cette politique de réaction, c’est Le Pen qui s’en chargera à sa place... La politique sécuritaire est le complément nécessaire de la politique libérale, c’est-à-dire à la construction d’une société dans laquelle il n’y a pas de place pour tout une partie de la population précarisée, exclue, marginalisée... et qui doit se tenir tranquille. C’est dans ce sens que Raffarin a entendu un des messages du 21 avril, à savoir l’attente d’une solution autoritaire. Mais le 21 avril et surtout l’entre-deux tours des élections présidentielles ont aussi signifié d’autres messages que beaucoup feignent d’oublier. D’abord le rejet du racisme et du fascisme – dont la droite au pouvoir est en train de faire le lit – qui s’est exprimé dans la rue. Ensuite le “parti” représentant le plus grand nombre de personnes issues des classes populaires n’a pas été le FN mais le “parti”” des abstentionnistes et autres partisans du vote blanc et nul. D’aucun(e)s parlaient alors du retour de la question ouvrière et des exclu(e)s. Aujourd’hui plus personne ou presque n’en parle, un peu comme s’il ne s’était rien passé. Faute de perspectives alternatives aux politiques libérales et capitalistes, force est de constater que nous sommes plus que jamais au cœur de cette crise de la représentation politique et sociale. Cette crise ne trouvera pas d’issue dans la reconstruction d’une gauche d’alternance inscrite dans la filiation de la “gauche plurielle”. Elle ne se résoudra pas non plus dans un improbable petit parti d’action électorale d’extrême gauche occupant la place d’un PCF moribond et se substituant à un mouvement social mal en point. Passer de la simple abstention à la mobilisation, de la défensive à l’offensive implique un redémarrage des luttes dont on sent qu’il n’est pas impossible, au vu des mobilisations récentes à Air France et dans l’Éducation nationale, qu’elles se développent. Une perspective qui n’enthousiasme pas les bureaucraties syndicales qui pèsent de tout leur poids pour limiter les mécontentements actuels à des journées d’action sans lendemain et clament bien haut qu’il ne saurait y avoir de convergences entre les secteurs les plus combatifs. Les libertaires et les anticapitalistes les plus conséquents doivent s’efforcer de peser en faveur d’une remobilisation générale et d’une auto-organisation des luttes court-circuitant le corporatisme bureaucratique des états-majors syndicaux. Car c’est bien par le développement de l’auto-organisation et de l’autogestion des luttes qu’il sera possible de reparler concrètement de démocratie. C’est-à-dire du droit de décider aujourd’hui des luttes et demain des missions et du fonctionnement des services publics mais aussi de la redistribution des richesses, ce qui est bien différent que le fait d’être représenté(e) par des élu(e)s qui le sont pour décider à notre place. 

Alternative libertaire, le 22 octobre 2002

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