n. f. (étymologie présumée :
latin lex, legem ; qui se rattacherait à ligare, ce qui lie, lier, plutôt qu'à
legere, lire) La loi est un acte par lequel une puissance quelconque impose à
un milieu, quel qu'il soit, des dispositions conformes à sa volonté. Les mots :
décret, règlement, ordonnance, constitution, encyclique, etc..., servent à
désigner des modalités de la loi. La croyance en un Dieu tout puissant,
créateur du ciel et de la terre, a fait désigner sous le nom de « lois
naturelles » les conditions déterminantes des phénomènes qui, sous nos yeux. Se
reproduisent invariablement chaque fois que sont réunies les circonstances
favorables à leur apparition. Que l'apparition de ces phénomènes ne soit pas
due au caprice d'une législateur suprême, mais simplement à des coïncidences
toutes physiques, rend quelque peu impropre, en l'occurrence, l'utilisation du
mot « loi », mais ne modifie point le résultat, quant à notre situation
d'hommes, du jeu des forces dont notre vie est issue, et auxquelles notre
existence demeure subordonnée. Les grandes lois d'évolution des sociétés
humaines sont le prolongement et la conséquence, dans le domaine qui nous
intéresse, de lois naturelles préexistant à notre apparition sur le globe
terrestre, et dont le règne animal eut, avant nous, à supporter les effets. Les
instincts de conservation personnelle et de procréation, d'une part, et,
d'autre part, la disproportion considérable existant entre notre faculté
naturelle d'accroissement et nos possibilités d'augmentation des moyens de
subsistance, fut et demeure génératrice de combats meurtriers, d'émigrations et
de rivalités de toutes sortes, pour la possession, d'abord, et la conservation
ensuite, des meilleurs territoires. L'inégalité des aptitudes devait
déterminer, au sein des groupes, des différences de traitement, et favoriser la
reconnaissance de chefs, en raison de l'importance exceptionnelle de certains
individus pour le salut commun. De l'insuffisance naturelle des biens et de la
nécessité de défendre contre les pillards ceux péniblement acquis par la
spoliation ou par le travail, est née la propriété, à laquelle ne sont
indifférents ni l'hirondelle travailleuse, défendant son nid contre le martinet
fainéant son cousin germain, ni le scarabée sacré défendant, contre les
congénères sans scrupules, la pilule qu'il s'évertue à parfaire. La féroce
lutte dont les grandes cités sont le théâtre, et qui ont pour objet, non
seulement le bien-être et la sécurité matérielle, mais encore la satisfaction
de besoins de luxe toujours plus nombreux et l'exemption des travaux
exténuants, est la continuation, avec des mobiles plus complexes, de celle qui,
dans la forêt primitive, faisait s'entredéchirer les mâles pour la saillie des
femelles, ou le rapt des morceaux les plus savoureux, et dont la jungle nous
fournit le spectacle. La loi individuelle du plus fort par les muscles, ou du plus
habile en stratagèmes, a été dépassée par l’organisation collective en vue de
l'application de la loi écrite due, tantôt à l'autorité d'un seul agréé par le
nombre, tantôt à l'initiative de minorités dirigeantes, en vue de la
conservation de l'ordre établi, et de la défense de certains privilèges, dans
les associations de plus en plus nombreuses où, il faut le reconnaître, le
rationnel tend à se substituer progressivement, dans tous les domaines, à
l'arbitraire aveugle et tyrannique, sous la pression des agitateurs et des
philosophes, sans que, pourtant, le combat pour la vie, avec ses inévitables
suites, ait disparu de la scène du monde. Quelles que soient ses conceptions
morales, ce n'est que dans la mesure où l'humanité acquiert, par le
développement des sciences appliquées, la possibilité de se soustraire à la
fatalité des lois naturelles, et de les faire servir à ses desseins, qu'il lui
devient loisible de s'organiser sur d'autres bases, de se débarrasser de
certaines tares, et de fournir à ses aspirations idéalistes des solutions
pratiques. Sans la connaissance des lois de la reproduction humaine, et
l'invention des procédés qui permettent à la femme de limiter sa progéniture ;
sans la tendance naturelle des humains les plus éclairés à opérer, d'eux-mêmes,
cette limitation, l'espoir d'une paix universelle ne serait qu'une utopie
généreuse. Car, si le règne de la loi du plus fort entre les nations avec, pour
sanction, la puissance des armes, ne peut disparaître, en fait, de manière
définitive, qu'à la condition que soit abandonné le système de la production
capitaliste privée, génératrice de conflits, il n'en demeure pas moins que la
condition primordiale, pour la persistance d'un tel résultat, est que
l'augmentation de la population, au sein des nations associées, ne dépasse
jamais les ressources alimentaires acquises par elles. S'il n'est pas très
difficile, en effet, de disposer à l'harmonie des consommateurs autour d'une
table d'hôte copieusement servie, il serait chimérique d'espérer obtenir des
mêmes gens, qu'ils se sacrifiassent volontairement au profit du voisin, sur
quelque radeau de « La Méduse ». L'abandon de toute législation ou, ce qui est
tout un, de toute contrainte, sous une forme quelconque, à l'égard de la
production et de la consommation ; l'application de la formule communiste
intégrale : « De chacun selon ses forces, à chacun suivant ses besoins »,
supposent, préalablement réalisées, deux conditions essentielles : d'abord une
surabondance telle des produits de toute sorte qu'il puisse être fourni, sans
rationnement ni réserves, à des demandes sans limitation ; ensuite, un progrès
industriel suffisant pour que cette surabondance puisse être, d'une façon
permanente, entretenue sans qu'il soit nécessaire d'exiger des citoyens plus
que la tâche qu'ils sont disposés à remplir bénévolement. L'abandon de toute
législation, comme de toute sanction, sous une forme quelconque, à l'égard des
actes de violence, ou d'intolérance, envers autrui, suppose une adhésion quasi
universelle à l'ordre nouveau ou, du moins, une suffisante rareté dans les
attentats, pour que la sécurité publique, c'est-à-dire la persistance de
l'ordre nouveau, n'en soit point gravement compromise. Que, dans ces divers
domaines, l'une quelconque de ces conditions essentielles ne soit point
réalisée, et c'est à nouveau, inévitablement, sous une forme quelconque, le
retour à des conflits, à des luttes finalement à l'autorité du plus fort, en
raison de cette loi naturelle, physiologique, qui fait que les organismes
sociaux, de même que les corps vivants, réagissent toujours, par instinct de
conservation, contre les éléments de désagrégation et de mort surgis en eux, et
ne cessent de réagir, sous peine de mort pour eux-mêmes, que lorsque ces
éléments destructeurs ont été expulsés, anéantis, ou réduits à l'impuissance,
par un moyen plus ou moins brutal ou bénin. Que ces conditions soient
réalisées, ce qui peut nous reporter à une échéance lointaine, mais non
illusoire cependant - le progrès humain ayant, depuis l'âge des cavernes,
réalisé bien d'autres merveilles! - et l'humanité se trouvera libérée des
principales entraves qui nuisaient à son bonheur et retardaient sa marche. Il
ne restera plus aux humains que l'obligation, dans leurs accords en vue de
l'hygiène de l'espèce, et d'une production collective aux exigences de plus en
plus réduites, de se conformer à un petit nombre de règles biologiques,
justifiées par l'expérience et consacrées par la nécessité. –
Jean MARESTAN
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