dimanche 7 avril 2019

Lignes N°58

"Face à l'impossible, reste l'utopie"  Par Sophie Wahnich


"Nous savons que les réfugiés syriens en 2016 avaient demandé à parler à un représentant de l'ONU pour faire valoir leurs droits d'êtres humains. Ils avaient rencontré le représentant français et rien obtenu: ils s'étaient cousu les lèvres."

"C'est bien en trahissant les principes inscrits dans la déclaration qu'on devenait étranger et non parce qu'on était né en pays étranger. La citoyenneté était d'ailleurs alors vécue comme un droit naturel lié à la déclaration des droits de l"homme et du citoyen. C'est pourquoi il n'était pas nécessaire d'attendre que la loi constitutionnelle soit rédigée pour se déclarer citoyen, se penser comme tel et agir comme tel. Qu'on soit finalement déclaré citoyen passif parce que pauvre, femme ou étranger, c'est la citoyenneté en acte qui avait d'abord fondé la place de chacun dans cette cité révolutionnaire."

"Peut-être réinventer une cosmopolitique aujourd'hui? La cosmopolitique n'est pas une administration de troupeaux soumis à la puissance du commerce, mais bien une politique qui pense son partage et ses exclusions."

Citant Kant dans son "Projet de paix perpétuelle":

"Deux principes justifient cette approche: le premier est " le droit qu'à l'étranger, à son arrivée dans le territoire d'autrui, de ne pas y être traité en ennemi", tant qu'il n'offense personne. Le second est "le droit qu'à tout homme de se proposer comme membre de la société, en vertu du droit de commune possession de la surface de la terre sur laquelle, en tant que sphérique, ils ne peuvent se disperser à l'infini; il faut donc qu'ils se supportent les uns à côté des autres, personne n'ayant originairement le droit de se trouver à un endroit de la terre plutôt qu'à un autre."

"Réinventer notre cosmopolitique serait alors la bonne manière de rendre frontière mobiles par une nouvelle souveraineté en actes, régulée par des lois et des accords politiques qui penseront à nouveau l'hospitalité comme une conséquence de la géographie physique à la manière de Kant et selon une géopolitique qui fasse cas des droits de l'homme au point de considérer que refuser l'hospitalité à quelqu'un qui partage l'amour de cette déclaration soit considéré comme un crime contre cette déclaration, et donc un crime contre l'humanité. Si l'on accepte de confier à nouveau a la déclaration des droits de l'homme et du citoyen la véritable sauvegarde de notre humanité, tout ce qui déshumanise l'humanité, tout ce qui rend ineffectif le droit déclaré dans ces textes sacrés du XVIII° siècle, devrait être traité en crime. Aussi, la fabrique à nouveau frais , d'une société des nations qui partage la sacralité de ces textes devrait vraiment devenir notre question politique centrale.

Car à quoi bon survivre au changement climatique si nous ne faisons pas barrière énergiquement aux dystopies qui nous sont promises? Hiérarchie abjecte entre ceux qui auront, non plus le droit mais le privilège, de survivre voire de bien vire, et ceux qui seront relégués dans une vaste périphérie ou les privilégiés les laisseront simplement mourir.

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