La fidélité
est la constance dans les affections. C'est aussi l'exactitude à
remplir ses engagements. Dans ces deux cas tout au moins, il s'agit
bien d'une qualité précieuse, et non d'un préjugé. Une amitié
fidèle est une amitié que ni le temps, ni l'adversité, ne peuvent
affaiblir. Il n'est pas de plus grand réconfort au cours d'une
existence tourmentée. Un amour fidèle est un amour qui domine
toutes les circonstances de la vie et, malgré les ans et les
déceptions, demeure attaché à son objet. Qui donc ne souhaiterait
d'être aimé ainsi? La fidélité a un idéal, c'est la lutte
persévérante à son service, malgré les obstacles qui s'opposent à
sa réalisation. Lui préférerait-on le caprice des snobs ou le
mercantilisme des « girouettes »? Quant au respect de la parole
donnée, il est la condition indispensable de l'harmonie dans une
société libre. Le loisir peut, en effet, demeurer sans grand
inconvénient à la merci de la fantaisie, non la production
industrialisée. La lutte collective, par vastes associations, pour
la conquête quotidienne du maximum de bien-être, avec le minimum
d'efforts, comporterait - sous peine de misère générale à bref
délai l'observation stricte de dures règles de présence et de
travail, imposées non par l'arbitraire, mais par l'inéluctable
nécessité. Qu'un trop grand nombre de travailleurs ne se fassent
pas de l'observation de ces règles un cas de conscience, et ce
serait, inévitablement, d'abord le gaspillage et la gêne, les
tâches rendues plus longues ; ensuite, la révolte légitime des
bonnes volontés contre l'insouciance et le parasitisme ; finalement,
le recours à des moyens de force - c'est-à-dire à l'autorité pour
la préservation de la sécurité publique, les citoyens trouvant,
une fois de plus, meilleur bénéfice à se replacer sous le joug de
lois sévères, qu'à continuer de subir dans une liberté toute
théorique, les licences de leurs voisins. Le mot fidélité est
employé fréquemment pour désigner la qualité de ce qui est de
bonne foi, ou conforme à la vérité. On dit, par exemple, d'une
personne qu'elle est un témoin fidèle, lorsqu'elle décrit, sans en
altérer le caractère et la portée, avec le souci dominant de la
réalité des faits, les événements auxquels il lui a été donné
d'assister. Voici une vertu d'autant plus digne d'estime qu'elle est
plus rare. C'est, en effet, un travers commun à beaucoup trop de
gens que de décrire les choses - non telles qu'elles sont le mieux
de leurs convenances personnelles. Ceci n'aboutit qu'à faire perdre
du temps au monde, car l'illusion masque la réalité, mais ne la
modifie point, et, tôt ou tard, la vérité se révèle à tous les
veux, tel le soleil dissipant les brumes. Dans le code du mariage, le
mot fidélité se rapporte à l'obligation légale faite aux
conjoints, mais tout particulièrement à la femme, de n'avoir de
rapports sexuels qu'entre eux, à l'exclusion de toutes autres
personnes. Et voici, en raison des circonstances qui président aux
épousailles, un cas où la fidélité mérite incomparablement moins
notre admiration que dans ceux qui précèdent. Certes, c'est un
droit absolu pour des amants brûlant d'un amour unique, de se vouer
l'un à l'autre sans partage. C'est encore leur droit de se jurer -
imprudemment! - un amour éternel, et de s'efforcer de tenir parole.
Mais, dans le mariage légal, il n'est pas question de cela. La loi
n'exige aucun serment de ce genre, et ne s'inquiète pas des motifs
qui ont pu déterminer deux êtres à s'unir. Ils peuvent se détester
dans quarante-huit heures, et se tromper en pensée tant qu'ils le
voudront, elle n'en a cure. Ce qu'elle sanctionne - et c'est là le
méprisable de la chose - c'est un véritable contrat d'achat, par
lequel une femme - qui agit parfois contre son désir, et sera tenue
dorénavant d'obéir à son mari échange d'une garantie de
protection et d'entretien, quelle que soit la conduite future de
l'époux, quels que puissent être, par la suite, ses propres
sentiments, tant que n'aura pas été rompu par la mort, ou par la
décision de magistrats indifférents en l'occurrence, le lien qui
les a réunis. Il ne s'agit plus du don joyeux de soi-même, de la
part de gens qui se sont accordés librement, sans cesser de
s'appartenir, mais bien de l'acceptation passive d'une chaîne que
l'on sera contraint de subir encore, même lorsqu'elle n'inspirerait
plus qu'un dégoût profond. Tout ceci se trouve, évidemment, en
fonction des conditions actuelles de la propriété, de la
responsabilité paternelle, et des dispositions concernant
l'héritage. Aussi n'y a-t-il pas lieu de jeter la pierre à ceux qui
s'y soumettent, surtout lorsqu'ils réduisent, en fait, l'alliance à
une formalité d'assurance sociale, et à une simple cérémonie
conventionnelle. Mais il n'est pas inutile de souligner que, si la
fidélité sexuelle librement consentie n'a rien de ridicule et
peut-être un élément de bonheur à deux, celle qui est imposée
par la force, même en accomplissement de certaines nécessités
économiques, n'est qu'un vestige d'esclavage.
- Jean
MARESTAN
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