Sur l'éducation:
" Mais il était fatal que ces anti-autoritaristes reconnaissent d'emblée - et ils furent, à gauche, à peu près les seuls à le faire avec cette inlassable insistance - les dangers et les menaces à la liberté que porte l'idée même d'une éducation nationale, projet qu'ils perçoivent aussitôt comme une appropriation par l'État des cerveaux des enfants. Qu'attendre d'une telle éducation sinon qu'elle forme des lobotomisés ? Qu'en attendre sinon l'immolation de la liberté sur l'autel du conformisme, de la créativité sur celui de la pensée commune, de la fraternité sur celui du nationalisme étroit et ethnocentriste ? Qu'en attendre, enfin, sinon la fabrication d'individus dociles, obéissant aux Maîtres et notamment aux patrons, et qui seront entièrement disposés - la Première Guerre mondiale en donnera la décisive et sanglante preuve - à aller mourir au front sitôt l'ordre donné ?"
"Il est pourtant un thème central de la pensée anarchiste sur l'éducation qui, hier encore, était très largement tenu pour allant de soi, mais dont on peut craindre aujourd'hui la redoutable disparition. Pour les anarchistes, en effet, il était crucial de situer le projet d'éduquer dans la perspective large de la production d'individus libres, égaux et souverains, et donc d'affirmer fortement l'irréductibilité d'un tel projet à toute forme d'adaptation fonctionnelle des individus au monde environnant -et pire encore, au seul marché du travail. Cette idée était hier encore très largement tenue pour claire et évidente : John Dewey, qui est sans doute le plus important penseur américain de l'éducation de ce siècle, la considérait comme allant de soi. "
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