Ce mot sert
à désigner, d'une façon générale, tout groupement de personnes
ou de choses ayant une même origine, ou présentant, pour le moins,
des caractères d'analogie, ou de solidarité, en conformité avec
ceux qui sont ordinairement le résultat d'une commune origine.
Grammaticalement parlant, une famille de mots représente l'ensemble
des mots possédant la même racine, tels les mots : société,
sociétaire, social, sociologie, etc... Les animaux, les végétaux
et les minéraux sont classés par familles, par les naturalistes, en
raison des ressemblances qu'ils présentent avec tel ou tel type bien
nettement déterminé. Le chat est, par exemple, l'animal type
correspondant à la famille des félidés. Dans la société humaine,
on dit communément de catégories sociales qui ont des intérêts ou
des mœurs identiques, qu'elles constituent une grande famille. Ainsi
l'ensemble des travailleurs manuels, sans distinction de sexe ni de
nationalité, constitue « la grande famille ouvrière. ». Dans
l'antiquité romaine et au Moyen-Age, étaient compris dans la
famille tous les serviteurs dépendant d'un seul maître et vivant
dans sa maison.
À notre
époque, le mot famille est surtout usité dans le sens d'association
de personnes unies par les liens de la parenté. La famille actuelle
est ordinairement composée du père, de la mère, des enfants, des
petits-enfants et des grands-parents, c'est-à-dire d'une lignée
directe, à laquelle s'ajoutent, en second plan, les collatéraux :
oncles, cousins, etc...
Dans les
groupements à caractère primitif, comme chez les indigènes de la
Polynésie, où le partage des moyens de subsistance offerts par la
nature est de règle, la plupart de ces distinctions comptent peu.
D'abord, en raison du régime de la polygamie, sinon de la
promiscuité sexuelle, d'après lequel la progéniture peut être
issue d'un même père et de mères diverses, ou réciproquement.
Ensuite, parce que tout ce qui n'est point étroitement associé par
le désir, en vue de la procréation, ou par l'instinct des
géniteurs, en vue de la protection de l'enfance en bas-âge, tend à
se confondre pour autrui avec le reste de la tribu. Il est probable
que les premiers hommes ne vécurent point autrement, et que les
hordes qui les réunissaient étaient, à l'exemple des troupeaux, de
plus en plus rares, vivant à l'état sauvage, dans la brousse
équatoriale, ou les prairies américaines.
L'importance
donnée au mariage et à la parenté, même très éloignée, est en
rapport étroit avec le développement de la propriété
individuelle, laquelle comporte le partage des biens, à l'occasion
des héritages, et reporte, s'il le faut, sur de vagues alliés, en
l'absence de notoires consanguins, ce qui eût dû être le lot d'une
directe et légitime descendance. Ne pouvant compter sur l'ensemble
de la société pour assurer sa subsistance et celle de ses enfants,
la femme est nécessairement portée à rechercher, dans le contrat
légal avec un homme capable de pourvoir à son entretien, des
garanties de sécurité que les liaisons de hasard ne lui confèrent
pas. L'homme, de son côté, veille sur son épouse avec un soin
d'autant plus jaloux que les enfants qu'elle pourrait avoir avec
d'autres galants seraient pour son budget, pendant des années, une
lourde charge. Quant aux parents, ils ne peuvent se désintéresser
totalement de la conduite de leurs filles dès l'instant que,
conservées vierges jusqu'aux épousailles, et bien casées, elles
peuvent devenir pour eux une source de beaux revenus, ou que, jetant
par-dessus les moulins leurs bonnets, elles risquent de rester au
foyer paternel de coûteux laissés-pour compte, avec sur les bras
des « bâtards » dont, à part l'Assistance, ou quelque brave cœur,
personne ne voudrait.
La
constitution de la famille actuelle n'est donc pas seulement une
question de préjugés. Elle est liée à une situation économique,
dont les exigences sont beaucoup trop graves pour que l'on puisse
songer à modifier très sensiblement les mœurs familiales, tant que
cette situation économique n'aura point été elle-même soumise à
de profondes modifications, grâce à des assurances sociales
mutuelles, que seule peut garantir l'exploitation, par la
collectivité tout entière, des moyens de production et de
consommation. Ce retour vers le communisme primitif, quoique avec des
formes considérablement différentes, ne nous ramènerait point
forcément à la promiscuité brutale, et aux habitudes de rapt, du
troupeau contemporain de la pierre polie. L'être humain s'est,
depuis cette époque, affiné suffisamment par le culte de la science
et des arts, et les préoccupations intellectuelles de tout genre,
pour s'être rendu apte à de plus courtoises et poétiques
relations.
La famille,
qui représente un petit état dans l'État, est ordinairement à
l'image de la société dont elle est une partie constitutive. Le
père y fait fonction de souverain. Despotique jadis, jusqu'à
conférer le privilège de disposer de ses enfants et même d'avoir
sur eux droit de vie et de mort, son rôle est devenu plus modeste, à
mesure que la femme prenait dans la vie publique une importance plus
grande, et que la jeunesse s'émancipait au souffle des conceptions
démocratiques et révolutionnaires.
Quand auront
disparu les contraintes d'ordre économique et juridique qui liaient
les uns aux autres, souvent bien malgré eux, des êtres
d'aspirations incompatibles, il est probable que les humains se
réuniront en raison de leurs sympathies intellectuelles et
sentimentales, beaucoup plus qu'en vertu d'autres motifs, et qu'ils
vivront librement par groupes où la consanguinité sera d'une
importance secondaire.
‒Jean
MARESTAN.
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