Doctrine
philosophique qui reconnaît l'existence d'une cause finale et admet
que tout ne se fait qu'en vue d'une fin voulue et déterminée.
Sociologiquement, les anarchistes communistes ne peuvent pas, à
notre sens, ne pas admettre une « cause finaliste », c'est-à-dire
un but à atteindre. Pour nous, la finalité, sociologiquement, c'est
la transformation, totale, complète, de la société moderne, et
l'organisation d'une société nouvelle, élaborée sur les principes
du communisme antiautoritaire. Considérant l'état d'évolution des
sociétés modernes, et le temps nécessaire à réaliser une telle
transformation, les négateurs de l'anarchisme communiste peuvent
objecter que la vie humaine, que la vie d'une génération ne peut
pas suffire à une telle entreprise, et que conséquemment une
croyance finaliste est ridicule. Nous ne le pensons pas. L'individu a
des besoins et des désirs immédiats, mais il a aussi des
aspirations. La vie de l'homme est un tout ; elle ne se compose pas
uniquement de nécessités matérielles, mais aussi d'espérances ;
or, on peut considérer l'espérance humaine comme un voyage de
l'esprit dans l'avenir. L'être imprécis, qui ne sait pas ce qu'il
veut est aussi un être indécis dans la lutte, et si l'on juge que
l'amélioration du genre humain ne peut être obtenue que par une
lutte constante et méthodique, il est indispensable d'envisager un
but, et de mener le combat pour essayer de l'atteindre et de s'en
rapprocher. D'autre part, nous pensons que l'individu a besoin d'un
idéal. Cet idéal est ce que l'on peut appeler « la finalité ».
Est-il intangible? Ce n'est pas ce que nous affirmons, mais nous
croyons que de cet idéal dépendent toute son action, toute son
activité, et toute sa vie collective et sociale. Or, pour nous,
anarchistes communistes, qui, sans nier la valeur individuelle,
prétendons cependant que l'individu est le produit de la
collectivité, qu'économiquement il sera toujours subordonné à
cette collectivité, nous supposons que sa libération ne peut être
que le résultat de 1a libération économique de toute la
collectivité. De là à se tracer un but, il n'y a qu'un pas, et
nous avons raison de dire que sans ce but la lutte est inexistante ou
tout au moins différente. Et, en effet, l'individu estimant qu'il
peut dans la société actuelle trouver un bonheur relatif mais
satisfaisant, orientera son action autrement que celui qui juge
différemment. L'homme guidé par un égoïsme particulier et
personnel, qui n'envisage que le présent le plus immédiat, ne sera
jamais un révolutionnaire, au sens que nous donnons à ce mot, mais
un individualiste bourgeois n'hésitant pas à user de tous les
moyens pour satisfaire aux besoins de son individu. En vérité,
chacun conçoit une finalité, c'est-à-dire une cause finale, un
but.
Un homme qui
traverse la vie sans but est semblable à un animal dépourvu de
toute intelligence. Selon nous, ce qui différencie l'homme de la
bête, c'est justement que le premier se crée indéfiniment de
nouveaux besoins matériels, intellectuels et moraux, et provoque
ainsi l'évolution de l'humanité, alors que le second n'a
apparemment que des besoins spécifiquement matériels. L'homme est
sorti de la trivialité et de la bestialité parce qu'il a conçu une
cause finale et que toujours il a cherché à l'atteindre. Plus cette
cause finale, ce but, est généreux, plus il signale une conquête
de l'esprit sur la matière, de l'intelligence sur la force brutale.
Chimère, diront certains! Mais non. La civilisation marche à pas
lents, mais elle marche, et il nous faut espérer qu'un jour, las de
se déchirer, les hommes fraterniseront et tendrement unis, vivront
en paix dans un monde harmonique. Poursuivront-ils un autre but,
alors ? Qui sait !
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