Action
de dévier. Changement dans la direction naturelle. La déviation
d'un corps, la déviation d'un boulet. Ecart moral. Une déviation de
principes. Les déviations socialistes, communistes, anarchistes. Y
a-t-il des déviations anarchistes et l'Anarchisme peut-il dévier?
Il faudrait, pour établir un critérium, établir auparavant ce
qu'est l'anarchisme et nous poser cette question : qui est
anarchiste? Dans « The Road of Freedom », revue américaine, Théo
Mill commençait ainsi un article : « Si vous rencontrez dans la rue
un passant qui vous déclare être Shakespeare ou Napoléon, sans
aucune hésitation vous affirmerez que cet homme est un fou ; mais
s'il vous déclare qu'il est socialiste ou anarchiste, vous
enregistrerez simplement sa déclaration et lui ouvrirez votre coeur,
car il n'y a aucune possibilité de juger de sa sincérité ». En
effet si nous laissons de côté les petits actes secondaires de la
vie, nous
sommes
obligés de reconnaître qu'il est difficile à un anarchiste de
donner une preuve absolue de sa loyauté et que sa sincérité et son
abnégation ne peuvent se manifester que lorsque, à l'évolution
lente et méthodique fait suite, à la faveur des événements,
l'action révolutionnaire. Il en est ainsi dans tous les domaines de
l'action politique et sociale, et ce qui est vrai pour les
anarchistes l'est également pour les socialistes ou les communistes.
Chez les uns et chez les autres l'héroïsme est subordonné aux
événements. Nous avons dit par ailleurs, que tous les partis
politiques avaient fait faillite et que le communisme qui fut un
moment l'espérance du monde du travail s'était à son tour
discrédité. L'Anarchisme est donc à nos yeux la seule conception
philosophique et sociale qui puisse assurer le bonheur de l'humanité
puisqu'il est de toute évidence que le socialisme qui a tenté une
expérience en Angleterre, en Allemagne et même en France, n'a
apporté que des résultats négatifs et que le communisme
autoritaire n'a pas été plus heureux en Russie. D'où viennent
alors la faiblesse numérique des Anarchistes et le peu de crédit
qu'ils rencontrent auprès des profanes? D'où viennent les
difficultés qu'ils ont à attirer l'attention du peuple et à
s'attacher ses sympathies? Les campagnes de calomnies menées contre
eux ne sont pas suffisantes à expliquer ce phénomène ; il y a
d'autres causes, d'autres facteurs qu'il nous faut rechercher, si
nous voulons sincèrement étudier le problème et le résoudre. La
guerre de 1914 ne semble pas avoir été un enseignement pour les
individus et les anarchistes peu nombreux déjà avant la tuerie se
sont disséminés durant le massacre. Rien d'étonnant par conséquent
à ce qu'ils traversent, après la guerre, une période de crise. Du
reste, cette crise n'est pas particulière à l'Anarchisme. Tous les
partis politiques la subissent et se trouvent dans un état
d'amoralité regrettable. Mais ce qui est concevable pour toute
organisation politique ne l'est pas pour l'Anarchisme. Il est évident
que l'Anarchiste subit les mêmes influences, est soumis aux mêmes
variations, aux mêmes courants que les autres individus, et qu'étant
Anarchiste on n'en est pas moins homme ; pourtant il nous semble que
ces influences devraient produire sur l'Anarchiste des effets
contraires et qu'ils devraient, dans une large mesure, bénéficier
du chaos dans lequel se débattent les puissances d'autorité. Il
faut donc, puisque la réalité est tout autre, découvrir le
diagnostic et, ce qui est plus complexe, lui trouver un remède. S'il
nous fallait faire l'historique du mouvement anarchiste, nous nous
apercevrions bien vite que « l'individualisme » fut une des causes
primordiales de toutes les déviations anarchistes. Certes, au point
de vue philosophique, nous sommes, anarchistes communistes, aussi
individualistes que quiconque, et nous le sommes, non pas parce que
nous le voulons, mais parce que l'égoïsme est à la base de toute
vie individuelle et sociale et qu'il est impossible de concevoir un
être qui ne serait pas animé par un sentiment d'égoïsme. Il
apparaît cependant à l'analyse que tout cela n'est qu’une
spéculation intellectuelle, non pas utile en soi, mais qui
embrouille et compromet tout 1’avenir social. C'est précisément
parce que certains ont abandonné le domaine social, le terrain
populaire, pour se cantonner sur le terrain philosophique, que
l'Anarchisme a dévié, qu'il s'est divisé en sectes, en clans, en
écoles et que, si cette pratique se poursuivait, il y aurait bientôt
autant d’Anarchismes que d'Anarchistes. Toute idée philosophique
mal interprétée est néfaste, et celles du déterminisme et de
l'égoïsme ont été incomprises par quantité d'individus pénétrant
notre milieu, et cette incompréhension a concouru à faire dévier
l’Anarchisme de sa ligne. Nous voyons tel bandit, tel criminel,
ignorant absolument tout de nos idées, de nos conceptions, de nos
aspirations et condamné pour un meurtre odieux à la peine de mort
monter à l'échafaud au cri de « Vive l'Anarchie ! », et tel autre
bourgeois à la Follin prétendre également être Anarchiste ; et
les adversaires de l'anarchisme en profitent pour affirmer que «
Anarchie » est synonyme de désordre. Nous savons
qu'étymologiquement « Anarchie » signifie « sans autorité » et
qu'en conséquence nous n'avons aucun droit de contester à quiconque
le droit de se réclamer de l'Anarchie ; du reste, le voudrions-nous,
nous ne pouvons imposer aucune sanction à l’Anarchiste «
d'opéra-comique », et pourtant la liberté n'est qu'une chose
relative dans une société où tout repose sur l'autorité. Où
commence-telle et où s'arrête-t-elle? M. Victor Serge,
ex-individualiste notoire, et à présent agent du Gouvernement
bolcheviste, se prétend toujours Anarchiste, et Ernest Girault
également. Si à nouveau nous nous placions sur le terrain de la
philosophie pure, ils ont raison, ils ont le droit et la liberté de
se dire Anarchistes, mais alors, peuvent également se déclarer
Anarchistes : le policier qui nous arrête, le magistrat qui nous
juge, et le bourreau qui nous exécute. C'est, à nos yeux, sur le
terrain social, et sur le terrain social seul, que nous devons
considérer les possibilités Anarchistes. Les mots n'ont que la
valeur qu'on veut bien leur prêter, et il n'est de critérium
possible, qu'en recherchant les origines de l'Anarchisme pour en
arrêter les déviations. C'est en 1865, à la suite de certains
voyages de Français à Londres, que se fonda l'Association
Internationale des Travailleurs. A ses débuts, cette organisation ne
poursuivait aucun but politique et s'était assigné comme travail,
d'étudier toutes les questions économiques intéressant la classe
ouvrière. A cette même époque, le Marxisme commençait déjà à
avoir ses adeptes, principalement en Allemagne, et Karl Marx, fin
politicien, envisagea les moyens propres à accaparer la nouvelle
puissance ouvrière. Avec un doigté remarquable, Karl Marx évita de
se mettre en évidence dans la jeune association, et n'assista même
pas aux premiers Congrès ; mais, suivant une coutume qui s'est
maintenue dans les milieux socialistes et qui fut adoptée plus tard
par les communistes, il usa de pratiques sournoises en faisant
travailler ses lieutenants. Lui restait dans l'ombre. La première
internationale fut ainsi « noyautée » par les éléments
politiques du marxisme, mais une opposition sérieuse ne tarda pas à
se manifester, et deux ans plus tard, en 1867, lorsque Marx eut
découvert ses batteries, Bakounine opposait à l'idéal marxiste «
d'une société autoritaire » un système qu'il appela le
fédéralisme antiautoritaire. Ce ne fut pourtant que bien plus tard,
exactement en 1871, qu'une majorité antimarxiste s'affirma au sein
de l'Internationale et ce n'est véritablement qu'en 1873, au sixième
Congrès Internationa1 de Genève, que, à la suite des manœuvres de
Marx, qui ne pouvait accepter de se trouver dans la minorité, la
scission, devenue inévitable, divisa les forces ouvrières.
Bakounine et ses amis n'hésitèrent pas après avoir fédéré les
éléments antiautoritaires de l'Association Internationale des
Travailleurs, à fonder la Fédération Jurassienne, qui fut en
vérité, la première organisation anarchiste. C'est donc à cette
époque que l'on doit placer la naissance du mouvement Anarchiste, en
tant que mouvement autonome, détaché de toute autre organisation
politique ou sociale ; car si, antérieurement, les partisans d'une
société antiautoritaire, avaient travaillé en collaboration avec
les autres éléments révolutionnaires, ils entendaient en quittant
l'Association Internationale des Travailleurs, créer un mouvement
bien défini et, en évitant toute confusion possible, se
désolidariser entièrement des défenseurs du principe d'autorité.
La résolution qui fut présentée au Congrès de Berne en 1876 et
qui fut acceptée par l'unanimité des délégués situe nettement
les adversaires de l'autorité et signalent les buts que poursuivent
les Anarchistes. Voici cette résolution :
1°
Plus de propriété, guerre au capital, aux Privilèges de toutes
sortes et à
l'exploitation
de l'homme par l'homme ;
2°
Plus de Patrie, plus de frontières ni de lutte de peuple à peuple ;
3°
Plus d'Etat, guerre à toute autorité dynastique ou temporaire et au
parlementarisme 4° La révolution sociale doit avoir pour but de
créer un milieu dans lequel,
désormais,
l'individu ne relèvera que de lui-même, sa volonté régnant sans
limite et
n'étant
pas entravée par celle du voisin. C'était bien là un programme
social, non pas individuel, mais collectif et, pour préciser
l'esprit qui animait les Anarchistes, et rechercher sincèrement ce
que fut l'Anarchisme à ses débuts, il n'y a qu'à reprendre la
résolution d'Elisée Reclus, présentée au 3ème Congrès
Anarchiste de Fribourg et adoptée à l'unanimité des délégués
présents : « Nous sommes révolutionnaires parce que nous voulons
la justice … Jamais un progrès ne s'est accompli par simple
évolution pacifiste et il s'est toujours fait par une évolution
soudaine. Si le travail de préparation se fait avec lenteur dans les
esprits, la réalisation des idées se fait brusquement. Nous sommes
des Anarchistes qui n'ont personne pour maîtres et ne sont les
maîtres de personne ... Il n'y a de morale que dans la liberté.
Mais nous sommes aussi collectivistes internationaux, car nous
comprenons que la vie est impossible sans groupement social ».
Enfin, en 1880, un Congrès, tenu également en Suisse, décide
d'abandonner le terme « Collectivisme » et d'adopter celui de «
Communisme ». Si l'on veut polémiquer en toute sincérité, on
reconnaîtra aisément que les thèses soutenues par les «
Anarchistes individualistes » sont loin, bien loin, de ces
résolutions et si l'on accepte comme étant le but de l'Anarchisme
et des Anarchistes de réaliser une société sans autorité, au
moyen de la Révolution sociale, on constatera que bon nombre de nos
amis se sont sensiblement éloignés des bases fondamentales sur
lesquelles reposait l'organisation primitive des Anarchistes. La
question que nous voudrions ici éclaircir, n'est pas de savoir qui
est dans la logique et dans la raison ; si ce sont nos camarades qui
se réclament de l'individualisme ou ceux qui se réclament du
communisme libertaire. Ces questions sont l'objet d'un examen spécial
et d'une étude à part. Nous voulons rechercher, s'il y eut des
déviations anarchistes et qui, idéologiquement à l'heure actuelle,
peut se réclamer de l'Anarchie.
Un
mouvement se crée, il établit une ligne de conduite, il se trace un
chemin, il détermine son but ; ce mouvement, pour se caractériser
des autres mouvements, pour se signaler de ceux qui prennent une
route qui, à première vue, semble parallèle, choisit un terme, une
appellation inusitée antérieurement. Au bout d'un certain temps,
débordant des cadres de ce mouvement, un certain nombre d'individus,
à tort ou à raison, le considérant comme n'étant pas conforme à
leurs aspirations, s'en séparent et forment à côté un autre
groupement, une autre association. Ils sont peut-être dans le vrai,
la raison et la logique peuvent être de leur côté, mais s'ils
emploient, pour signifier leur mouvement, la même terminologie que
celui qu'ils viennent d'abandonner, immédiatement se manifeste une
confusion, et leur mouvement n'est qu'une variation, qu'une déviation
du mouvement d'origine. C'est ce qui s'est produit pour l'Anarchisme,
et sincèrement ne devraient se réclamer de l'Anarchisme que ceux
qui sont restés dans les grandes lignes de la tradition. Nous
n'avons pas l'intention, nous l'avons dit, de faire l'historique de
tout le mouvement anarchiste. Nous ne nous arrêterons donc pas à
tous les actes d'héroïsme qui illustrèrent le mouvement Anarchiste
de 1877 à 1896. En Italie, c'est Cafiero et Malatesta qui, à la
tête d'une poignées d'hommes brûlent les archives de Letina et de
San Gallo, prennent armes et argent et les distribuent au peuple ; en
Allemagne ce sont les attentats contre Guillaume Ier ; en Espagne, en
Russie, c'est l'action révolutionnaire qui reprend avec vigueur ; en
France c'est la période tragique qui fait trembler la bourgeoisie ;
mais c'est aussi la chasse à l'homme, la répression brutale et
terrible du capital qui a peur et qui se défend. Oui, certes, on
blâme « l'anarchisme » qui éveille chez l'individu une telle
vigueur, on blâme l'idée qui fait jaillir une telle source
d'énergie désintéressée, mais les adversaires les plus
irréductibles, sont obligés de reconnaître néanmoins la sincérité
des hommes qui se sacrifient pour une cause qui est juste, et si l'on
qualifie de rêveurs ceux en qui a germé l'idée de rénover le
monde, on se courbe tout de même devant la beauté du but, devant la
grandeur de l'idéal poursuivi. Mais hélas, toute médaille a son
envers, et à côté de cette noblesse, évoluent les spéculateurs
de l'idée anarchiste, qui vont se charger de la discréditer. Tous
ceux dont l'égoïsme particulier n'est pas satisfait, tous ceux qui,
traînant comme un boulet leurs tares physiques et morales, cherchent
dans ce monde imparfait à assouvir leur soif de jouissance, vont se
couvrir du manteau de l'Anarchisme pour légitimer leur méfaits. Et
l'Anarchie crédule et confiante ouvre ses portes ; elle accueille,
loyalement et sans arrière-pensée, ces aventuriers qui, petit à
petit, s'implantent, s'imposent, envahissent le mouvement, à la
grande joie de la bourgeoisie qui les présente à la masse ignorante
comme les anarchistes, les vrais. Et cependant que, fatiguée par une
intense période de lutte et de coercition, l'Anarchie se repose,
cependant qu'à la violence des premières heures a succédé la
période d'instruction de la classe ouvrière, qui, émotionnée par
les événements, cherche à savoir, pénètrent chez nous les faux
savants, les faux philosophes, colporteurs ignares de lectures qu'ils
n'ont pas digérées, et dont tout l'anarchisme se réduit à
considérer leur petite personne, planant au-dessus « des humains
trop humains ». Alors, c'est la discussion lassante et stérile,
c'est l'oeuvre ébauchée par les aînés qui se désagrège, c'est
l'anarchie sectionnée, amputée qui se défend contre les attaques
de l'extérieur et de l'intérieur. Toutes les tentatives d'unifier
le mouvement sont vouées à un échec. On ne marie pas de l'huile et
de l'eau, et les divergences qui séparent les différentes écoles
creusent un fossé entre les différents éléments qui se réclament
de l'anarchie. En 1900, les étudiants socialistes internationalistes
de Paris lancent le cri d'alarme et, dans un manifeste, demandent aux
anarchistes de s'entendre. Peine perdue, leur appel reste sans écho,
et l'anarchisme continue à se perdre en discussions stériles. En
1907, a lieu le Congrès Anarchiste d'Amsterdam où notre cher
camarade Malatesta fait l'impossible pour jeter les bases d'une
organisation internationale. On souscrit à sa proposition, il sort
victorieux de la discussion mais hélas, les engagements pris de part
et d'autre ne sont pas suivis d'effets et les espérances sont
déçues. Le mouvement reste ce qu'il était : chaotique, personnel,
toujours. Et c'est la grande guerre, qui vient à son tour jeter le
trouble dans le mouvement Anarchiste. Des hommes, et non des
moindres, prennent parti pour la France « du droit et de la liberté
». Les Kropotkine, les Jean Grave, les Malato, les Pierrot,
découvrent un Anarchisme patriotique et publient le trop fameux
manifeste des seize, dont s'empare toute la bourgeoisie « alliée »
comme tremplin, pour entraîner à la boucherie des millions de
travailleurs. La guerre se termine et à la déviation patriotique
succède la déviation syndicale. On confond anarchisme et
syndicalisme et comme si cela n'était pas encore suffisant pour tuer
l'Anarchisme, le Communisme autoritaire, profitant de la
désorientation des Anarchistes absorbe une partie de ses éléments.
Le plus brièvement possible nous avons exposé ce que nous entendons
par déviations Anarchistes. L'Anarchie souffre de ces déviations,
et il faudrait, pour la relever, revenir à une plus saine
compréhension de la doctrine. Les camarades, les compagnons
anarchistes, reliraient utilement et avec profit le bref discours que
fit sur l'organisation, en 1907, notre ami Malatesta. « On s'écrie
avec Ibsen, que l'homme le plus puissant du monde, est celui qui est
le plus seul et cela est un non-sens énorme », dit notre camarade.
« L'homme « seul » est dans l'impossibilité d'accomplir la plus
petite tâche utile, productive ; et si quelqu'un a besoin d'un
maître au-dessus de lui, c'est bien l'homme qui vit isolé. Ce qui
libère l'individu, ce qui lui permet de développer toutes ses
facultés, ce n'est pas la solitude, c'est l'association » (E.
Malatesta). Mais pour s'associer faut-il encore avoir, dans ses
grandes lignes un programme commun. « Les mots divisent et l'action
unit », il serait donc utile pour mettre fin au flottement dont
souffre l'anarchisme depuis tant d'années de mettre fin à la
discussion stérile. Un certain nombre de camarades anarchistes
communistes ont compris le danger et, en 1926, au Congrès d'Orléans,
ils ont tenté de remettre sur pied un programme, susceptible, non
seulement de rencontrer la sympathie de presque tous les anarchistes
révolutionnaires, mais aussi d'intéresser le peuple. Espérons que
leurs travaux ne seront pas vains et que l'avenir leur apportera une
récolte abondante. Jetons un coup d'oeil dans le passé, et
profitons des erreurs de ceux qui nous ont précédé pour ne pas
commettre les mêmes. Nous avons accompli un formidable travail de
destruction. Rien n'a résisté à la critique et à la logique des
Anarchistes ; toutes les branches, tous les rouages des sociétés
autoritaires ont été idéologiquement détruits ; le militarisme,
le nationalisme, le patriotisme, le capital et la bourgeoisie, toute
l'autorité en un mot, a vu ses principes s'écrouler sur les coups
répétés de l'Anarchie. Il nous faut construire à présent.
Evitons donc de nouvelles déviations. Regardons autour de nous, et
constatons la faiblesse des autres organisations malgré la force
numérique de leurs membres. Le syndicalisme s'est piteusement
écroulé, parce qu’il n'a pas su rester dans la ligne droite qu'il
s'était tracée ; il est déchiré maintenant par les divers partis
politiques qui se disputent sa direction, comprenant que le
syndicalisme représente un intérêt tout particulier sur 1e terrain
électoral. Le socialisme, qui n'a pas su rester dans la tradition,
qui s'est corrompu dans un parlementarisme étroit, qui s'est
discrédité en abandonnant toute idée révolutionnaire, est menacé
de ruine, et ne conservera pas longtemps l'autorité dont il dispose
encore auprès des masses populaires ; quant au communisme, il se
perdra bientôt dans le démocratisme bourgeois. Il y a une place à
prendre dans le mouvement social et cette place revient à
l'Anarchisme. Remontons le courant, revenons à l'origine et, en
évitant toutes déviations dans le futur, l'anarchie, comprise et
aimée, en sortira régénérée et grandie.
-
J. C.
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