vendredi 9 novembre 2018

Condorcet Marquis de Jean-Antoine-Nicolas de Caritat « Ce que les citoyens ont le droit d'attendre de leurs représentants »





«Tout homme qui observe sans prévention, a dû s’apercevoir que nos ennemis ont deux manières d’exciter des troubles : la première, en protégeant de véritables conspirations, comme celle du camp de Jalès, comme celle qui vient d’éclater dans les départements de la Vendée, de la Mayenne, de la Loire ; la seconde, en fomentant toutes les causes de division ou d’anarchie, sans cherchera donner aucune direction aux mouvements qui peuvent en résulter. Celte seconde manière, qu’ils emploient avec succès, depuis 1789 au moins, est peut-être la plus dangereuse, parce que se bornant alors à flatter, à exaspérer les passions de tous les partis, à propager toutes les fausses opinions, leurs agents se confondent avec les citoyens égarés, avec les intrigants de toutes les classes ».
« Ils cherchent à diviser d’intérêt les riches et les pauvres, dont ce-pendant l’intérêt commun est l’établissement de l’ordre et la prospérité publique. Ils excitent la défiance des uns et la haine des autres, par-ce qu’ils savent que c’est là l’écueil fatal contre lequel ont échoué les efforts des peuples qui ont vainement voulu reconquérir la liberté ou la conserver ; parce qu’ils savent qu’en Angleterre, c’est en calomniant les niveleurs, c’est en les accusant de vouloir attenter aux propriétés, qu’on parvint à rendre odieux ceux qui, connaissant la vraie liberté, savaient par quel moyen il fallait l’assurer à leur patrie ; ceux enfin qui voulaient sincèrement établir une constitution républicaine ».
« Ils calomnient les amis de la liberté, et s’acharnent avec plus de fureur contre ceux qui, capables de former des plans et de les suivre, pourraient, s’ils avaient la confiance du peuple, sauver l’État dans des circonstances orageuses et difficiles. Or, il est aisé de voir que de tels moyens perdent toute leur force dès l’instant où il existe une constitution adoptée par le peuple, où tous les pouvoirs agissent suivant le mode qu’elle leur a fixé, et restent dans les limites qu’elle leur a données ».
« L’esprit actuel de la nation française est l’amour de l’égalité et de l’indépendance personnelle, la haine de toute autorité qui présente la moindre apparence d’arbitraire ou de perpétuité, le désir de voir toutes les institutions nouvelles favoriser les classes les plus pauvres et les plus nombreuses, et celui de fraterniser avec les hommes de tous les pays qui aiment la liberté, ou qui veulent la recouvrer ».
« Que jamais elle ne se laisse soupçonner de pouvoir partager cette opinion absurde, qu’il existe entre l’ordre et la liberté une incompatibilité réelle ; qu’elle cherche, au contraire, à détruire ce préjugé si funeste à la liberté, lorsqu'après de longues agitations, le retour de l’ordre de-vient un besoin impérieux pour la généralité du peuple ».
« Tous les membres ont un même objet : l’établissement d’une république fondée sur l’égalité et le maintien de la plus entière unité. Personne n’a songé, ni à partager la France en républiques confédérées, ni à soumettre les départements à la capitale, ni à établir, sous une forme quelconque, une autorité indépendante de la représentation nationale ».
« Ne pouvant, ni entraîner par leur éloquence, ni triompher dans les discussions par leurs lumières ou leurs talents, ils employèrent leur adresse à supposer à leurs adversaires ou à leurs rivaux des intentions secrètes et perverses. Au lieu de prouver leur opinion, de résoudre les objections qu’on leur proposait, ils trouvaient plus court d’établir que ceux qui n’étaient pas de leur avis trahissaient la cause du peuple, et voulaient détruire la liberté ».
« Toute assemblée représentative, dont les membres ne pourraient conserver l’indépendance entière de leurs opinions, où ils seraient obligés de garder le silence quand ils ne veulent être les instruments d’aucun parti, et qu’ils ne peuvent en être la dupe, une telle assemblée n’a plus cette liberté qu’exigent la nature de ses fonctions et le succès de ses travaux. Or, le plus léger doute sur la liberté d’une assemblée délibérante, ôte à ses décisions cette autorité de confiance, non moins nécessaire que l’autorité qui vient de la loi, et celle-ci même ne pour-rait alors subsister longtemps ».
« Étranger à tout parti, m’occupant à juger les choses et les hommes avec ma raison et non avec mes passions, je continuerai de chercher la vérité et de la dire ».

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