« Du fait, le
capitalisme n'a de cesse de ne pas passer pour ce qu'il est, quand le
djihadisme n'a de cesse de passer pour ce qu'il n'est pas :
politique pour l'un, religieux pour l'autre ».
« Je précise, 1 le
capitalisme ne vaut pas ici pour « la démocratie », dont
il ne procède par aberration et à laquelle il échappe de part en
part ; 2 « la religion » ne vaut pas ici pour la
mystique, qui s'en excepte avec superbe, un peu à la façon dont il
arrive que l'amour s'excepte de la reproduction ».
« On peut en dire
ceci cependant, ert ce sera fait pour constituer ou contestable :
« capitalisme et djihadisme sont l'un et l'autre une variante
du puritanisme « ; mieux : ils sont l'un comme
l'autre une variante violente d'un même puritanisme à son stade
terminal ».
« Puritains, en
ceci qu'ils obéissent chacun à une « passion » ( il ne
faut pas moins que la passion pour que le puritanisme s'exerce sans
reste) : la « passion ascétique » ( le djihadisme),
« la passion narcissique » ( le capitalisme). »
« Au contraire de
ce qu'il semble en effet, le capitalisme est un puritanisme aussi, et
violent, dont le commandement est : « Jouis ! »
Pas de commandement plus violent, quand on sait que nul ne jouit, au
juste, a fortiori aux
conditions du capital. »
« De
ces dichotomies de principe, qui complètent les représentations
autant qu'elles les opposent, celles-ci se déduisent :
- La guerre sainte est ensorcelante quand le capitalisme n'est qu'hypnotique.
- Jouir ne s'échange que contre la transe, quand tuer/mourir s'échange contre une délivrance ( transe artificielle contre délivrance réelle).
- Dieu se mesure à l'amour ( par principe immodéré) quand l'argent n'atteint tout au plus qu'au plaisir ( par définition compté).
- Les emblèmes emphatiques de la vie qu'arbore l'une, contre l'autre ceux de la mort, qui ne sont pas cependant, à terme, en nature sinon en degré, l'une moins que l'autre mortifères.
- L’exubérance de la mort partout répandue de l'une, cruelle à l'excès, contre la parcimonie pour finir de la jouissance, abrutissante, de l'autre...(à ceci près qu'on ne suffit pas davantage à satisfaire l'irrassasiable appétit de consumation que de consommation).
- L'extase de l'instant, ici, contre la latence de la répétition, là, létales dans un cas comme dans l'autre ( à ceci près cette fois que la mort est sans commune mesure plus extasiante que la jouissance).
- -ETC. »
« On
le déduirait à tort : la passion narcissique serait par le
fait « progressiste », quand le puritanisme qui l'anime
et la nourrit est réactif ou régressif aussi, comme l'est celui qui
anime et nourrit la passion ascétique » .
« Nul
ne sait d'ailleurs encore de l'opposition structurelle réelle du
djihadisme et capitalisme. Les pays (du golfe par exemple) ne
manquent pas déjà où les formes exacerbée de l'un s’accommode
sans mal de la forme outrancière de l'autre ( de même que le
national-socialisme). »
« Et
c'est parce que la désaffection et la désagrégation des pulsions
ne seraient plus nulle part révolutionnaires que la passion
ascétique serait à peu près tout ce qu'il resterait de
l'anticapitalisme ( pérenne) et de antifascisme ( circonstanciel).
Ou, parce que le capitalisme serait sans dehors qu'il ne resterait
d'anticapitalisme qu'ascétique. Autrement dit, il n'y aurait plus
d'anticapitalisme conséquent que religieux, seul à s'opposer à la
figure enfin achevée et canonique du marché. La question qui se
pose aux anticapitalistes serait dès lors la suivante : auquel
de ces deux mondes mortifères faut-il qu'ils s'allient pour qu'au
moins l'un d'entre eux disparaisse ? Et lequel le premier –
deuxième question.
Il
n'y a eu, longtemps, qu'un seul nihilisme. U n autre en est né qui,
surenchérissant, lui conteste le nihilisme lui-même. Lequel
l'emportera ? Quoi leur opposer pour qu'aucun des deux ne
l'emporte ? » »
« Le
capitalisme : soit le soutenir dans sa totalité, soit le nier –
y remédier ou lui nuire est devenu durablement impossible ( tendance
lourde du capitalisme : sa consolidation définitive). Le
soutenir ne souffre plus ni détail ni condition. Il en est ainsi
depuis 1989. Et c'est depuis 1989qu'à peu près tout le monde le
soutient. »
« Consolation
que le communisme ( entre autres révolutionnarismes)à a paru
pouvoir satisfaire, le temps court – tout au plus quelques petites
dizaines d'années – entre le moment où l'on n'a plus douté de la
mort de Dieu, et celui où l'on s'est convaincu que la naissance de
l'argent ( pour tous, en toute hypothèse) était de nature à le
remplacer avantageusement. »
« Tueries
qu 'on n'aura pas entendu les révolutionnaires ou les
« insurrectionnalistes prendre si peu que ce soit en
considération, encore moins déplorer, leur préférant d('autres
victimes, susceptibles celles là de consolider leurs alliances
stratégiques ou de principe ( ainsi que le veut l'irénisme auquel
la situation défensive les réduit). Et leur permettant d'accuser
d'abord les conséquences il est vrai liberticides et
discriminatrices de l'antiterrorisme : »Ce que je vois
dans le 11 janvier, c'est d'abord une manœuvre
gouvernementale obscène pour s'approprier un choc, pour
s'approprier un état d'extrême vulnérabilité générale et la
tentative, réussie à ce jour, de retourner en instrument de
domination de la population un événement terrible » »
« Ceci
est possible aussi : qu'il entre dans cette mansuétude
inattendue de l'anticapitalisme un étonnement, qui sait une envie,
ici, assez de pensée ou assez de passion de passion pour mourir pour
la révolution. La révolution se cherche martyrs, quand la religion
n'en marque pas. »
Boyan
Manchev : « Il est grand temps de dépasser l'état
immature du romantisme révolutionnaire et d'opposer la tendance à
concevoir l'insurrection en tant que structure vide, la structure
vide de l'événement ( messianique, eschatologique ). Il n'y a pas
de politique sans substance, et la substance historique est toujours
complexe, elle relève d'un champ de forces où la dynamique des
partages et des déchirures excède toute hypostase de la logique de
la négativité, et de sa figure majeure – l’événement de la
sortie. »
« L'éventualité
que le vide de la structure événementielle ( insurrectionnell ou
révolutionnaire) se remplisse de représentations et
d'actualisations régressives et fascinantes est en effet la plus
grande aujourd'hui en Europe et en France. Lesquelles ne sont pas
moins que les représentations et actualisations de l'islam politique
radical susceptibles de produire un romantisme aussi, explicitement
contre-révolutionnaire, d'un pouvoir d'attraction-répulsion
analogue, sinon aussi efficace. »
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