samedi 17 novembre 2018

Que faire ? de Vladimir Illitch Lénine



« Si la critique théorique de Bernstein et ses convoitises politiques demeuraient encore obscures pour certains, les français ont pris soin de faire une démonstration pratique de la "nouvelle méthode". Cette fois encore la France a justifié sa vieille réputation de "pays dans l'histoire duquel la lutte des classes, plus qu'ailleurs, était poussée résolument jusqu'au bout" (Engels, extrait de la préface au 18 Brumaire de Marx). Au lieu de théoriser, les socialistes français ont agi; les conditions politiques de la France, plus évoluées sous le rapport démocratique, leur ont permis de passer immédiatement au "bernsteinisme pratique" avec toutes ses conséquences. Millerand a fourni un brillant exemple de ce bernsteinisme pratique; aussi, avec quel zèle Bernstein et Vollmar sont-ils accourus pour défendre et louanger Millerand ! En effet, si la social-démocratie n'est au fond que le parti des réformes et doit avoir le courage de le reconnaître ouvertement, le socialiste non seulement a le droit d'entrer dans un ministère bourgeois, mais il doit même s'y efforcer toujours. Si la démocratie signifie, dans le fond, la suppression de la domination de classe, pourquoi un ministre socialiste ne séduirait-il pas le monde bourgeois par des discours sur la collaboration des classes ? Pourquoi ne conserverait-il pas son portefeuille, même après que des meurtres d'ouvriers par les gendarmes ont montré pour la centième et la millième fois le véritable caractère de la collaboration démocratique des classes ? Pourquoi ne saluerait-il pas personnellement le tsar que les socialistes français n'appellent plus autrement que knouteur, pendeur et déportateur ? Et pour compenser cet abîme d'avilissement et d'auto fustigation du socialisme devant le monde entier, pour compenser cette perversion de la conscience socialiste des masses ouvrières - seule base pouvant nous assurer la victoire - on nous offre de grandiloquents projets de réformes infimes, infimes au point qu'on obtenait davantage des gouvernements bourgeois ! »

« La liberté est un grand mot, mais c'est sous le drapeau de la liberté de l'industrie qu'ont été menées les pires guerres de brigandage; c'est sous le drapeau de la liberté du travail qu'on a spolié les travailleurs. »

« La rupture ne provint évidemment pas de ce que les "alliés" s'étaient avérés des démocrates bourgeois. Au contraire, les représentants de cette dernière tendance sont pour la social-démocratie des alliés naturels et désirables, pour autant qu'il s'agit de ses tâches démocratiques que la situation actuelle de la Russie porte au premier plan. Mais la condition nécessaire d'une telle alliance, c'est la pleine possibilité pour les socialistes de dévoiler devant la classe ouvrière l'opposition hostile de ses intérêts avec ceux de la bourgeoisie. Or, le bernsteinisme et la tendance "critique" auxquels se rallièrent en foule la plupart des marxistes légaux, enlevaient cette possibilité et pervertissaient la conscience socialiste en avilissant le marxisme, en prêchant la théorie de l'émoussement des antagonismes sociaux, en proclamant absurde l'idée de la révolution sociale et de la dictature du prolétariat, en ramenant le mouvement ouvrier et la lutte de classes à un trade-unionisme étroit et à la lutte pour de menues réformes graduelles. Cela équivaut parfaitement à la négation, par la démocratie bourgeoise, du droit du socialisme à l'indépendance, et, par conséquent de son droit à l'existence; cela tendait en pratique à transformer le mouvement ouvrier, alors à ses débuts, en appendice du mouvement libéral. »

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