« La
social-démocratie doit se transformer de parti de révolution
sociale en parti démocratique de réformes sociales. Cette
revendication politique, Bernstein l'a entourée de toute une
batterie de "nouveaux" arguments et considérations assez
harmonieusement orchestrés. Il nie la possibilité de donner un
fondement scientifique au socialisme et de prouver, du point de vue
de la conception matérialiste de l'histoire, sa nécessité et son
inévitabilité; il nie la misère croissante, la prolétarisation et
l'aggravation des contradictions capitalistes; il déclare
inconsistante la conception même du "but final" et
repousse catégoriquement l'idée de la dictature du prolétariat; il
nie l'opposition de principe entre le libéralisme et le socialisme;
il nie la théorie de la lutte de classes, soi-disant
inapplicable à une société strictement démocratique, administrée
selon la volonté de la majorité, etc. »
« Ceux
qui ne ferment pas sciemment les yeux ne peuvent pas ne pas voir que
la nouvelle tendance "critique" dans le socialisme n'est
qu'une nouvelle variété de l'opportunisme. Et si l'on juge
des gens, non pas d'après le brillant uniforme qu'ils ont eux-mêmes
revêtu ou le nom à effet qu'ils se sont eux-mêmes attribué, mais
d'après leur façon d'agir et les idées qu'ils propagent
effectivement, il apparaîtra clairement que la "liberté de
critique" est la liberté de la tendance opportuniste dans la
social démocratie, la liberté de transformer cette dernière en un
parti démocratique de réformes, la liberté de faire pénétrer
dans le socialisme les idées bourgeoises et les éléments
bourgeois. »
« La
question se pose maintenant : étant donné ces particularités de la
"critique" et du bernsteinisme russes, quelle devait être
la tâche de ceux qui, réellement, et non pas seulement en paroles,
voulaient combattre l'opportunisme ? Tout d'abord, il fallait songer
à reprendre le travail théorique, qui, à peine commencé à
l'époque du marxisme légal, retombait maintenant sur les militants
illégaux; sans ce travail, la croissance normale du mouvement était
impossible. Ensuite, il était nécessaire d'engager une lutte active
contre la "critique" légale qui pervertissait à fond les
esprits. Enfin, il fallait s'élever vigoureusement contre la
dispersion et les flottements du mouvement pratique, en dénonçant
et réfutant toute tentative de rabaisser, consciemment ou
inconsciemment, notre programme et notre tactique. »
« Si
vraiment il est nécessaire de s'unir, écrivait Marx aux chefs du
parti, passez des accords en vue d'atteindre les buts pratiques, du
mouvement, mais n'allez pas jusqu'à faire commerce des principes, ne
faites pas de "concessions" théoriques. Telle était la
pensée de Marx, et voilà qu'il se trouve parmi nous des gens qui,
en son nom, essayent de diminuer l'importance de la théorie ! »
« Deuxièmement,
le mouvement social-démocrate est, par son essence même,
international. Il ne s'ensuit pas seulement que nous devons combattre
le chauvinisme national. Il s'ensuit encore qu'un mouvement qui
commence dans un pays jeune ne peut être fructueux que s'il assimile
l'expérience des autres pays. Or pour cela il ne suffit pas
simplement de connaître cette expérience ou de se borner à
recopier les dernières résolutions : il faut pour cela savoir faire
l'analyse critique de cette expérience et la contrôler soi-même.
Ceux qui se rendent compte combien s'est développé le mouvement
ouvrier contemporain, et combien il s'est ramifié, comprendront
quelle réserve de forces théoriques et d'expérience politique (et
révolutionnaire) réclame l'accomplissement de cette tâche. »
« Les
ouvriers, avons-nous dit, ne pouvaient pas avoir encore la
conscience social-démocrate. Celle-ci ne pouvait leur venir que du
dehors. L'histoire de tous les pays atteste que, par ses seules
forces, la classe ouvrière ne peut arriver qu'à la conscience
tradeunioniste, c'est-à-dire à la conviction qu'il faut s'unir en
syndicats, mener la lutte contre le patronat, réclamer du
gouvernement telles ou telles lois nécessaires aux ouvriers, etc.
Quant à la doctrine socialiste, elle est née des théories
philosophiques, historiques, économiques élaborées par les
représentants instruits des classes possédantes, par les
intellectuels. Les fondateurs du socialisme scientifique
contemporain, Marx et Engels, étaient eux-mêmes, par leur situation
sociale, des intellectuels bourgeois. »
« Les
phrases de ce genre ont toujours été l'arme préférée des
bourgeois d'Occident qui, haïssant le socialisme, travaillaient
eux-mêmes (comme le "social-politique" allemand Hirsch) à
transplanter chez eux le trade-unionisme anglais, et disaient aux
ouvriers que la lutte uniquement syndicale est une lutte justement
pour eux et pour leurs enfants, et non pour de vagues générations
futures avec un vague socialisme futur. Et voici que les "V. V.
de lia social-démocratie russe" se mettent à répéter ces
phrases bourgeoises. Il importe de marquer ici trois points qui nous
seront d'une grande utilité dans notre analyse des divergences
actuelles. »
 
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