La
nature de Dieu et ses rapports avec le monde furent et sont conçus
de diverses manières par les différents systèmes philosophiques et
religieux. Le concept de Dieu comme Etre suprême est commun à
presque toutes les religions et à presque tous ces systèmes ; mais
cet Etre peut être conçu comme créateur du monde (créationnisme)
ou comme l'ordonnateur de la matière, existante ab oeterno comme
lui, et qui, pour ordonner, se sert d'un intermédiaire (demiurgo).
Il peut être conçu comme inhérent au monde avec la substance
duquel il est indissolublement identifié (panthéisme) ou comme en
dehors de l'univers, duquel il est substantiellement distinct ; on
peut lui nier toute action sur le monde et sur l'homme (déisme
épicurien) et on peut en faire une entité personnelle,
intelligente, qui intervient incessamment dans les événements
naturels et humains (providence) ; on peut croire en une divinité
seule et unique (monothéisme) ou bien en une unique divinité en
trois personnes, comme dans le mystère catholique de la Trinité, ou
en deux divinités, l’une représentant le principe du bien,
l'autre le principe du mal (dualisme, manichéisme) ou en plusieurs
divinités pourvues d'attributs divers et disposées hiérarchiquement
(polythéisme) ; on peut croire que son existence n'a pas besoin
d'être prouvée en tant que le dessein de Dieu est créé avec la
nature intelligente, de sorte qu'elle est le fondement de toute autre
connaissance (ontologisme), ou on peut estimer le cerveau humain
incapable de démontrer cette vérité, qu'il doit recevoir de la
révélation (révélationnisme) et de la tradition qui la transmet
(traditionalisme) ; ou on peut, au contraire, en démontrer
l'existence avec des arguments a priori (ontologiques, idéologiques,
moraux) ou avec des arguments a posteriori (métapsychiques,
théologiques, cosmologiques). Il est intéressant d'examiner comment
Dieu fut conçu par les principaux philosophes. Pour Platon, c'est
l'idée du Bien, l'idée la plus élevée, à laquelle toutes les
autres sont subordonnées comme moyen et, partant, la cause finale de
tout ce gui peut arriver. Pour Aristote, c'est le premier moteur
immobile, qui met en mouvement chaque chose non par impulsion
mécanique mais par l'irrésistible attraction de sa beauté ; c'est
une activité qui réside purement en elle-même, ou bien la pensée
pure, qui ne demande rien d'autre comme objet, mais qui possède un
contenu toujours égal : donc la pensée de la pensée. Aristote
jette les bases du monothéisme spiritualiste ; puisque Dieu est mis
comme Etre auto conscient, distinct du monde et comme l'élément
immatériel. Pour les stoïques, il est la force originelle
universelle, dans laquelle sont contenues et la causalité et la
finalité de tout ce qui existe et de tout ce qui peut advenir ;
comme force productive et formatrice, Dieu c'est la raison séminale,
le principe de la vie, qui déroule dans la multiplicité des
phénomènes et, dans cette fonction organique, Dieu est aussi la
raison qui crée et guide vers un but déterminé. De là, face à
tous les processus particuliers, il est la providence souveraine.
Dans le néo-platonisme il est l'Etre primitif absolument
transcendant, l'unité parfaite, supérieure aussi à l'esprit,
infini, incompréhensible, inexprimable. Pour saint Augustin, il est
l'unité absolue, la vérité qui embrasse tout, l'Etre suprême, la
suprême beauté, le bien suprême. Pour Scoto Trigena, c'est
l'essence substantielle de toutes les choses en tant qu'il possède
en lui même les vraies conditions de l'Etre. Pour Nicola Cusano,
c'est l'unité de tous les opposés, l'absolue réalité, en qui les
possibilités sont réalisées comme telles, pendant que chacun des
nombreux finis est seulement possible en soi, et réel seulement pour
lui. Dans chacune de ses manifestations, le Deus implicitus unique
est aussi le Deus explicitus diffusé dans la multiplicité, le fini
et l'infini, le maximum et le minimum. Pour Böhme, c'est le premier
principe et la cause du monde lequel n'est que l'essence de Dieu même
faite créature ; pareillement pour Giordano Bruno, Dieu est la cause
formelle, efficiente et finale de l'univers, l'artiste qui agit sans
intervention et qui transforme son intérieur en vie vigoureuse. Pour
Descartes c'est « l'ens perfectissimum », l'être infini que
l'esprit humain comprend avec une certitude intuitive dans son propre
être imparfait et fini. Pour Spinoza, c'est l'essence universelle
des choses finies, « l'ens realissimum » possédant une infinité
d'attributs, mais qui n'existe que dans les choses comme leur essence
générale, et dans lequel toutes les choses existent, comme manières
de sa réalité. Pour Malebranche, Dieu c'est le lien des esprits,
comme l'espace est le lien des corps ; toute connaissance humaine est
une participation à la raison infinie, toutes les idées des choses
finies ne sont que déterminations de l'idée de Dieu, tous les
désirs tournés à l'individuel ne sont que participations à
l'amour de Dieu comme principe de l'être et de la vie. Pour Leibnitz
c'est la monade centrale, la monade suprême dans la série
ininterrompue qui va des plus simples jusqu'aux esprits et qui, pour
cela, représente l'univers en toute la clarté et la distinction.
Pour Fichte c'est le Moi universel, absolument libre, l'ordre moral
du monde. Pour Schleiermacher, c'est l'identité de la pensée avec
l'être ; et qui, comme tel, ne peut être objet ni de la raison
théorique, ni de la raison pratique, mais qui, cependant, constitue
le but absolu de la pensée. Pour Schelling, c'est la raison absolue
ou l'indifférence de nature ou d'esprit, d'objet et de sujet, parce
que le principe plus haut ne peut être déterminé ni réellement ni
idéalement, et en lui doivent disparaître tous les contrastes. Pour
Hegel, c'est l'esprit absolu, l'idée dont les déterminations
constituent le développement du monde.
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C. BERNERI.
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