Ernst H. POSSE : Le Marxisme en
France de 1871 à 1905 (Berlin, br. in-8, 82 p.)
Cette étude historique suit le
développement de la forme sous laquelle s’est exprimée la doctrine marxiste en
France depuis la Commune de Paris et la décomposition de la Ire Internationale
marxiste, jusqu’au regroupement, sous l’influence directe du Congrès de Dresde
de la social-démocratie allemande et du Congrès d’Amsterdam de la IIe
Internationale, de tous les partis socialistes en Parti Socialiste Unifié en
1905. Le marxisme est représenté en France dans cette période par
l’enseignement de Jules Guesde après la Commune et dont le parti fut toujours
traité et considéré comme leur par les deux vieux camarades de Londres. Le
marxisme fut ainsi « réalisé » en France durant ce dernier tiers du XIXe siècle
sous la forme du guesdisme, exactement comme en Allemagne sous la forme du
kautskisme et de même sous diverses formes spécifiques en Italie et en Russie.
Mais alors que le marxisme allemand – dans ce pays « d’impuissance démocratique
et révolutionnaire » (Jaurès) – ne faisait que s’assurer dans l’ensemble du
mouvement socialiste un rôle indiscutable de formation idéologique, le marxisme
français – guesdiste – a dû par suite des conditions sociales et politiques
très différentes de la IIIe République démontrer dès la première heure de son
existence l’exactitude de ses principes théoriques par leur utilité pratique,
dans l’action de la classe ouvrière et soutenir une lutte incessante et
violente en partie contre les résultats des mouvements socialistes antérieurs,
en partie contre les théories et formes de tactique nouvellement écloses de
l’évolution en cours. Posse montre comment le guesdisme abandonna peu à peu son
caractère initial radicalement ouvrier et révolutionnaire pour aboutir à
l’extrême-droite du mouvement socialiste d’alors, et comment, d’autre part et
en même temps, le groupe marxiste de Guesde accomplit un travail d’éducation
des plus féconds et imprima son empreinte marxiste à l’ensemble du mouvement
d’une manière si profonde qu’elle subsiste encore aujourd’hui. Devant une
évolution si contradictoire, est-il fondé de penser que la victoire formelle de
la minorité guesdiste sur la majorité réformiste et centriste du Congrès
unitaire de 1905 a signifié en gros une victoire du point de vue
révolutionnaire de classe ? L’auteur n’a pas pris à ce sujet une position
claire et univoque. Il laisse, il est vrai, très nettement et suffisamment
entendre dans son exposé de la critique du guesdisme comme du kautskisme par
les syndicalistes révolutionnaires (Pelloutier, Lagardelle, Sorel) et par les
jauressistes qu’il considère ces critiques comme bien fondées, en général.
Cependant, dans son jugement d’ensemble, il reste attaché au schéma
conventionnel. Et il en résulte une contradiction insoluble entre la conclusion
explicite et les vraies conséquences de sa propre description, ce qui
ressortirait davantage si l’auteur ne s’était limité à 1905 et au mouvement
politique dans le sens étroit du mot. L’année 1905 marque en effet le tournant
à partir duquel le principe marxiste, avéré dans la phase précédente comme la
forme d’évolution la plus puissante de la lutte de classe, se transforme peu à
peu en chaîne idéologique pour cette même lutte de classe. Malgré tout, cette
étude de Posse apporte une contribution réelle à la solution du problème
difficile d’éclaircir d’une façon scientifique et critique un passage important
de l’histoire du marxisme.
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