lundi 26 avril 2021

KORSCH : COMPTE-RENDU DE ERNST H. POSSE, LE MARXISME EN FRANCE DE 1871 À 1905 (1933)

 

Ernst H. POSSE : Le Marxisme en France de 1871 à 1905 (Berlin, br. in-8, 82 p.)

Cette étude historique suit le développement de la forme sous laquelle s’est exprimée la doctrine marxiste en France depuis la Commune de Paris et la décomposition de la Ire Internationale marxiste, jusqu’au regroupement, sous l’influence directe du Congrès de Dresde de la social-démocratie allemande et du Congrès d’Amsterdam de la IIe Internationale, de tous les partis socialistes en Parti Socialiste Unifié en 1905. Le marxisme est représenté en France dans cette période par l’enseignement de Jules Guesde après la Commune et dont le parti fut toujours traité et considéré comme leur par les deux vieux camarades de Londres. Le marxisme fut ainsi « réalisé » en France durant ce dernier tiers du XIXe siècle sous la forme du guesdisme, exactement comme en Allemagne sous la forme du kautskisme et de même sous diverses formes spécifiques en Italie et en Russie. Mais alors que le marxisme allemand – dans ce pays « d’impuissance démocratique et révolutionnaire » (Jaurès) – ne faisait que s’assurer dans l’ensemble du mouvement socialiste un rôle indiscutable de formation idéologique, le marxisme français – guesdiste – a dû par suite des conditions sociales et politiques très différentes de la IIIe République démontrer dès la première heure de son existence l’exactitude de ses principes théoriques par leur utilité pratique, dans l’action de la classe ouvrière et soutenir une lutte incessante et violente en partie contre les résultats des mouvements socialistes antérieurs, en partie contre les théories et formes de tactique nouvellement écloses de l’évolution en cours. Posse montre comment le guesdisme abandonna peu à peu son caractère initial radicalement ouvrier et révolutionnaire pour aboutir à l’extrême-droite du mouvement socialiste d’alors, et comment, d’autre part et en même temps, le groupe marxiste de Guesde accomplit un travail d’éducation des plus féconds et imprima son empreinte marxiste à l’ensemble du mouvement d’une manière si profonde qu’elle subsiste encore aujourd’hui. Devant une évolution si contradictoire, est-il fondé de penser que la victoire formelle de la minorité guesdiste sur la majorité réformiste et centriste du Congrès unitaire de 1905 a signifié en gros une victoire du point de vue révolutionnaire de classe ? L’auteur n’a pas pris à ce sujet une position claire et univoque. Il laisse, il est vrai, très nettement et suffisamment entendre dans son exposé de la critique du guesdisme comme du kautskisme par les syndicalistes révolutionnaires (Pelloutier, Lagardelle, Sorel) et par les jauressistes qu’il considère ces critiques comme bien fondées, en général. Cependant, dans son jugement d’ensemble, il reste attaché au schéma conventionnel. Et il en résulte une contradiction insoluble entre la conclusion explicite et les vraies conséquences de sa propre description, ce qui ressortirait davantage si l’auteur ne s’était limité à 1905 et au mouvement politique dans le sens étroit du mot. L’année 1905 marque en effet le tournant à partir duquel le principe marxiste, avéré dans la phase précédente comme la forme d’évolution la plus puissante de la lutte de classe, se transforme peu à peu en chaîne idéologique pour cette même lutte de classe. Malgré tout, cette étude de Posse apporte une contribution réelle à la solution du problème difficile d’éclaircir d’une façon scientifique et critique un passage important de l’histoire du marxisme.

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